Author: | CHARLES ROBERT MATURIN, GILBERT TEROL | ISBN: | 1230000545273 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | July 11, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | CHARLES ROBERT MATURIN, GILBERT TEROL |
ISBN: | 1230000545273 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | July 11, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Dans l’automne de l’année 1816, John Melmoth, élève du collège de la Trinité, à Dublin, suspendit momentanément ses études pour visiter un oncle mourant, et de qui dépendaient toutes ses espérances de fortune. John, qui avait perdu ses parents, était le fils d’un cadet de famille, dont la fortune médiocre suffisait à peine pour payer les frais de son éducation ; mais son oncle était vieux, célibataire et riche. Depuis sa plus tendre enfance, John avait appris, de tous ceux qui l’entouraient, à regarder cet oncle avec ce sentiment qui attire et repousse à la fois, ce respect mêlé du désir de plaire, que l’on éprouve pour l’être qui tient en quelque sorte en ses mains le fil de notre existence.
Aussitôt que John eut appris la maladie de son parent, il se mit sur-le-champ en route. Son chemin passait par le comté de Wicklow, et la beauté du pays ne l’empêcha pas de se livrer à de tristes réflexions, dont quelques-unes avaient rapport au passé, mais dont un plus grand nombre regardaient l’avenir. Les caprices et le caractère morose de son oncle ; les bruits étranges qu’avait occasionnés la vie retirée qu’il menait depuis plusieurs années ; la dépendance dans laquelle sa fortune le mettait de cet homme singulier : toutes ces pensées pesaient sur son âme. Il s’efforçait de les repousser ; seul dans la diligence, il contemplait le pays, consultait sa montre ; ses pensées le quittaient pour un moment, mais ne pouvant les remplacer, il était forcé de les rappeler, pour diminuer au moins sa solitude. À mesure que la voiture approchait de la Loge, résidence du vieux Melmoth, le cœur de John devenait de plus en plus oppressé.
Il se rappelait tout ce qui, depuis son enfance, lui était arrivé dans la maison de cet oncle terrible : les leçons qu’on lui donnait avant de l’introduire en sa présence, les graves recommandations qu’on lui faisait de ne point être embarrassant, de ne pas approcher trop près de son oncle, de ne lui faire aucune question, de ne troubler, sous aucun prétexte, l’inviolable arrangement de sa sonnette, de sa tabatière ou de ses lunettes, de ne pas se laisser tenter par son éclat au point de toucher la canne à pomme d’or placée dans un coin ; enfin, de s’arranger de manière, en entrant et en sortant de la chambre, à ne point heurter contre les piles de livres,
Dans l’automne de l’année 1816, John Melmoth, élève du collège de la Trinité, à Dublin, suspendit momentanément ses études pour visiter un oncle mourant, et de qui dépendaient toutes ses espérances de fortune. John, qui avait perdu ses parents, était le fils d’un cadet de famille, dont la fortune médiocre suffisait à peine pour payer les frais de son éducation ; mais son oncle était vieux, célibataire et riche. Depuis sa plus tendre enfance, John avait appris, de tous ceux qui l’entouraient, à regarder cet oncle avec ce sentiment qui attire et repousse à la fois, ce respect mêlé du désir de plaire, que l’on éprouve pour l’être qui tient en quelque sorte en ses mains le fil de notre existence.
Aussitôt que John eut appris la maladie de son parent, il se mit sur-le-champ en route. Son chemin passait par le comté de Wicklow, et la beauté du pays ne l’empêcha pas de se livrer à de tristes réflexions, dont quelques-unes avaient rapport au passé, mais dont un plus grand nombre regardaient l’avenir. Les caprices et le caractère morose de son oncle ; les bruits étranges qu’avait occasionnés la vie retirée qu’il menait depuis plusieurs années ; la dépendance dans laquelle sa fortune le mettait de cet homme singulier : toutes ces pensées pesaient sur son âme. Il s’efforçait de les repousser ; seul dans la diligence, il contemplait le pays, consultait sa montre ; ses pensées le quittaient pour un moment, mais ne pouvant les remplacer, il était forcé de les rappeler, pour diminuer au moins sa solitude. À mesure que la voiture approchait de la Loge, résidence du vieux Melmoth, le cœur de John devenait de plus en plus oppressé.
Il se rappelait tout ce qui, depuis son enfance, lui était arrivé dans la maison de cet oncle terrible : les leçons qu’on lui donnait avant de l’introduire en sa présence, les graves recommandations qu’on lui faisait de ne point être embarrassant, de ne pas approcher trop près de son oncle, de ne lui faire aucune question, de ne troubler, sous aucun prétexte, l’inviolable arrangement de sa sonnette, de sa tabatière ou de ses lunettes, de ne pas se laisser tenter par son éclat au point de toucher la canne à pomme d’or placée dans un coin ; enfin, de s’arranger de manière, en entrant et en sortant de la chambre, à ne point heurter contre les piles de livres,