La Guerre de Russie

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book La Guerre de Russie by JEAN DES ÉRABLES, GILBERT TEROL
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Author: JEAN DES ÉRABLES ISBN: 1230002767215
Publisher: GILBERT TEROL Publication: October 31, 2018
Imprint: Language: French
Author: JEAN DES ÉRABLES
ISBN: 1230002767215
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: October 31, 2018
Imprint:
Language: French

À Wilna un rapprochement faillit avoir lieu entre les deux empereurs, à ce que me dit un de mes amis qui avait été de service chez le colonel au moment où l’aide de camp russe Bachaloff était venu, au nom d’Alexandre, faire une dernière démarche pacifique.

Cet émissaire avait la haute direction de la police moscovite. Il demanda à l’empereur pourquoi il avait franchi la frontière et dans quel but il faisait la guerre à un peuple qui ne demandait qu’à vivre en paix avec tout le monde.

Napoléon s’emporta ; il traita Alexandre d’officier de parade et se moqua des généraux russes, qu’il déclara pour la plupart fous ou incapables.

Bachaloff partit et les événements suivirent leur cours.

Nous étions à peine sortis de Wilna, que l’enthousiasme et la gaieté quittèrent nos rangs. Beaucoup de soldats murmuraient tout haut et le nombre de traînards augmentait chaque jour. On n’avait plus en Napoléon cette confiance aveugle qui nous faisait marcher autrefois sans calculer les distances ni mesurer les dangers.

On eût dit que la fatalité planait sur nous. Un escadron polonais de la garde périt jusqu’au dernier homme dans une rivière qu’il essayait de traverser ; cinq jours de pluies torrentielles qui nous empêchèrent de prendre le moindre repos, firent brusquement baisser la température et des maladies contagieuses enlevèrent grand nombre de soldats. Plus de dix mille chevaux moururent en quarante-huit heures et ceux qui ne succombèrent pas étaient si faibles et fatigués qu’ils ne pouvaient plus nous rendre de grands services.

Cependant nous avancions toujours, chassant devant nous l’armée russe, que seuls nos éclaireurs apercevaient de temps en temps.

Le général russe Barclay de Tolly remontait la vallée de la Dwina, son infanterie sur la rive droite, sa cavalerie sur la gauche, et se dirigeait vers Witepsk. Nous comptions le rejoindre aux environs de cette ville et trouver enfin l’occasion de nous battre.

La marche fut longue et pénible. Les fortes chaleurs étaient revenues et nous n’avions pas de vivres.

Enfin, le 25 juillet, nous vîmes, près d’Ostrowno, l’arrière-garde de l’armée ennemie, c’est-à-dire l’artillerie et la cavalerie.

Une charge exécutée sous les ordres de Murat eut bientôt déblayé le terrain.

Nous poussions des cris de joie. Notre cavalerie, toujours admirable malgré le piteux état des chevaux, serrait les Russes de près et l’infanterie suivait en bon ordre, au pas gymnastique.

En peu de temps, nous eûmes gravi une petite côte d’où le regard plongeait au loin dans la campagne.

À nos pieds se tenait un nombreux corps d’armée russe, massé entre une forêt qui s’étendait au loin, et la Dwina, et protégé par une artillerie formidable. Les baïonnettes, les sabres et les lances brillaient au soleil, serrés comme des épis dans un champ de blé.

En avant !

Murat, le sabre au poing, galopait en tête et nous électrisait par son exemple.

Malheureusement l’ennemi courait plus vite que nous et au moment où nous comptions sur une bataille réglée, il disparut dans la forêt en nous souhaitant le bonsoir à coups de fusil.

Il nous fallut donc nous contenter de quelques petits combats partiels qui ne produisirent aucun effet.

Murat était furieux et s’en prenait à tout le monde ; il alla jusqu’à dire que la cavalerie n’avait pas fait son devoir.

En parlant ainsi, il se montrait injuste à notre égard et surtout à l’égard de nos chevaux. Les pauvres bêtes n’avaient plus que la peau et les os et on les entendait râler pendant la charge.

Pour ma part, j’ai reçu ce jour-là un coup de lance qui ne me fit pas grand mal. Cependant un bon bouillon m’eût fait plus de bien que cette saignée, car notre cuisinier ne nous avait offert rien de bien nourrissant pendant toute la journée.

J’ai su plus tard que le brave commandant des cuirassiers, Nansouty, fit à Murat cette belle réponse :

Nos soldats se sont battus comme des héros, mais leurs chevaux n’ont pas de patriotisme ; on ne peut les faire marcher sans foin et sans avoine.

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À Wilna un rapprochement faillit avoir lieu entre les deux empereurs, à ce que me dit un de mes amis qui avait été de service chez le colonel au moment où l’aide de camp russe Bachaloff était venu, au nom d’Alexandre, faire une dernière démarche pacifique.

Cet émissaire avait la haute direction de la police moscovite. Il demanda à l’empereur pourquoi il avait franchi la frontière et dans quel but il faisait la guerre à un peuple qui ne demandait qu’à vivre en paix avec tout le monde.

Napoléon s’emporta ; il traita Alexandre d’officier de parade et se moqua des généraux russes, qu’il déclara pour la plupart fous ou incapables.

Bachaloff partit et les événements suivirent leur cours.

Nous étions à peine sortis de Wilna, que l’enthousiasme et la gaieté quittèrent nos rangs. Beaucoup de soldats murmuraient tout haut et le nombre de traînards augmentait chaque jour. On n’avait plus en Napoléon cette confiance aveugle qui nous faisait marcher autrefois sans calculer les distances ni mesurer les dangers.

On eût dit que la fatalité planait sur nous. Un escadron polonais de la garde périt jusqu’au dernier homme dans une rivière qu’il essayait de traverser ; cinq jours de pluies torrentielles qui nous empêchèrent de prendre le moindre repos, firent brusquement baisser la température et des maladies contagieuses enlevèrent grand nombre de soldats. Plus de dix mille chevaux moururent en quarante-huit heures et ceux qui ne succombèrent pas étaient si faibles et fatigués qu’ils ne pouvaient plus nous rendre de grands services.

Cependant nous avancions toujours, chassant devant nous l’armée russe, que seuls nos éclaireurs apercevaient de temps en temps.

Le général russe Barclay de Tolly remontait la vallée de la Dwina, son infanterie sur la rive droite, sa cavalerie sur la gauche, et se dirigeait vers Witepsk. Nous comptions le rejoindre aux environs de cette ville et trouver enfin l’occasion de nous battre.

La marche fut longue et pénible. Les fortes chaleurs étaient revenues et nous n’avions pas de vivres.

Enfin, le 25 juillet, nous vîmes, près d’Ostrowno, l’arrière-garde de l’armée ennemie, c’est-à-dire l’artillerie et la cavalerie.

Une charge exécutée sous les ordres de Murat eut bientôt déblayé le terrain.

Nous poussions des cris de joie. Notre cavalerie, toujours admirable malgré le piteux état des chevaux, serrait les Russes de près et l’infanterie suivait en bon ordre, au pas gymnastique.

En peu de temps, nous eûmes gravi une petite côte d’où le regard plongeait au loin dans la campagne.

À nos pieds se tenait un nombreux corps d’armée russe, massé entre une forêt qui s’étendait au loin, et la Dwina, et protégé par une artillerie formidable. Les baïonnettes, les sabres et les lances brillaient au soleil, serrés comme des épis dans un champ de blé.

En avant !

Murat, le sabre au poing, galopait en tête et nous électrisait par son exemple.

Malheureusement l’ennemi courait plus vite que nous et au moment où nous comptions sur une bataille réglée, il disparut dans la forêt en nous souhaitant le bonsoir à coups de fusil.

Il nous fallut donc nous contenter de quelques petits combats partiels qui ne produisirent aucun effet.

Murat était furieux et s’en prenait à tout le monde ; il alla jusqu’à dire que la cavalerie n’avait pas fait son devoir.

En parlant ainsi, il se montrait injuste à notre égard et surtout à l’égard de nos chevaux. Les pauvres bêtes n’avaient plus que la peau et les os et on les entendait râler pendant la charge.

Pour ma part, j’ai reçu ce jour-là un coup de lance qui ne me fit pas grand mal. Cependant un bon bouillon m’eût fait plus de bien que cette saignée, car notre cuisinier ne nous avait offert rien de bien nourrissant pendant toute la journée.

J’ai su plus tard que le brave commandant des cuirassiers, Nansouty, fit à Murat cette belle réponse :

Nos soldats se sont battus comme des héros, mais leurs chevaux n’ont pas de patriotisme ; on ne peut les faire marcher sans foin et sans avoine.

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