Saint-Just

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book Saint-Just by MARIE LENÉRU, GILBERT TEROL
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Author: MARIE LENÉRU ISBN: 1230000212909
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 25, 2014
Imprint: Language: French
Author: MARIE LENÉRU
ISBN: 1230000212909
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 25, 2014
Imprint:
Language: French

Tout, dans votre vie, semblait me montrer un homme dévoré du désir de commander et qui, plein des plus funestes passions, se chargeait, avec plaisir, de la honte, des remords et de la bassesse même attachés à la tyrannie. Car enfin, vous avez tout sacrifié à votre puissance ; vous vous êtes rendu redoutable à tous les Romains ; vous avez exercé sans pitié les fonctions de la plus terrible magistrature qui fût jamais. Le sénat ne vit qu’en tremblant un défenseur si impitoyable. Quelqu’un vous dit : « Sylla, jusqu’à quand répandras-tu le sang romain ? Veux-tu ne commander qu’à des murailles ? » Pour lors, vous publiâtes ces tables qui décidèrent de la vie et de la mort de chaque citoyen.

Montesquieu.

Les avis sont contradictoires et les témoignages opposés, aussi n’en négligerons-nous aucun. Une personnalité hors ligne a pour moitié de son histoire les jugements qu’elle a suscités.

La formule générale est « un fanatique » ou encore « un tigre altéré de sang ». M. Rémy de Gourmont ayant à le nommer, n’écrivait-il pas : « Saint-Just cette panthère » ? et les épithètes de M. de Gourmont se trompent rarement. Quant aux historiens, à la manière dont ils nous le présentent, aux phrases talentueuses qui servent à l’occasion — Mignet : « c’était un monstre peigné » ; Lamartine : « Muet comme un oracle et sentencieux comme un axiome… on dirait un rêve de la République de Dracon » — on sent qu’il leur plaît d’avoir affaire à Saint-Just, qu’ils saisissent avec complaisance l’occasion de montrer cette tête au peuple. Mais ils l’ont peu connu, ayant trop d’hommes et trop d’actes à dévoiler pour entrer bien avant dans la psychologie, si provocante fût-elle, du plus jeune des conventionnels. Beau, fanatique et dictatorial, avec les plus complètes variantes quant aux définitions morales et mentales, on nous dit qu’il fit un discours atroce, lequel décida de l’opinion dans l’affaire du roi ; qu’il rapporta avec haine et perfidie contre les Girondins, puis contre les Hébertistes, et puis surtout contre Danton, enfin, le 9 thermidor, contre ses collègues du Comité. Quelques « rapports de guillotine » et les honneurs du portrait forment son casier historique. Il semble qu’ayant gardé sa haine et son image, on ne lui devait plus rien.

Michelet pourtant qui regrettait ses hommes en quittant la Révolution et rêvait des réparations individuelles, a remarquablement élargi la part de Saint-Just à l’histoire générale du temps. Il s’y est continuellement repéré. Et Taine aux Origines, fouillant, cherchant partout le « programme jacobin », définissant le gouvernement révolutionnaire, ne peut qu’y revenir, le citer : Saint-Just, rapports ; Saint-Just, Institutions, et même : Saint-Just, motions.

Voici d’ailleurs comme ils en parlent. Ceci est Taine :

Pour trouver des âmes tendues au même ton que la sienne, il faut sortir du monde moderne, remonter jusqu’à Caligula, chercher en Égypte, au xe siècle, un calife Hakem. Lui aussi, comme ces deux monstres, mais avec des formules différentes, il se croit dieu ou vice-dieu sur la terre, investi d’arbitraire par la vérité qui s’est incarnée en lui, représentant d’une puissance mystérieuse, illimitée et suprême qui est le peuple en soi ; pour représenter dignement cette puissance il faut avoir l’âme d’un glaive. L’âme de Saint-Just est cela, rien que cela : ses autres sentiments ne servent plus qu’à la faire telle ; les métaux divers qui la composaient, la sensualité, la vanité, tous les vices, toutes les ambitions, toutes les frénésies et mélancolies de sa jeunesse se sont amalgamés violemment et fondus ensemble dans le moule révolutionnaire pour prendre la forme et la rigidité d’un acier tranchant. Supposez un glaive vivant, qui sente et veuille conformément à sa trempe et à sa structure, il lui plaira d’être brandi, il aura besoin de frapper ; nul autre besoin chez Saint-Just. Silencieux, impassible, tenant les autres à distance, aussi impérieux que si la volonté du peuple unanime et la majesté de la raison transcendante résidaient en sa personne, il semble avoir réduit ses passions à l’envie de briser et d’épouvanter. On dirait que, pareil aux conquérants barbares, il mesure la grandeur qu’il se confère à la grandeur des abattis qu’il fait ; nul autre n’a fauché si largement à travers les fortunes, les libertés et les vies, nul autre n’a mieux rehaussé l’effet terrifiant de ses jonchées par le laconisme de sa parole et la soudaineté de ses coups.

Et Michelet :

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Tout, dans votre vie, semblait me montrer un homme dévoré du désir de commander et qui, plein des plus funestes passions, se chargeait, avec plaisir, de la honte, des remords et de la bassesse même attachés à la tyrannie. Car enfin, vous avez tout sacrifié à votre puissance ; vous vous êtes rendu redoutable à tous les Romains ; vous avez exercé sans pitié les fonctions de la plus terrible magistrature qui fût jamais. Le sénat ne vit qu’en tremblant un défenseur si impitoyable. Quelqu’un vous dit : « Sylla, jusqu’à quand répandras-tu le sang romain ? Veux-tu ne commander qu’à des murailles ? » Pour lors, vous publiâtes ces tables qui décidèrent de la vie et de la mort de chaque citoyen.

Montesquieu.

Les avis sont contradictoires et les témoignages opposés, aussi n’en négligerons-nous aucun. Une personnalité hors ligne a pour moitié de son histoire les jugements qu’elle a suscités.

La formule générale est « un fanatique » ou encore « un tigre altéré de sang ». M. Rémy de Gourmont ayant à le nommer, n’écrivait-il pas : « Saint-Just cette panthère » ? et les épithètes de M. de Gourmont se trompent rarement. Quant aux historiens, à la manière dont ils nous le présentent, aux phrases talentueuses qui servent à l’occasion — Mignet : « c’était un monstre peigné » ; Lamartine : « Muet comme un oracle et sentencieux comme un axiome… on dirait un rêve de la République de Dracon » — on sent qu’il leur plaît d’avoir affaire à Saint-Just, qu’ils saisissent avec complaisance l’occasion de montrer cette tête au peuple. Mais ils l’ont peu connu, ayant trop d’hommes et trop d’actes à dévoiler pour entrer bien avant dans la psychologie, si provocante fût-elle, du plus jeune des conventionnels. Beau, fanatique et dictatorial, avec les plus complètes variantes quant aux définitions morales et mentales, on nous dit qu’il fit un discours atroce, lequel décida de l’opinion dans l’affaire du roi ; qu’il rapporta avec haine et perfidie contre les Girondins, puis contre les Hébertistes, et puis surtout contre Danton, enfin, le 9 thermidor, contre ses collègues du Comité. Quelques « rapports de guillotine » et les honneurs du portrait forment son casier historique. Il semble qu’ayant gardé sa haine et son image, on ne lui devait plus rien.

Michelet pourtant qui regrettait ses hommes en quittant la Révolution et rêvait des réparations individuelles, a remarquablement élargi la part de Saint-Just à l’histoire générale du temps. Il s’y est continuellement repéré. Et Taine aux Origines, fouillant, cherchant partout le « programme jacobin », définissant le gouvernement révolutionnaire, ne peut qu’y revenir, le citer : Saint-Just, rapports ; Saint-Just, Institutions, et même : Saint-Just, motions.

Voici d’ailleurs comme ils en parlent. Ceci est Taine :

Pour trouver des âmes tendues au même ton que la sienne, il faut sortir du monde moderne, remonter jusqu’à Caligula, chercher en Égypte, au xe siècle, un calife Hakem. Lui aussi, comme ces deux monstres, mais avec des formules différentes, il se croit dieu ou vice-dieu sur la terre, investi d’arbitraire par la vérité qui s’est incarnée en lui, représentant d’une puissance mystérieuse, illimitée et suprême qui est le peuple en soi ; pour représenter dignement cette puissance il faut avoir l’âme d’un glaive. L’âme de Saint-Just est cela, rien que cela : ses autres sentiments ne servent plus qu’à la faire telle ; les métaux divers qui la composaient, la sensualité, la vanité, tous les vices, toutes les ambitions, toutes les frénésies et mélancolies de sa jeunesse se sont amalgamés violemment et fondus ensemble dans le moule révolutionnaire pour prendre la forme et la rigidité d’un acier tranchant. Supposez un glaive vivant, qui sente et veuille conformément à sa trempe et à sa structure, il lui plaira d’être brandi, il aura besoin de frapper ; nul autre besoin chez Saint-Just. Silencieux, impassible, tenant les autres à distance, aussi impérieux que si la volonté du peuple unanime et la majesté de la raison transcendante résidaient en sa personne, il semble avoir réduit ses passions à l’envie de briser et d’épouvanter. On dirait que, pareil aux conquérants barbares, il mesure la grandeur qu’il se confère à la grandeur des abattis qu’il fait ; nul autre n’a fauché si largement à travers les fortunes, les libertés et les vies, nul autre n’a mieux rehaussé l’effet terrifiant de ses jonchées par le laconisme de sa parole et la soudaineté de ses coups.

Et Michelet :

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