Confitou

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book Confitou by GASTON LEROUX, GILBERT TEROL
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Author: GASTON LEROUX ISBN: 1230001316162
Publisher: GILBERT TEROL Publication: August 20, 2016
Imprint: Language: French
Author: GASTON LEROUX
ISBN: 1230001316162
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: August 20, 2016
Imprint:
Language: French

Extrait :

Comment va Mme Raucoux-Desmares, mon cher maître ? On ne la voit plus !

— Elle est un peu souffrante, répondit évasivement le célèbre professeur Raucoux-Desmares à la petite Mme Lavallette qu’il avait croisée dans le vestibule de son fameux institut de Saint-Rémy-en-Valois, transformé, sur son initiative, en hôpital militaire ; et il hâta le pas vers la sortie.

Il venait de passer encore une nuit blanche, car le dernier train du Nord avait laissé à Saint-Rémy une douzaine de grands blessés qui avaient dû être opérés d’urgence. Depuis trois jours il n’avait pas dormi huit heures ; et comme il allait être cinq heures du matin et qu’on attendait d’autres blessés à onze heures, il n’avait pas de temps à perdre. Son repos aurait dû être aussi précieux aux autres qu’à lui-même. C’est sans doute ce qu’il aurait désiré que la petite Mme Lavallette comprît bien ; mais elle courut derrière lui.

— Mon cher maître ! mon cher maître ! Je tiens à vous dire…

— Quoi ? demanda-t-il assez brusquement en jetant un coup d’œil sévère sur la coiffe trop seyante, sur la blouse trop échancrée, sur tout ce costume coquet de la Croix-Rouge qui faisait de cette petite mondaine de province une infirmière délicieuse, mais qu’il avait de la peine à prendre au sérieux, bien qu’elle montrât un zèle infatigable.

— Mon Dieu ! mon cher maître ! comme vous avez l’air méchant, ce matin !…

Il consentit à sourire. Du reste, il trouvait toujours cette petite MmeLavallette assez drôle, malgré la gravité des événements, et puis c’était une amie intime de la famille.

Maintenant elle hésitait.

— C’est à cause de…

— De ma femme ?

— Mais oui… pourquoi ne la voit-on plus ici ? Ces dames disaient…

Elle s’arrêta encore devant ce front redevenu hostile. Alors il l’entraîna dans un coin, lui prenant le poignet qu’elle lui abandonnait d’un air assez craintif.

— Qu’est-ce que ces dames disaient ?

— Mais rien ! seulement elles s’étonnaient…

— Allons ! Allons ! mon enfant ! Vous avez été l’amie de ma femme.

— Mais justement, je tiens à vous dire que je n’ai pas cessé de l’être.

— Merci ! mais enfin, qu’est-ce que disaient ces dames ?

— Mais que Mme Raucoux-Desmares était une très bonne infirmière !…

— Et c’est tout ? Voyons, ma petite Valentine, vous savez que je vous aime bien…

— Oh ! mon cher maître, depuis la mort de ce pauvre Lavallette, les seules bonnes heures que j’ai vécues, je vous les dois, à votre femme et à vous, je puis le dire !

— N’exagérons rien : je vous ai toujours vue gaie, même à l’enterrement de votre mari ! Ne protestez pas ! Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit, hélas ! de choses très sérieuses. Il faut être franche avec moi. Mais voilà, vous avez peut-être peur de me faire de la peine…

— Je vous jure que ces dames n’ont pas prononcé une parole qui pût vous être désagréable… Elles s’étonnaient simplement que Mme Raucoux-Desmares eût brusquement quitté son service ici !

— C’est moi qui l’en ai priée…

— On s’en doute un peu…

— Me donne-t-on tort ? Répondez-moi…

— Eh bien ! non, déclara la petite Mme Lavallette, en regardant bravement le professeur dans les yeux… Vous avez bien fait !…

— Alors, laissez-moi aller me coucher !…

Et il partit si vite qu’il oublia de serrer la main quelle lui tendait.

Si fatigué qu’il fût, le professeur, pour rentrer chez lui, refusa de monter dans l’auto qui l’attendait devant le perron. D’un pas solide, il traversa la cour ; et, quand il se trouva en pleine campagne, il aspira longuement la fraîcheur de l’aube. Entre ces jours et ces nuits dont la chaleur étouffante pesait sur le cœur comme une angoisse nouvelle, il n’avait que ces quelques minutes pour apprécier encore la chance incertaine de vivre…

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Extrait :

Comment va Mme Raucoux-Desmares, mon cher maître ? On ne la voit plus !

— Elle est un peu souffrante, répondit évasivement le célèbre professeur Raucoux-Desmares à la petite Mme Lavallette qu’il avait croisée dans le vestibule de son fameux institut de Saint-Rémy-en-Valois, transformé, sur son initiative, en hôpital militaire ; et il hâta le pas vers la sortie.

Il venait de passer encore une nuit blanche, car le dernier train du Nord avait laissé à Saint-Rémy une douzaine de grands blessés qui avaient dû être opérés d’urgence. Depuis trois jours il n’avait pas dormi huit heures ; et comme il allait être cinq heures du matin et qu’on attendait d’autres blessés à onze heures, il n’avait pas de temps à perdre. Son repos aurait dû être aussi précieux aux autres qu’à lui-même. C’est sans doute ce qu’il aurait désiré que la petite Mme Lavallette comprît bien ; mais elle courut derrière lui.

— Mon cher maître ! mon cher maître ! Je tiens à vous dire…

— Quoi ? demanda-t-il assez brusquement en jetant un coup d’œil sévère sur la coiffe trop seyante, sur la blouse trop échancrée, sur tout ce costume coquet de la Croix-Rouge qui faisait de cette petite mondaine de province une infirmière délicieuse, mais qu’il avait de la peine à prendre au sérieux, bien qu’elle montrât un zèle infatigable.

— Mon Dieu ! mon cher maître ! comme vous avez l’air méchant, ce matin !…

Il consentit à sourire. Du reste, il trouvait toujours cette petite MmeLavallette assez drôle, malgré la gravité des événements, et puis c’était une amie intime de la famille.

Maintenant elle hésitait.

— C’est à cause de…

— De ma femme ?

— Mais oui… pourquoi ne la voit-on plus ici ? Ces dames disaient…

Elle s’arrêta encore devant ce front redevenu hostile. Alors il l’entraîna dans un coin, lui prenant le poignet qu’elle lui abandonnait d’un air assez craintif.

— Qu’est-ce que ces dames disaient ?

— Mais rien ! seulement elles s’étonnaient…

— Allons ! Allons ! mon enfant ! Vous avez été l’amie de ma femme.

— Mais justement, je tiens à vous dire que je n’ai pas cessé de l’être.

— Merci ! mais enfin, qu’est-ce que disaient ces dames ?

— Mais que Mme Raucoux-Desmares était une très bonne infirmière !…

— Et c’est tout ? Voyons, ma petite Valentine, vous savez que je vous aime bien…

— Oh ! mon cher maître, depuis la mort de ce pauvre Lavallette, les seules bonnes heures que j’ai vécues, je vous les dois, à votre femme et à vous, je puis le dire !

— N’exagérons rien : je vous ai toujours vue gaie, même à l’enterrement de votre mari ! Ne protestez pas ! Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit, hélas ! de choses très sérieuses. Il faut être franche avec moi. Mais voilà, vous avez peut-être peur de me faire de la peine…

— Je vous jure que ces dames n’ont pas prononcé une parole qui pût vous être désagréable… Elles s’étonnaient simplement que Mme Raucoux-Desmares eût brusquement quitté son service ici !

— C’est moi qui l’en ai priée…

— On s’en doute un peu…

— Me donne-t-on tort ? Répondez-moi…

— Eh bien ! non, déclara la petite Mme Lavallette, en regardant bravement le professeur dans les yeux… Vous avez bien fait !…

— Alors, laissez-moi aller me coucher !…

Et il partit si vite qu’il oublia de serrer la main quelle lui tendait.

Si fatigué qu’il fût, le professeur, pour rentrer chez lui, refusa de monter dans l’auto qui l’attendait devant le perron. D’un pas solide, il traversa la cour ; et, quand il se trouva en pleine campagne, il aspira longuement la fraîcheur de l’aube. Entre ces jours et ces nuits dont la chaleur étouffante pesait sur le cœur comme une angoisse nouvelle, il n’avait que ces quelques minutes pour apprécier encore la chance incertaine de vivre…

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