Confessions d’un ex-libre-penseur

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book Confessions d’un ex-libre-penseur by LÉO TAXIL, GILBERT TEROL
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Author: LÉO TAXIL ISBN: 1230002772837
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 1, 2018
Imprint: Language: French
Author: LÉO TAXIL
ISBN: 1230002772837
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 1, 2018
Imprint:
Language: French

Écrire sa propre histoire est certainement ce qu’on peut imaginer de plus fastidieux. Toutefois, lorsqu’une autobiographie, loin de servir à satisfaire la vanité de l’écrivain, a un but moral, le devoir rend la tâche moins lourde.

Tel est, je crois, mon cas.

Ayant combattu l’Église pendant dix-sept ans, avec un acharnement et une rage dont il est peu d’exemples, et tout à coup, par un revirement d’esprit aussi inattendu qu’extraordinaire, étant un jour sorti de cet abîme de haine, j’ai l’obligation de confesser au public mon passé.

Et cette obligation m’est douce ; car le récit de mes égarements, la narration de ces erreurs poussées à l’extrême et finalement ayant abouti à un loyal retour à la vérité, donnera, j’en suis convaincu, quelque confiance à ceux qui pleurent sur l’aveuglement d’un parent ou d’un ami.

J’étais, semblait-il, à jamais perdu dans l’inextricable labyrinthe du mal. Et pourtant, j’en ai été retiré par une main invisible qui s’est imposée à moi, qui m’a arraché malgré moi du gouffre. Puisque la miséricorde de Dieu est telle, c’est qu’elle est vraiment infinie, c’est que tous, nous, chrétiens, nous devons sans cesse mettre en elle notre espoir.

J’appartiens, — je dois le dire tout d’abord, — à une famille méridionale, chez laquelle la piété fut toujours en honneur.

Du côté de mon père, figurent, dans notre arbre généalogique, saint François de Régis, l’admirable apôtre du Languedoc, et le père Claude de La Colombière, le vénéré directeur de la bienheureuse Marguerite-Marie ; du côté de ma mère, Mgr Affre, l’archevêque martyr, qui, au moment où il remplissait, en juin 1848, une mission de paix et de fraternité au milieu des barricades du faubourg Saint-Antoine, à Paris, tomba mortellement frappé par la balle d’un assassin demeuré toujours inconnu.

Mon aïeul paternel, Charles Jogand, eut cinq enfants : Victor, mort au service de Dieu, aumônier de l’hospice de la Charité, à Marseille ; Marius, mon père ; Joséphine, ma marraine, aujourd’hui religieuse à Lyon ; Louis, décédé, laissant une veuve et trois enfants ; et Gabriel, qui périt tout jeune dans des circonstances tragiques, sur la côte occidentale africaine, victime des peuplades sauvages.

Ma mère, née Joséphine Pagès, n’a qu’une sœur du nom de Rose, laquelle, aujourd’hui veuve, a deux enfants.

Les Pagès sont du Languedoc, et les Jogand, de la Provence.

Chez les premiers, on trouve quelques républicains, de la nuance modérée. Tels furent mon aïeul maternel, Léonidas Pagès, et son frère Junius, qui était conseiller municipal à Marseille, quand éclata le 4 septembre. Leur libéralisme, comme celui de leurs parents les Affre, ne les empêchait pas d’être profondément attachés à la foi chrétienne.

Mon père, lui, est catholique avant tout, soumettant absolument la politique, dont il ne se soucie guère, à la religion, qui, à ses yeux, est l’essentiel.

C’est à Marseille que je suis né, le 21 mars 1854.

Mes parents me donnèrent pour prénom principal celui de Gabriel, en souvenir du jeune oncle massacré par les sauvages du Dahomey.

Suivant un usage assez répandu dans le midi, je réunis le nom maternel au nom paternel. C’est pour cela que, devant l’état civil, je m’appelle Gabriel Jogand-Pagès.

Je suis le second enfant de la famille. L’aîné, Maurice, est plus âgé que moi de quatre ans ; sa profession d’homme de lettres nous a souvent fait prendre l’un pour l’autre. Cependant, aucune erreur ne devrait être possible, attendu que, pour des raisons que j’exposerai plus loin, j’ai adopté le pseudonyme littéraire de Léo Taxil et n’ai jamais signé aucun écrit de mon nom de famille ; d’autre part, en matière religieuse, nous sommes loin d’avoir, mon frère et moi, la même manière de voir.

J’avais aussi une sœur, Marguerite ; elle est morte tout récemment.

À quatre ans et demi, je fus placé, à titre d’externe, à une institution marseillaise, le pensionnat du Sacré-Cœur, rue Barthélémy.

Je me rappelle encore cette école comme si j’y étais.

Je portais alors la petite robe raccourcie des bébés. Nous étions une vingtaine de bambins, à qui la sœur Marie-Antoinette apprenait à lire ; nous lui donnions une fière besogne. Mais la bonne sœur avait une patience inimaginable, et elle était bonne, bonne ; elle nous aimait, comme si nous eussions été ses enfants.

Plus tard, je n’ai pas été le dernier des journalistes libres-penseurs à célébrer, avec toute l’indignation du parti pris, la férocité des sœurs qui font la classe aux fillettes ou aux petits garçons. La moindre chiquenaude, rapportée par une chronique, nous servait de prétexte à des déclamations dithyrambiques ; une oreille peu ou prou tirée, quel beau motif pour crier au rétablissement de la torture ! Mais je me gardais bien de parler de mes souvenirs personnels ; j’aurais été obligé d’avouer que la bonne sœur Marie-Antoinette, la sœur Bonbon, comme nous l’appelions, parce qu’elle avait toujours ses poches pleines de dragées, était pour nous une vraie maman.

Je demeurai au Sacré-Cœur jusqu’à l’âge de neuf ans.

Les professeurs que j’eus me donnèrent une bonne instruction primaire. C’étaient : M. Ripert, un brave vieux papa qui nous faisait chanter tous en chœur : Maître Corbeau sur un arbre perché ; M. Filliol, que nous considérions comme le roi de la calligraphie ; et M. Roubaud, un vénérable petit rentier, devenu professeur afin de suppléer à l’insuffisance de son modeste revenu, lequel, en classe, pour priser sans être vu des élèves, disparaissait tout à coup dans sa chair et en surgissait ensuite en criant : « Jogand, déclinez : rosa, la rose ».

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Écrire sa propre histoire est certainement ce qu’on peut imaginer de plus fastidieux. Toutefois, lorsqu’une autobiographie, loin de servir à satisfaire la vanité de l’écrivain, a un but moral, le devoir rend la tâche moins lourde.

Tel est, je crois, mon cas.

Ayant combattu l’Église pendant dix-sept ans, avec un acharnement et une rage dont il est peu d’exemples, et tout à coup, par un revirement d’esprit aussi inattendu qu’extraordinaire, étant un jour sorti de cet abîme de haine, j’ai l’obligation de confesser au public mon passé.

Et cette obligation m’est douce ; car le récit de mes égarements, la narration de ces erreurs poussées à l’extrême et finalement ayant abouti à un loyal retour à la vérité, donnera, j’en suis convaincu, quelque confiance à ceux qui pleurent sur l’aveuglement d’un parent ou d’un ami.

J’étais, semblait-il, à jamais perdu dans l’inextricable labyrinthe du mal. Et pourtant, j’en ai été retiré par une main invisible qui s’est imposée à moi, qui m’a arraché malgré moi du gouffre. Puisque la miséricorde de Dieu est telle, c’est qu’elle est vraiment infinie, c’est que tous, nous, chrétiens, nous devons sans cesse mettre en elle notre espoir.

J’appartiens, — je dois le dire tout d’abord, — à une famille méridionale, chez laquelle la piété fut toujours en honneur.

Du côté de mon père, figurent, dans notre arbre généalogique, saint François de Régis, l’admirable apôtre du Languedoc, et le père Claude de La Colombière, le vénéré directeur de la bienheureuse Marguerite-Marie ; du côté de ma mère, Mgr Affre, l’archevêque martyr, qui, au moment où il remplissait, en juin 1848, une mission de paix et de fraternité au milieu des barricades du faubourg Saint-Antoine, à Paris, tomba mortellement frappé par la balle d’un assassin demeuré toujours inconnu.

Mon aïeul paternel, Charles Jogand, eut cinq enfants : Victor, mort au service de Dieu, aumônier de l’hospice de la Charité, à Marseille ; Marius, mon père ; Joséphine, ma marraine, aujourd’hui religieuse à Lyon ; Louis, décédé, laissant une veuve et trois enfants ; et Gabriel, qui périt tout jeune dans des circonstances tragiques, sur la côte occidentale africaine, victime des peuplades sauvages.

Ma mère, née Joséphine Pagès, n’a qu’une sœur du nom de Rose, laquelle, aujourd’hui veuve, a deux enfants.

Les Pagès sont du Languedoc, et les Jogand, de la Provence.

Chez les premiers, on trouve quelques républicains, de la nuance modérée. Tels furent mon aïeul maternel, Léonidas Pagès, et son frère Junius, qui était conseiller municipal à Marseille, quand éclata le 4 septembre. Leur libéralisme, comme celui de leurs parents les Affre, ne les empêchait pas d’être profondément attachés à la foi chrétienne.

Mon père, lui, est catholique avant tout, soumettant absolument la politique, dont il ne se soucie guère, à la religion, qui, à ses yeux, est l’essentiel.

C’est à Marseille que je suis né, le 21 mars 1854.

Mes parents me donnèrent pour prénom principal celui de Gabriel, en souvenir du jeune oncle massacré par les sauvages du Dahomey.

Suivant un usage assez répandu dans le midi, je réunis le nom maternel au nom paternel. C’est pour cela que, devant l’état civil, je m’appelle Gabriel Jogand-Pagès.

Je suis le second enfant de la famille. L’aîné, Maurice, est plus âgé que moi de quatre ans ; sa profession d’homme de lettres nous a souvent fait prendre l’un pour l’autre. Cependant, aucune erreur ne devrait être possible, attendu que, pour des raisons que j’exposerai plus loin, j’ai adopté le pseudonyme littéraire de Léo Taxil et n’ai jamais signé aucun écrit de mon nom de famille ; d’autre part, en matière religieuse, nous sommes loin d’avoir, mon frère et moi, la même manière de voir.

J’avais aussi une sœur, Marguerite ; elle est morte tout récemment.

À quatre ans et demi, je fus placé, à titre d’externe, à une institution marseillaise, le pensionnat du Sacré-Cœur, rue Barthélémy.

Je me rappelle encore cette école comme si j’y étais.

Je portais alors la petite robe raccourcie des bébés. Nous étions une vingtaine de bambins, à qui la sœur Marie-Antoinette apprenait à lire ; nous lui donnions une fière besogne. Mais la bonne sœur avait une patience inimaginable, et elle était bonne, bonne ; elle nous aimait, comme si nous eussions été ses enfants.

Plus tard, je n’ai pas été le dernier des journalistes libres-penseurs à célébrer, avec toute l’indignation du parti pris, la férocité des sœurs qui font la classe aux fillettes ou aux petits garçons. La moindre chiquenaude, rapportée par une chronique, nous servait de prétexte à des déclamations dithyrambiques ; une oreille peu ou prou tirée, quel beau motif pour crier au rétablissement de la torture ! Mais je me gardais bien de parler de mes souvenirs personnels ; j’aurais été obligé d’avouer que la bonne sœur Marie-Antoinette, la sœur Bonbon, comme nous l’appelions, parce qu’elle avait toujours ses poches pleines de dragées, était pour nous une vraie maman.

Je demeurai au Sacré-Cœur jusqu’à l’âge de neuf ans.

Les professeurs que j’eus me donnèrent une bonne instruction primaire. C’étaient : M. Ripert, un brave vieux papa qui nous faisait chanter tous en chœur : Maître Corbeau sur un arbre perché ; M. Filliol, que nous considérions comme le roi de la calligraphie ; et M. Roubaud, un vénérable petit rentier, devenu professeur afin de suppléer à l’insuffisance de son modeste revenu, lequel, en classe, pour priser sans être vu des élèves, disparaissait tout à coup dans sa chair et en surgissait ensuite en criant : « Jogand, déclinez : rosa, la rose ».

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