Le Comte Robert de Paris

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book Le Comte Robert de Paris by WALTER SCOTT, GILBERT TEROL
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Author: WALTER SCOTT ISBN: 1230002801148
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 6, 2018
Imprint: Language: French
Author: WALTER SCOTT
ISBN: 1230002801148
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 6, 2018
Imprint:
Language: French

Les observateurs assidus de la végétation ont remarqué que toute greffe prise sur un arbre âgé ne possède qu’en apparence la forme d’un jeune bourgeon, et qu’en réalité elle est déjà parvenue à l’état de maturité et même de vieillesse où était l’arbre dont elle est provenue. De là, dit-on, la langueur et la mort, qui, dans la même saison, frappent souvent certaines espèces d’arbres qui, ayant tiré leur puissance végétale d’un arbre déjà vieux, sont par conséquent incapables de prolonger leur existence plus long-temps que celle de la tige primitive.

De même les puissants de la terre ont souvent fait de vains efforts pour transplanter tout-à-coup de grandes cités, de vastes états tombés en ruines. Ainsi, on a élevé telle ville nouvelle dans l’espérance de faire revivre la prospérité, la dignité, la magnificence et l’étendue d’une ville plus ancienne, et de recommencer, à dater de l’époque de cette fondation, une nouvelle succession de siècles aussi longue, aussi glorieuse que celle qui vient de s’accomplir. Ainsi, tel fondateur s’est bercé de l’espoir enivrant de voir sa jeune capitale briller de la beauté et de l’éclat de celle qui n’est plus. Mais la nature a des lois invariables qui s’appliquent au système social comme au système végétal. Il semble qu’il y ait une règle générale, d’après laquelle tout ce qui est destiné à durer long-temps doit se mûrir et se perfectionner lentement et par degrés ; et tout effort violent et gigantesque pour obtenir le prompt succès d’un plan qui embrasse des siècles entiers, est condamné dès sa naissance, entraîne avec lui les symptômes funestes d’une fin prématurée. C’est ainsi que, dans le conte oriental, le derviche explique au sultan l’histoire de ces arbres superbes sous lesquels ils se promènent tous deux, et lui apprend comment il est parvenu à les élever à cette hauteur en les cultivant avec soin depuis le moment où ils n’étaient encore que semence ; et l’orgueil du prince est étonné et humilié en réfléchissant à la culture simple et naturelle de ces beaux arbres pour lesquels aucun soleil n’a jamais été perdu, et qui, dans chaque retour régulier de l’astre vivifiant, ont dû puiser une nouvelle vigueur. Alors il fait une triste comparaison entre eux et les cèdres épuisés qui, transplantés tout-à-coup, penchent leurs têtes majestueuses et languissent dans la vallée d’Orez[1].

Tous les hommes d’un goût éclairé, et il en est beaucoup, qui ont visité Constantinople, s’accordent à reconnaître que le lieu le plus digne et le mieux choisi pour établir le siège d’un empire universel est la ville de Constantinople ; elle seule réunit tous les avantages sous le rapport de la beauté, de la richesse, de la sécurité et de la grandeur. Cependant, malgré cette supériorité de situation et de climat, cette splendeur d’architecture, de temples, de palais ; malgré ces riches carrières de marbre et tous ces trésors, le fondateur de Constantinople doit avoir reconnu lui-même que s’il pouvait employer tous ces riches matériaux pour exécuter ses désirs, c’était le génie et le goût seuls que les anciens possédaient à un degré éminent, qui avaient produit ces œuvres merveilleuses devant lesquelles les hommes s’arrêtent, saisis d’admiration pour l’art, ou pour la pensée qui a présidé au travail. Il fut bien au pouvoir de l’empereur Constantin de dépouiller les autres cités de leurs statues et de leurs chefs-d’œuvre pour orner la ville dont il faisait sa nouvelle capitale ; mais les héros, les grands hommes célèbres en poésie, en peinture et en musique, avaient cessé d’exister. La nation, quoique encore la plus civilisée du monde entier, était bien loin derrière cette époque célèbre où le seul désir de s’illustrer poussait aux grandes choses, où la gloire était la seule récompense qu’ambitionnât l’historien ou le poète, le peintre ou le statuaire. Le despotisme du gouvernement impérial avait déjà entièrement détruit depuis long-temps cet esprit de patriotisme qui respire dans toute l’histoire de la république romaine, et il ne restait plus alors que des souvenirs trop faibles pour exciter dans l’âme une noble émulation.

En un mot, si Constantin, pour faire de sa fondation une ville régénérée, voulut y transplanter les principes vivifiants de l’antique Rome qui s’écroulait alors, cela ne lui fut plus possible. Constantinople ne pouvait plus emprunter à Rome l’éclat que Rome ne pouvait plus lui prêter ; cette brillante étincelle de vie était perdue pour jamais.

Une circonstance d’une haute importance avait produit tout-à-coup la révolution la plus complète et la plus avantageuse à la capitale de Constantin. Le monde était devenu chrétien, et les dogmes du paganisme avaient disparu, ainsi que ses honteuses superstitions. Il n’y a aucun doute que les plus heureux résultats furent la conséquence naturelle d’une croyance plus pure, qui enchaîna les passions et améliora les mœurs des peuples. Mais si, d’un côté, la plupart des nouveaux chrétiens accueillaient avec ardeur les dogmes d’une foi belle et pure, plusieurs, dans l’arrogance de leur orgueil, osaient donner à l’Écriture l’interprétation qu’ils voulaient ; d’autres faisaient de la religion un moyen de parvenir à la puissance temporelle. Ainsi il arriva que ce changement de religion, quoique produisant de grands avantages, et quoique en promettant de plus grands encore, n’eut pas, dans tout le cours du quatrième siècle, cette influence prédominante que les hommes avaient eu lieu d’attendre.

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Les observateurs assidus de la végétation ont remarqué que toute greffe prise sur un arbre âgé ne possède qu’en apparence la forme d’un jeune bourgeon, et qu’en réalité elle est déjà parvenue à l’état de maturité et même de vieillesse où était l’arbre dont elle est provenue. De là, dit-on, la langueur et la mort, qui, dans la même saison, frappent souvent certaines espèces d’arbres qui, ayant tiré leur puissance végétale d’un arbre déjà vieux, sont par conséquent incapables de prolonger leur existence plus long-temps que celle de la tige primitive.

De même les puissants de la terre ont souvent fait de vains efforts pour transplanter tout-à-coup de grandes cités, de vastes états tombés en ruines. Ainsi, on a élevé telle ville nouvelle dans l’espérance de faire revivre la prospérité, la dignité, la magnificence et l’étendue d’une ville plus ancienne, et de recommencer, à dater de l’époque de cette fondation, une nouvelle succession de siècles aussi longue, aussi glorieuse que celle qui vient de s’accomplir. Ainsi, tel fondateur s’est bercé de l’espoir enivrant de voir sa jeune capitale briller de la beauté et de l’éclat de celle qui n’est plus. Mais la nature a des lois invariables qui s’appliquent au système social comme au système végétal. Il semble qu’il y ait une règle générale, d’après laquelle tout ce qui est destiné à durer long-temps doit se mûrir et se perfectionner lentement et par degrés ; et tout effort violent et gigantesque pour obtenir le prompt succès d’un plan qui embrasse des siècles entiers, est condamné dès sa naissance, entraîne avec lui les symptômes funestes d’une fin prématurée. C’est ainsi que, dans le conte oriental, le derviche explique au sultan l’histoire de ces arbres superbes sous lesquels ils se promènent tous deux, et lui apprend comment il est parvenu à les élever à cette hauteur en les cultivant avec soin depuis le moment où ils n’étaient encore que semence ; et l’orgueil du prince est étonné et humilié en réfléchissant à la culture simple et naturelle de ces beaux arbres pour lesquels aucun soleil n’a jamais été perdu, et qui, dans chaque retour régulier de l’astre vivifiant, ont dû puiser une nouvelle vigueur. Alors il fait une triste comparaison entre eux et les cèdres épuisés qui, transplantés tout-à-coup, penchent leurs têtes majestueuses et languissent dans la vallée d’Orez[1].

Tous les hommes d’un goût éclairé, et il en est beaucoup, qui ont visité Constantinople, s’accordent à reconnaître que le lieu le plus digne et le mieux choisi pour établir le siège d’un empire universel est la ville de Constantinople ; elle seule réunit tous les avantages sous le rapport de la beauté, de la richesse, de la sécurité et de la grandeur. Cependant, malgré cette supériorité de situation et de climat, cette splendeur d’architecture, de temples, de palais ; malgré ces riches carrières de marbre et tous ces trésors, le fondateur de Constantinople doit avoir reconnu lui-même que s’il pouvait employer tous ces riches matériaux pour exécuter ses désirs, c’était le génie et le goût seuls que les anciens possédaient à un degré éminent, qui avaient produit ces œuvres merveilleuses devant lesquelles les hommes s’arrêtent, saisis d’admiration pour l’art, ou pour la pensée qui a présidé au travail. Il fut bien au pouvoir de l’empereur Constantin de dépouiller les autres cités de leurs statues et de leurs chefs-d’œuvre pour orner la ville dont il faisait sa nouvelle capitale ; mais les héros, les grands hommes célèbres en poésie, en peinture et en musique, avaient cessé d’exister. La nation, quoique encore la plus civilisée du monde entier, était bien loin derrière cette époque célèbre où le seul désir de s’illustrer poussait aux grandes choses, où la gloire était la seule récompense qu’ambitionnât l’historien ou le poète, le peintre ou le statuaire. Le despotisme du gouvernement impérial avait déjà entièrement détruit depuis long-temps cet esprit de patriotisme qui respire dans toute l’histoire de la république romaine, et il ne restait plus alors que des souvenirs trop faibles pour exciter dans l’âme une noble émulation.

En un mot, si Constantin, pour faire de sa fondation une ville régénérée, voulut y transplanter les principes vivifiants de l’antique Rome qui s’écroulait alors, cela ne lui fut plus possible. Constantinople ne pouvait plus emprunter à Rome l’éclat que Rome ne pouvait plus lui prêter ; cette brillante étincelle de vie était perdue pour jamais.

Une circonstance d’une haute importance avait produit tout-à-coup la révolution la plus complète et la plus avantageuse à la capitale de Constantin. Le monde était devenu chrétien, et les dogmes du paganisme avaient disparu, ainsi que ses honteuses superstitions. Il n’y a aucun doute que les plus heureux résultats furent la conséquence naturelle d’une croyance plus pure, qui enchaîna les passions et améliora les mœurs des peuples. Mais si, d’un côté, la plupart des nouveaux chrétiens accueillaient avec ardeur les dogmes d’une foi belle et pure, plusieurs, dans l’arrogance de leur orgueil, osaient donner à l’Écriture l’interprétation qu’ils voulaient ; d’autres faisaient de la religion un moyen de parvenir à la puissance temporelle. Ainsi il arriva que ce changement de religion, quoique produisant de grands avantages, et quoique en promettant de plus grands encore, n’eut pas, dans tout le cours du quatrième siècle, cette influence prédominante que les hommes avaient eu lieu d’attendre.

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