En ménage Annoté

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book En ménage Annoté by JORIS KARL HUYSMANS, GILBERT TEROL, GILBERT TEROL
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Author: JORIS KARL HUYSMANS, GILBERT TEROL ISBN: 1230000619660
Publisher: GILBERT TEROL Publication: August 20, 2015
Imprint: Language: French
Author: JORIS KARL HUYSMANS, GILBERT TEROL
ISBN: 1230000619660
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: August 20, 2015
Imprint:
Language: French

Extrait :

— Ah ! elles sont jolies les soirées de ton oncle ! Une vraie bousculade de salle à bagages ! Il n’y a que les gens qui graissent les cartes qui aient le droit de s’asseoir ! Et ils sont là, avec des têtes dont les cheveux ont fui, des compresses blanches autour du cou, des ventres enflés, sanglés dans des pantalons tendus, retenant les envois d’un digestion pénible ! Et le salon, avec sa tapisserie de vieilles dames qui dorment le long d’un mur ou jacassent le nez sur un verre, et l’averse des conversations, la fluée des sornettes, la pluie sans fin des polkas et des valses ! Et tout, tout, et cette troupe d’imbéciles qui invitent des robes roses ou blanches à secouer leurs plis ! Et les jeunes filles donc ! Ces adorables récipients de chairs neuves où les vices transvasés des mères se rajeunissent ! Ah oui, parlons-en ! Il faut les voir quand elles remuent du pilon leurs jupes ! le mouchoir sur les genoux et la moue au bec, elles sont là, se tortillant sur leur chaise, échangeant derrière les entrechats de l’éventail des ricochets de niaiseries sordides, chuchotant comme des galopines en classe, s’envolant tout à coup avec l’affreux bavardage des perruches qu’on lâche ! puis, c’est le plongeon des graves révérences, c’est nez qui se fripe et le dentier qui flambe, c’est des oui, maman, c’est des non, ma chère, c’est des patati, c’est des patata, c’est des rires fûtés, des éclats discrets… les jeunes filles ! je les ai observées ce soir, tiens, les v’là : physiquement : un éventaire de gorges pas mûres et de séants factices ; moralement : une éternelle morte-saison d’idées, un fumier de pensées dans une caboche rose ! oui, les v’là, celles qu’on me destine, espérant qu’un jour viendra où, lassé de lire dans mon lit et d’y fumer tranquillement ma pipe, j’accepterai la misère d’un coucher à deux, l’insomnie ou le ronflement d’un autre, les coups de coude et les coups de pieds, la fatigue des caresses exigées, l’ennui des baisers prévus !

André souriait.

— Ah bien mais, dit-il, c’est très simple alors. 

— Conséquence de tes théories : la mise en fourrière de toutes les passions, l’apothéose de la fille publique – les cabinets à trois sous de l’amour ! – et par-dessus le marché, la glorification de la femme de ménage qui vous chipe la bougie et le sucre !

Oui, c’est amusant d’allumer des paradoxes, mais il est un moment où les feux de Bengale sont mouillés et ratent ! – On ne rit plus alors – je me suis marié, parfaitement, parce que ce moment-là était venu, parce que j’étais las de manger froid, dans une assiette en terre de pipe, le dîner apprêté par la femme de ménage ou la concierge. 

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Extrait :

— Ah ! elles sont jolies les soirées de ton oncle ! Une vraie bousculade de salle à bagages ! Il n’y a que les gens qui graissent les cartes qui aient le droit de s’asseoir ! Et ils sont là, avec des têtes dont les cheveux ont fui, des compresses blanches autour du cou, des ventres enflés, sanglés dans des pantalons tendus, retenant les envois d’un digestion pénible ! Et le salon, avec sa tapisserie de vieilles dames qui dorment le long d’un mur ou jacassent le nez sur un verre, et l’averse des conversations, la fluée des sornettes, la pluie sans fin des polkas et des valses ! Et tout, tout, et cette troupe d’imbéciles qui invitent des robes roses ou blanches à secouer leurs plis ! Et les jeunes filles donc ! Ces adorables récipients de chairs neuves où les vices transvasés des mères se rajeunissent ! Ah oui, parlons-en ! Il faut les voir quand elles remuent du pilon leurs jupes ! le mouchoir sur les genoux et la moue au bec, elles sont là, se tortillant sur leur chaise, échangeant derrière les entrechats de l’éventail des ricochets de niaiseries sordides, chuchotant comme des galopines en classe, s’envolant tout à coup avec l’affreux bavardage des perruches qu’on lâche ! puis, c’est le plongeon des graves révérences, c’est nez qui se fripe et le dentier qui flambe, c’est des oui, maman, c’est des non, ma chère, c’est des patati, c’est des patata, c’est des rires fûtés, des éclats discrets… les jeunes filles ! je les ai observées ce soir, tiens, les v’là : physiquement : un éventaire de gorges pas mûres et de séants factices ; moralement : une éternelle morte-saison d’idées, un fumier de pensées dans une caboche rose ! oui, les v’là, celles qu’on me destine, espérant qu’un jour viendra où, lassé de lire dans mon lit et d’y fumer tranquillement ma pipe, j’accepterai la misère d’un coucher à deux, l’insomnie ou le ronflement d’un autre, les coups de coude et les coups de pieds, la fatigue des caresses exigées, l’ennui des baisers prévus !

André souriait.

— Ah bien mais, dit-il, c’est très simple alors. 

— Conséquence de tes théories : la mise en fourrière de toutes les passions, l’apothéose de la fille publique – les cabinets à trois sous de l’amour ! – et par-dessus le marché, la glorification de la femme de ménage qui vous chipe la bougie et le sucre !

Oui, c’est amusant d’allumer des paradoxes, mais il est un moment où les feux de Bengale sont mouillés et ratent ! – On ne rit plus alors – je me suis marié, parfaitement, parce que ce moment-là était venu, parce que j’étais las de manger froid, dans une assiette en terre de pipe, le dîner apprêté par la femme de ménage ou la concierge. 

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