Hermiston, le juge pendeur

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Hermiston, le juge pendeur by Robert Louis Stevenson, GILBERT TEROL
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Author: Robert Louis Stevenson ISBN: 1230000222489
Publisher: GILBERT TEROL Publication: March 3, 2014
Imprint: Language: French
Author: Robert Louis Stevenson
ISBN: 1230000222489
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: March 3, 2014
Imprint:
Language: French

Le Lord-Juge était considéré comme un étranger dans cette région, mais sa femme, qui en était originaire, y était connue dès l’enfance, de même que sa race l’avait été avant elle. Les vieux Chevaliers Rutherford de Hermiston dont elle était la dernière descendante, avaient été des hommes fameux autrefois, mauvais voisins, mauvais sujets et mauvais maris, quelles que fussent d’ailleurs leurs qualités. Le récit de leurs aventures est connu à vingt milles à la ronde ; et même leur nom tient une place dans notre histoire d’Écosse, mais ce n’est pas toujours à leur avantage. L’un mordit la poussière à Flodden, un autre fut pendu sur le seuil de sa porte par Jacques V ; deux tombèrent morts, l’un avec Tom Dalyell au milieu d’une orgie, et l’autre, le quatrième (c’était le propre père de Jeanne) en présidant le « Club du Feu d’Enfer » dont il était fondateur. Beaucoup de gens alors hochèrent la tête, voyant en cela un châtiment, car l’homme avait une mauvaise réputation dans toutes les classes de la société, aussi bien chez les gens d’église que chez les gens du monde. À l’heure même de son décès, dix procès le concernant, dont huit accablants, allaient se plaider durant la session en cours. Une destinée semblable atteignit ses agents ; l’intendant de ses propriétés, son bras droit dans beaucoup d’affaires de main gauche, fut renversé de son cheval et étouffé dans une fosse de tourbe à Kye-Skairs ; son procureur lui-même (bien que les avocats aient le bras long) ne lui survécut pas longtemps, il mourut subitement d’un coup de sang.

Au cours de ces générations, tandis que le Rutherford mâle était en selle avec son valet, ou se querellait dans les tavernes, il y avait toujours une femme au teint pâle enfermée dans le château seigneurial ou dans la tour fortifiée. Il paraît que cette longue suite de martyres attendit longtemps sa vengeance, mais elle finit par la trouver en la personne de sa dernière descendante, Jeanne.

Jeanne portait le nom des Rutherford, mais elle était bien la fille de ces femmes toujours tremblantes. D’abord elle ne fut pas dénuée de charmes. Les voisins se rappelaient son air lutin, les caprices de son enfance, ses gentilles petites révoltes, ses jolies gaietés tristes. Ils se souvenaient même d’un rayon de beauté matinale, qui ne devait pas s’épanouir. Elle se flétrit en grandissant, et (que ce fût à la suite des péchés de ses pères ou des chagrins de ses aïeules) lorsqu’elle arriva au moment de son épanouissement, elle était déjà sans vivacité et pour ainsi dire effacée ; elle n’avait plus de vie, plus d’entrain, ni de gaieté ; elle était pieuse, inquiète, tendre, larmoyante et bornée.

Beaucoup de gens s’étonnèrent de la voir se marier, tant elle paraissait si parfaitement faite de l’étoffe des vieilles filles. Mais le hasard la mit sur le chemin d’Adam Weir, tout nouvellement Lord-Juge, un homme connu, arrivé, un briseur d’obstacles, qui paraissait, bien que d’un âge déjà mûr, songer à prendre femme. Il était homme à estimer davantage l’obéissance que la beauté, cependant il semble bien qu’elle le frappa au premier abord :

— Qui est-ce ? dit-il en se tournant vers son hôte.

Et quand on le lui eut expliqué :

— Ah, dit-il, elle me paraît bien élevée. Elle me rappelle…

Et après une pause (que quelques-uns furent assez osés pour attribuer à des souvenirs sentimentaux) :

— A-t-elle de la religion ? demanda-t-il.

Et peu après il voulut lui être présenté. Les premières relations avec sa future femme (on ne peut vraiment pas dire sans profanation qu’il lui fit la cour) furent conduites à la manière habituelle de Weir et restèrent longtemps une légende ou plutôt une source de légendes au Palais du Parlement. On le dépeignait, arrivant dans le salon, vermeil, l’air avantageux, s’approchant de sa dame en l’assaillant de plaisanteries auxquelles la belle, embarrassée,répondait d’un air presque agonisant : « Eh, monsieur Weir » ou « Oh, monsieur Weir » ou bien « Voyons, monsieur Weir ». Au moment où ils allaient se fiancer, on rapporte que quelqu’un s’étant approché du couple amoureux, avait surpris la dame s’écriant, du ton de quelqu’un qui parle pour parler. « Voyons, monsieur Weir, et que lui est-il arrivé ? » Et le galant répondit d’une voix profonde : « Pendu, ma’am, pendu ».

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Le Lord-Juge était considéré comme un étranger dans cette région, mais sa femme, qui en était originaire, y était connue dès l’enfance, de même que sa race l’avait été avant elle. Les vieux Chevaliers Rutherford de Hermiston dont elle était la dernière descendante, avaient été des hommes fameux autrefois, mauvais voisins, mauvais sujets et mauvais maris, quelles que fussent d’ailleurs leurs qualités. Le récit de leurs aventures est connu à vingt milles à la ronde ; et même leur nom tient une place dans notre histoire d’Écosse, mais ce n’est pas toujours à leur avantage. L’un mordit la poussière à Flodden, un autre fut pendu sur le seuil de sa porte par Jacques V ; deux tombèrent morts, l’un avec Tom Dalyell au milieu d’une orgie, et l’autre, le quatrième (c’était le propre père de Jeanne) en présidant le « Club du Feu d’Enfer » dont il était fondateur. Beaucoup de gens alors hochèrent la tête, voyant en cela un châtiment, car l’homme avait une mauvaise réputation dans toutes les classes de la société, aussi bien chez les gens d’église que chez les gens du monde. À l’heure même de son décès, dix procès le concernant, dont huit accablants, allaient se plaider durant la session en cours. Une destinée semblable atteignit ses agents ; l’intendant de ses propriétés, son bras droit dans beaucoup d’affaires de main gauche, fut renversé de son cheval et étouffé dans une fosse de tourbe à Kye-Skairs ; son procureur lui-même (bien que les avocats aient le bras long) ne lui survécut pas longtemps, il mourut subitement d’un coup de sang.

Au cours de ces générations, tandis que le Rutherford mâle était en selle avec son valet, ou se querellait dans les tavernes, il y avait toujours une femme au teint pâle enfermée dans le château seigneurial ou dans la tour fortifiée. Il paraît que cette longue suite de martyres attendit longtemps sa vengeance, mais elle finit par la trouver en la personne de sa dernière descendante, Jeanne.

Jeanne portait le nom des Rutherford, mais elle était bien la fille de ces femmes toujours tremblantes. D’abord elle ne fut pas dénuée de charmes. Les voisins se rappelaient son air lutin, les caprices de son enfance, ses gentilles petites révoltes, ses jolies gaietés tristes. Ils se souvenaient même d’un rayon de beauté matinale, qui ne devait pas s’épanouir. Elle se flétrit en grandissant, et (que ce fût à la suite des péchés de ses pères ou des chagrins de ses aïeules) lorsqu’elle arriva au moment de son épanouissement, elle était déjà sans vivacité et pour ainsi dire effacée ; elle n’avait plus de vie, plus d’entrain, ni de gaieté ; elle était pieuse, inquiète, tendre, larmoyante et bornée.

Beaucoup de gens s’étonnèrent de la voir se marier, tant elle paraissait si parfaitement faite de l’étoffe des vieilles filles. Mais le hasard la mit sur le chemin d’Adam Weir, tout nouvellement Lord-Juge, un homme connu, arrivé, un briseur d’obstacles, qui paraissait, bien que d’un âge déjà mûr, songer à prendre femme. Il était homme à estimer davantage l’obéissance que la beauté, cependant il semble bien qu’elle le frappa au premier abord :

— Qui est-ce ? dit-il en se tournant vers son hôte.

Et quand on le lui eut expliqué :

— Ah, dit-il, elle me paraît bien élevée. Elle me rappelle…

Et après une pause (que quelques-uns furent assez osés pour attribuer à des souvenirs sentimentaux) :

— A-t-elle de la religion ? demanda-t-il.

Et peu après il voulut lui être présenté. Les premières relations avec sa future femme (on ne peut vraiment pas dire sans profanation qu’il lui fit la cour) furent conduites à la manière habituelle de Weir et restèrent longtemps une légende ou plutôt une source de légendes au Palais du Parlement. On le dépeignait, arrivant dans le salon, vermeil, l’air avantageux, s’approchant de sa dame en l’assaillant de plaisanteries auxquelles la belle, embarrassée,répondait d’un air presque agonisant : « Eh, monsieur Weir » ou « Oh, monsieur Weir » ou bien « Voyons, monsieur Weir ». Au moment où ils allaient se fiancer, on rapporte que quelqu’un s’étant approché du couple amoureux, avait surpris la dame s’écriant, du ton de quelqu’un qui parle pour parler. « Voyons, monsieur Weir, et que lui est-il arrivé ? » Et le galant répondit d’une voix profonde : « Pendu, ma’am, pendu ».

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