Système des contradictions économiques

Business & Finance, Economics
Cover of the book Système des contradictions économiques by PIERRE-JOSEPH PROUDHON, GILBERT TEROL
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Author: PIERRE-JOSEPH PROUDHON ISBN: 1230002984148
Publisher: GILBERT TEROL Publication: December 9, 2018
Imprint: Language: French
Author: PIERRE-JOSEPH PROUDHON
ISBN: 1230002984148
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: December 9, 2018
Imprint:
Language: French

Tome I

Avant que j’entre dans la matière qui fait l’objet de ces nouveaux mémoires, j’ai besoin de rendre compte d’une hypothèse qui paraîtra sans doute étrange, mais sans laquelle il m’est impossible d’aller en avant et d’être compris : je veux parler de l’hypothèse d’un dieu.

Supposer Dieu, dira-t-on, c’est le nier. Pourquoi ne l’affirmez-vous pas ?

Est-ce ma faute si la foi à la divinité est devenue une opinion suspecte ? Si le simple soupçon d’un être suprême est déjà noté comme la marque d’un esprit faible, et si, de toutes les utopies philosophiques, c’est la seule que le monde ne souffre plus ? Est-ce ma faute si l’hypocrisie et l’imbécillité se cachent partout sous cette sainte étiquette ?

Qu’un docteur suppose dans l’univers une force inconnue entraînant les soleils et les atomes, et faisant mouvoir toute la machine, chez lui cette supposition, tout à fait gratuite, n’a rien que de naturel ; elle est accueillie, encouragée : témoin l’attraction, hypothèse qu’on ne vérifiera jamais, et qui cependant fait la gloire de l’inventeur. Mais lorsque, pour expliquer le cours des affaires humaines, je suppose, avec toute la réserve imaginable, l’intervention d’un dieu, je suis sûr de révolter la gravité scientifique et d’offenser les oreilles sévères : tant notre piété a merveilleusement discrédité la providence, tant le charlatanisme de toute robe opère de jongleries au moyen de ce dogme ou de cette fiction. J’ai vu les théistes de mon temps, et le blasphème a erré sur mes lèvres ; j’ai considéré la foi du peuple, de ce peuple que Brydaine appelait le meilleur ami de Dieu, et j’ai frémi de la négation qui allait m’échapper. Tourmenté de sentiments contraires, j’ai fait appel à la raison ; et c’est cette raison qui, parmi tant d’oppositions dogmatiques, me commande aujourd’hui l’hypothèse. Le dogmatisme a priori, s’appliquant à Dieu, est demeuré stérile : qui sait où l’hypothèse à son tour nous conduira ?…

Je dirai donc comment, étudiant dans le silence de mon cœur et loin de toute considération humaine, le mystère des révolutions sociales, Dieu, le grand inconnu, est devenu pour moi une hypothèse, je veux dire un instrument dialectique nécessaire.

Si je suis, à travers ses transformations successives, l’idée de Dieu, je trouve que cette idée est avant tout sociale ; j’entends par là qu’elle est bien plus un acte de foi de la pensée collective qu’une conception individuelle. Or, comment et à quelle occasion se produit cet acte de foi ? Il importe de le déterminer.

Au point de vue moral et intellectuel, la société, ou l’homme collectif, se distingue surtout de l’individu par la spontanéité d’action, autrement dite, l’instinct. Tandis que l’individu n’obéit ou s’imagine n’obéir qu’à des motifs dont il a pleine connaissance et auxquels il est maître de refuser ou d’accorder son adhésion ; tandis, en un mot, qu’il se juge libre, et d’autant plus libre qu’il se sait plus raisonneur et mieux instruit, la société est sujette à des entraînements où rien, au premier coup d’œil, ne laisse apercevoir de délibération et de projet, mais qui peu à peu semblent dirigés par un conseil supérieur, existant hors de la société, et la poussant avec une force irrésistible vers un terme inconnu. L’établissement des monarchies et des républiques, la distinction des castes, les institutions judiciaires, etc., sont autant de manifestations de cette spontanéité sociale, dont il est beaucoup plus facile de noter les effets que d’indiquer le principe ou de donner la raison. Tout l’effort même de ceux qui, à la suite de Bossuet, Vico, Herder, Hegel, se sont appliqués à la philosophie de l’histoire, a été jusqu’ici de constater la présence du destin providentiel, qui préside à tous les mouvements de l’homme. Et j’observe, à ce propos, que la société ne manque jamais, avant d’agir, d’évoquer son génie : comme si elle voulait se faire ordonner d’en haut ce que déjà sa spontanéité a résolu. Les sorts, les oracles, les sacrifices, les acclamations populaires, les prières publiques, sont la forme la plus ordinaire de ces délibérations après coup de la société.

Cette faculté mystérieuse, tout intuitive, et pour ainsi dire supra-sociale, peu ou point sensible dans les personnes, mais qui plane sur l’humanité comme un génie inspirateur, est le fait primordial de toute psychologie.

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Tome I

Avant que j’entre dans la matière qui fait l’objet de ces nouveaux mémoires, j’ai besoin de rendre compte d’une hypothèse qui paraîtra sans doute étrange, mais sans laquelle il m’est impossible d’aller en avant et d’être compris : je veux parler de l’hypothèse d’un dieu.

Supposer Dieu, dira-t-on, c’est le nier. Pourquoi ne l’affirmez-vous pas ?

Est-ce ma faute si la foi à la divinité est devenue une opinion suspecte ? Si le simple soupçon d’un être suprême est déjà noté comme la marque d’un esprit faible, et si, de toutes les utopies philosophiques, c’est la seule que le monde ne souffre plus ? Est-ce ma faute si l’hypocrisie et l’imbécillité se cachent partout sous cette sainte étiquette ?

Qu’un docteur suppose dans l’univers une force inconnue entraînant les soleils et les atomes, et faisant mouvoir toute la machine, chez lui cette supposition, tout à fait gratuite, n’a rien que de naturel ; elle est accueillie, encouragée : témoin l’attraction, hypothèse qu’on ne vérifiera jamais, et qui cependant fait la gloire de l’inventeur. Mais lorsque, pour expliquer le cours des affaires humaines, je suppose, avec toute la réserve imaginable, l’intervention d’un dieu, je suis sûr de révolter la gravité scientifique et d’offenser les oreilles sévères : tant notre piété a merveilleusement discrédité la providence, tant le charlatanisme de toute robe opère de jongleries au moyen de ce dogme ou de cette fiction. J’ai vu les théistes de mon temps, et le blasphème a erré sur mes lèvres ; j’ai considéré la foi du peuple, de ce peuple que Brydaine appelait le meilleur ami de Dieu, et j’ai frémi de la négation qui allait m’échapper. Tourmenté de sentiments contraires, j’ai fait appel à la raison ; et c’est cette raison qui, parmi tant d’oppositions dogmatiques, me commande aujourd’hui l’hypothèse. Le dogmatisme a priori, s’appliquant à Dieu, est demeuré stérile : qui sait où l’hypothèse à son tour nous conduira ?…

Je dirai donc comment, étudiant dans le silence de mon cœur et loin de toute considération humaine, le mystère des révolutions sociales, Dieu, le grand inconnu, est devenu pour moi une hypothèse, je veux dire un instrument dialectique nécessaire.

Si je suis, à travers ses transformations successives, l’idée de Dieu, je trouve que cette idée est avant tout sociale ; j’entends par là qu’elle est bien plus un acte de foi de la pensée collective qu’une conception individuelle. Or, comment et à quelle occasion se produit cet acte de foi ? Il importe de le déterminer.

Au point de vue moral et intellectuel, la société, ou l’homme collectif, se distingue surtout de l’individu par la spontanéité d’action, autrement dite, l’instinct. Tandis que l’individu n’obéit ou s’imagine n’obéir qu’à des motifs dont il a pleine connaissance et auxquels il est maître de refuser ou d’accorder son adhésion ; tandis, en un mot, qu’il se juge libre, et d’autant plus libre qu’il se sait plus raisonneur et mieux instruit, la société est sujette à des entraînements où rien, au premier coup d’œil, ne laisse apercevoir de délibération et de projet, mais qui peu à peu semblent dirigés par un conseil supérieur, existant hors de la société, et la poussant avec une force irrésistible vers un terme inconnu. L’établissement des monarchies et des républiques, la distinction des castes, les institutions judiciaires, etc., sont autant de manifestations de cette spontanéité sociale, dont il est beaucoup plus facile de noter les effets que d’indiquer le principe ou de donner la raison. Tout l’effort même de ceux qui, à la suite de Bossuet, Vico, Herder, Hegel, se sont appliqués à la philosophie de l’histoire, a été jusqu’ici de constater la présence du destin providentiel, qui préside à tous les mouvements de l’homme. Et j’observe, à ce propos, que la société ne manque jamais, avant d’agir, d’évoquer son génie : comme si elle voulait se faire ordonner d’en haut ce que déjà sa spontanéité a résolu. Les sorts, les oracles, les sacrifices, les acclamations populaires, les prières publiques, sont la forme la plus ordinaire de ces délibérations après coup de la société.

Cette faculté mystérieuse, tout intuitive, et pour ainsi dire supra-sociale, peu ou point sensible dans les personnes, mais qui plane sur l’humanité comme un génie inspirateur, est le fait primordial de toute psychologie.

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