Système des contradictions économiques

Business & Finance, Economics
Cover of the book Système des contradictions économiques by PIERRE-JOSEPH PROUDHON, GILBERT TEROL
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Author: PIERRE-JOSEPH PROUDHON ISBN: 1230002984155
Publisher: GILBERT TEROL Publication: December 9, 2018
Imprint: Language: French
Author: PIERRE-JOSEPH PROUDHON
ISBN: 1230002984155
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: December 9, 2018
Imprint:
Language: French

Tome II

Trompée sur l’efficacité de ses mesures réglementaires, et désespérant de trouver au dedans de soi une compensation au prolétariat, la société va lui chercher au dehors des garanties. Tel est le mouvement dialectique qui amène, dans l’évolution sociale, la phase du commerce extérieur, laquelle se formule aussitôt en deux théories contradictoires, la liberté absolue et l’interdiction, et se résout dans la célèbre formule, appelée balance du commerce. Nous examinerons successivement chacun de ces points de vue.

Rien de plus légitime que la pensée du commerce extérieur, qui, en augmentant le débouché, par conséquent le travail, par conséquent aussi le salaire, doit donner au peuple un supplément de l’impôt, si vainement, si malheureusement imaginé pour lui. Ce que le travail n’a pu obtenir du monopole au moyen de taxes et à titre de revendication, il le tirera d’ailleurs par le commerce ; et l’échange des produits, organisé de peuple à peuple, procurera un adoucissement à la misère.

Mais le monopole, comme s’il avait à se faire dédommager de charges qu’il devait supporter, et qu’en réalité il ne supporte pas, le monopole s’oppose, au nom et dans l’intérêt du travail même, à la liberté des échanges, et réclame le privilège du marché national. D’un côté donc, la société tend à dompter le monopole par l’impôt, la police et la liberté du commerce : de l’autre le monopole réagit contre la tendance sociale et parvient presque toujours à l’annuler, par la proportionnalité des contributions, par la libre discussion du salaire, et par la douane.

De toutes les questions économiques, aucune n’a été plus vivement controversée que celle du principe protecteur ; aucune ne fait mieux ressortir l’esprit toujours exclusif de l’école économiste, qui, dérogeant sur ce point à ses habitudes conservatrices, et faisant tout à coup volte-face, s’est résolument déclarée contre la balance du commerce. Tandis que partout ailleurs les économistes, gardiens vigilants de tous les monopoles et de la propriété, se tiennent sur la défensive et se bornent à écarter comme utopiques les prétentions des novateurs ; sur la question prohibitive ils ont eux-mêmes commencé l’attaque ; ils ont crié haro sur le monopole, comme si le monopole leur fût apparu pour la première fois ; et ils ont rompu en visière à la tradition, aux intérêts locaux, aux principes conservateurs, à la politique leur souveraine, et pour tout dire, au sens commun. Il est vrai que malgré leurs anathèmes et leurs démonstrations prétendues le système prohibitif est aussi vivace aujourd’hui, malgré l’agitation anglo-française, qu’aux temps abhorrés de Colbert et de Philippe II. A cet égard, on peut dire que les déclamations de la secte, comme on nommait l’école économiste il va un siècle, prouvent à chaque mot le contraire de ce qu’elles avancent, et sont accueillies avec la même méfiance que les prédications des communistes.

J’ai donc à prouver, conformément à la marche adoptée dans cet ouvrage, d’abord contre les partisans du système prohibitif, que la liberté du commerce est de nécessité économique, aussi bien que de nécessité naturelle ; en second lieu contre les économistes anti-protecteurs, que cette même liberté, qu’ils regardent comme la destruction du monopole, est au contraire la dernière main donnée à l'édification de tous les monopoles, la consolidation de la féodalité mercantile, la solidarité de toutes les tyrannies comme de toutes les misères. Je terminerai par la solution théorique de cette antinomie, solution connue dans tous les siècles, sous le nom de balance du commerce.

Les arguments qu’on fait valoir en faveur de la liberté absolue du commerce sont connus : je les accepte dans toute leur teneur ; il me suffira donc de les rappeler en quelques pages. Laissons parler les économistes eux-mêmes.

« Supposez les douanes inconnues, que se serait-il passé ?

» D’abord, on avait une infinité de guerres sanglantes de moins ; les délits de la fraude et de la contrebande n’existaient pas, non plus que les lois pénales faites pour leur répression : les rivalités nationales nées des intérêts rivaux du commerce et de l’industrie sont inconnues ; il n’y a que des frontières politiques ; les produits circulent de territoire à territoire sans entraves, au plus grand profit des producteurs ; les échanges se sont établis sur une vaste échelle ; les crises commerciales, l’encombrement, la pénurie sont des faits exceptionnels ; les débouchés existent dans la plus vaste acception du mot, et chaque producteur a pour marché le monde entier... »

J’abrège ici cette description, dégénérée en une fantaisie dont l’auteur, M. Fix, n’a d’ailleurs pas été dupe. Le bonheur du genre humain n’a pas tenu à si peu de chose qu’aux gabelous ; et quand la douane n’eût jamais existé, il aurait suffi de la division du travail, des machines, de la concurrence, du monopole et de la police, pour créer partout l’oppression et le désespoir.

Ce qui suit ne mérite aucun reproche.

« Supposons qu’à celle époque un citoyen de chaque gouvernement fût venu dire :

» J’ai trouvé un moyen de hâter et d’augmenter la prospérité de mes compatriotes ; et comme je suis convaincu de l’excellence des résultats de ma combinaison, mon gouvernement va l’appliquer immédiatement dans toute sa rigueur. A l’avenir vous n’aurez plus certains de nos produits, nous n’aurons plus que quelques-uns des vôtres ; nos frontières seront cernées par une armée qui fera la guerre aux marchandises ; qui repoussera totalement les unes, qui admettra les autres moyennant une formidable rançon ; qui fera payer tout ce qui osera entrer et sortir ; qui visitera les convois, les fourgons, les ballots, les caisses, et jusqu’aux paquets microscopiques ; qui arrêtera le marchand des jours et des heures à la frontière ; qui le déshabillera quelquefois pour lui trouver entre la chemise et la peau quelque chose qui ne doit ni entrer ni sortir.

» A cette armée, munie de fusils et de sabres, correspondra une autre armée munie de plumes, plus formidable encore que la première. Elle réglementera, ou fera réglementer constamment ;

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Tome II

Trompée sur l’efficacité de ses mesures réglementaires, et désespérant de trouver au dedans de soi une compensation au prolétariat, la société va lui chercher au dehors des garanties. Tel est le mouvement dialectique qui amène, dans l’évolution sociale, la phase du commerce extérieur, laquelle se formule aussitôt en deux théories contradictoires, la liberté absolue et l’interdiction, et se résout dans la célèbre formule, appelée balance du commerce. Nous examinerons successivement chacun de ces points de vue.

Rien de plus légitime que la pensée du commerce extérieur, qui, en augmentant le débouché, par conséquent le travail, par conséquent aussi le salaire, doit donner au peuple un supplément de l’impôt, si vainement, si malheureusement imaginé pour lui. Ce que le travail n’a pu obtenir du monopole au moyen de taxes et à titre de revendication, il le tirera d’ailleurs par le commerce ; et l’échange des produits, organisé de peuple à peuple, procurera un adoucissement à la misère.

Mais le monopole, comme s’il avait à se faire dédommager de charges qu’il devait supporter, et qu’en réalité il ne supporte pas, le monopole s’oppose, au nom et dans l’intérêt du travail même, à la liberté des échanges, et réclame le privilège du marché national. D’un côté donc, la société tend à dompter le monopole par l’impôt, la police et la liberté du commerce : de l’autre le monopole réagit contre la tendance sociale et parvient presque toujours à l’annuler, par la proportionnalité des contributions, par la libre discussion du salaire, et par la douane.

De toutes les questions économiques, aucune n’a été plus vivement controversée que celle du principe protecteur ; aucune ne fait mieux ressortir l’esprit toujours exclusif de l’école économiste, qui, dérogeant sur ce point à ses habitudes conservatrices, et faisant tout à coup volte-face, s’est résolument déclarée contre la balance du commerce. Tandis que partout ailleurs les économistes, gardiens vigilants de tous les monopoles et de la propriété, se tiennent sur la défensive et se bornent à écarter comme utopiques les prétentions des novateurs ; sur la question prohibitive ils ont eux-mêmes commencé l’attaque ; ils ont crié haro sur le monopole, comme si le monopole leur fût apparu pour la première fois ; et ils ont rompu en visière à la tradition, aux intérêts locaux, aux principes conservateurs, à la politique leur souveraine, et pour tout dire, au sens commun. Il est vrai que malgré leurs anathèmes et leurs démonstrations prétendues le système prohibitif est aussi vivace aujourd’hui, malgré l’agitation anglo-française, qu’aux temps abhorrés de Colbert et de Philippe II. A cet égard, on peut dire que les déclamations de la secte, comme on nommait l’école économiste il va un siècle, prouvent à chaque mot le contraire de ce qu’elles avancent, et sont accueillies avec la même méfiance que les prédications des communistes.

J’ai donc à prouver, conformément à la marche adoptée dans cet ouvrage, d’abord contre les partisans du système prohibitif, que la liberté du commerce est de nécessité économique, aussi bien que de nécessité naturelle ; en second lieu contre les économistes anti-protecteurs, que cette même liberté, qu’ils regardent comme la destruction du monopole, est au contraire la dernière main donnée à l'édification de tous les monopoles, la consolidation de la féodalité mercantile, la solidarité de toutes les tyrannies comme de toutes les misères. Je terminerai par la solution théorique de cette antinomie, solution connue dans tous les siècles, sous le nom de balance du commerce.

Les arguments qu’on fait valoir en faveur de la liberté absolue du commerce sont connus : je les accepte dans toute leur teneur ; il me suffira donc de les rappeler en quelques pages. Laissons parler les économistes eux-mêmes.

« Supposez les douanes inconnues, que se serait-il passé ?

» D’abord, on avait une infinité de guerres sanglantes de moins ; les délits de la fraude et de la contrebande n’existaient pas, non plus que les lois pénales faites pour leur répression : les rivalités nationales nées des intérêts rivaux du commerce et de l’industrie sont inconnues ; il n’y a que des frontières politiques ; les produits circulent de territoire à territoire sans entraves, au plus grand profit des producteurs ; les échanges se sont établis sur une vaste échelle ; les crises commerciales, l’encombrement, la pénurie sont des faits exceptionnels ; les débouchés existent dans la plus vaste acception du mot, et chaque producteur a pour marché le monde entier... »

J’abrège ici cette description, dégénérée en une fantaisie dont l’auteur, M. Fix, n’a d’ailleurs pas été dupe. Le bonheur du genre humain n’a pas tenu à si peu de chose qu’aux gabelous ; et quand la douane n’eût jamais existé, il aurait suffi de la division du travail, des machines, de la concurrence, du monopole et de la police, pour créer partout l’oppression et le désespoir.

Ce qui suit ne mérite aucun reproche.

« Supposons qu’à celle époque un citoyen de chaque gouvernement fût venu dire :

» J’ai trouvé un moyen de hâter et d’augmenter la prospérité de mes compatriotes ; et comme je suis convaincu de l’excellence des résultats de ma combinaison, mon gouvernement va l’appliquer immédiatement dans toute sa rigueur. A l’avenir vous n’aurez plus certains de nos produits, nous n’aurons plus que quelques-uns des vôtres ; nos frontières seront cernées par une armée qui fera la guerre aux marchandises ; qui repoussera totalement les unes, qui admettra les autres moyennant une formidable rançon ; qui fera payer tout ce qui osera entrer et sortir ; qui visitera les convois, les fourgons, les ballots, les caisses, et jusqu’aux paquets microscopiques ; qui arrêtera le marchand des jours et des heures à la frontière ; qui le déshabillera quelquefois pour lui trouver entre la chemise et la peau quelque chose qui ne doit ni entrer ni sortir.

» A cette armée, munie de fusils et de sabres, correspondra une autre armée munie de plumes, plus formidable encore que la première. Elle réglementera, ou fera réglementer constamment ;

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