L’Exilé

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book L’Exilé by LAURE JUNOT D'ABRANTÉS, GILBERT TEROL
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Author: LAURE JUNOT D'ABRANTÉS ISBN: 1230002770987
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 1, 2018
Imprint: Language: French
Author: LAURE JUNOT D'ABRANTÉS
ISBN: 1230002770987
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 1, 2018
Imprint:
Language: French

Il était quatre heures du soir ; on était dans le mois de mai de l’année 1815, et le plus beau soleil éclairait un ravissant paysage qu’on découvrait des fenêtres d’une bibliothèque à l’angle d’une élégante maison de campagne située à quelques milles de Bruxelles. Dans un grand fauteuil de maroquin noir, était assis un très gros homme, paraissant parfaitement indifférent au spectacle que lui présentait le paysage se déroulant au-dessous de la colline sur laquelle était bâtie sa maison. À quelque distance de lui, un jeune homme blond et pâle était assis devant une table et écrivait… Par intervalles, les exclamations du gros homme le forçaient de suspendre son travail, d’autant qu’elles semblaient quelquefois s’adresser à lui… le gros homme était en robe de chambre, et fumait une longue pipe turque tout en ouvrant des lettres qu’il déchirait en grande partie, à mesure qu’il les lisait.

— Eh bien ! dit-il au jeune homme… les proscriptions continuent là-bas ! … Encore des exilés qui nous arrivent ! …

Le jeune homme releva la tête et regarda le gros monsieur, mais sans lui répondre : l’autre poursuivit :

— Voilà une liste de trente-sept malheureux… Ah ! je ne saurais poursuivre cette lecture ! …

Et froissant avec colère le papier dans ses mains, il le jeta au loin dans le jardin.

— Martin m’en adresse un grand nombre, et il fait bien. Il me connaît ! … Trente-sept exilés ! … et voilà trente-sept familles pleurant sur la carrière brisée d’un homme coupable d’un délit qui était vertu la veille encore du jour où son parti fut renversé !… Fritz, avez-vous eu quelques nouvelles particulières, qui donnent d’autres détails que les journaux ?

— Non, mon père, dit enfin le jeune homme, qui, depuis le commencement de cette conversation, avait écouté sans répondre… et vous-même… n’avez-vous pas d’autres lettres que celles de vos correspondans ? …

M. Van-Rosslyn fit un signe négatif. – Mais vous venez de la Bourse, monsieur ; n’y avez-vous rien appris ?

— Seulement la confirmation des nouvelles du Moniteur, Fritz… cette proscription de trente-sept victimes, que Fouché semble frapper pour nous prouver que, si les années se sont écoulées, si les temps ont paru changer, l’homme de sang est toujours là, toujours le même ! … toujours le proconsul de Lyon !

Un domestique entra dans ce moment et remit une carte à M. Van-Rosslyn. Il la regarda quelques momens avant de donner l’ordre d’introduire celui dont elle portait le nom. Enfin il dit au jeune homme blond qui écrivait :

— C’est un recommandé de la maison Martin… mais comme il paraît qu’il veut du mystère, passe dans le grand bureau, mon ami…

— Faîtes entrer, dit-il ensuite au valet de chambre.

L’étranger qu’il introduisit était un homme de haute taille, à peine âgé de trente ans ; sa tournure était militaire, mais élégante et noble, et annonçait à la fois l’homme comme il faut et l’homme ayant vécu sous la tente… il était pâle ; ses cheveux très-noirs se bouclaient autour de sa tête, et complétaient un tout formé de parties qui s’harmonisaient parfaitement ensemble… il y avait du charme enfin dans cette figure, chose rare dans un homme… ce charme agit à l’instant sur M. Van-Rosslyn : il fut au-devant de l’étranger, lui prit la main cordialement, le conduisit à un siège, se plaça près de lui, et lui dit aussitôt :

— Général, vous avez écrit quelques mots sur votre carte qui indiquent que vous désirez me voir seul… me voici. Que puis-je pour vous ? votre nom est sur la fatale liste ! …

Et le brave homme serra vivement la main du proscrit.

Le général de Sorcy sentit que la cordialité de M. Van-Rosslyn était vraie, il serra à son tour la main du banquier belge, et ces deux hommes, qui ne se connaissaient que depuis quelques minutes, comprirent tous deux qu’ils avaient trouvé un ami.

Le général remit à M. Van-Rosslyn une lettre particulière de M. M…

— Lisez-la, lui dit-il : je tiens à ce que vous sachiez que l’homme qui vous est recommandé n’est pas un agitateur et un fléau du repos public… je suis innocent enfin ! … Mais il fallait des victimes… il fallait frapper… et, pour ne pas porter de coups dans l’air, on m’a garrotté et livré au bourreau !

M. Van-Rosslyn lisait la lettre de M. Martin.

— Général, dit-il après l’avoir lue, permettez-moi de vous offrir ma maison ; vous logerez chez moi, et ma famille sera la vôtre…

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Il était quatre heures du soir ; on était dans le mois de mai de l’année 1815, et le plus beau soleil éclairait un ravissant paysage qu’on découvrait des fenêtres d’une bibliothèque à l’angle d’une élégante maison de campagne située à quelques milles de Bruxelles. Dans un grand fauteuil de maroquin noir, était assis un très gros homme, paraissant parfaitement indifférent au spectacle que lui présentait le paysage se déroulant au-dessous de la colline sur laquelle était bâtie sa maison. À quelque distance de lui, un jeune homme blond et pâle était assis devant une table et écrivait… Par intervalles, les exclamations du gros homme le forçaient de suspendre son travail, d’autant qu’elles semblaient quelquefois s’adresser à lui… le gros homme était en robe de chambre, et fumait une longue pipe turque tout en ouvrant des lettres qu’il déchirait en grande partie, à mesure qu’il les lisait.

— Eh bien ! dit-il au jeune homme… les proscriptions continuent là-bas ! … Encore des exilés qui nous arrivent ! …

Le jeune homme releva la tête et regarda le gros monsieur, mais sans lui répondre : l’autre poursuivit :

— Voilà une liste de trente-sept malheureux… Ah ! je ne saurais poursuivre cette lecture ! …

Et froissant avec colère le papier dans ses mains, il le jeta au loin dans le jardin.

— Martin m’en adresse un grand nombre, et il fait bien. Il me connaît ! … Trente-sept exilés ! … et voilà trente-sept familles pleurant sur la carrière brisée d’un homme coupable d’un délit qui était vertu la veille encore du jour où son parti fut renversé !… Fritz, avez-vous eu quelques nouvelles particulières, qui donnent d’autres détails que les journaux ?

— Non, mon père, dit enfin le jeune homme, qui, depuis le commencement de cette conversation, avait écouté sans répondre… et vous-même… n’avez-vous pas d’autres lettres que celles de vos correspondans ? …

M. Van-Rosslyn fit un signe négatif. – Mais vous venez de la Bourse, monsieur ; n’y avez-vous rien appris ?

— Seulement la confirmation des nouvelles du Moniteur, Fritz… cette proscription de trente-sept victimes, que Fouché semble frapper pour nous prouver que, si les années se sont écoulées, si les temps ont paru changer, l’homme de sang est toujours là, toujours le même ! … toujours le proconsul de Lyon !

Un domestique entra dans ce moment et remit une carte à M. Van-Rosslyn. Il la regarda quelques momens avant de donner l’ordre d’introduire celui dont elle portait le nom. Enfin il dit au jeune homme blond qui écrivait :

— C’est un recommandé de la maison Martin… mais comme il paraît qu’il veut du mystère, passe dans le grand bureau, mon ami…

— Faîtes entrer, dit-il ensuite au valet de chambre.

L’étranger qu’il introduisit était un homme de haute taille, à peine âgé de trente ans ; sa tournure était militaire, mais élégante et noble, et annonçait à la fois l’homme comme il faut et l’homme ayant vécu sous la tente… il était pâle ; ses cheveux très-noirs se bouclaient autour de sa tête, et complétaient un tout formé de parties qui s’harmonisaient parfaitement ensemble… il y avait du charme enfin dans cette figure, chose rare dans un homme… ce charme agit à l’instant sur M. Van-Rosslyn : il fut au-devant de l’étranger, lui prit la main cordialement, le conduisit à un siège, se plaça près de lui, et lui dit aussitôt :

— Général, vous avez écrit quelques mots sur votre carte qui indiquent que vous désirez me voir seul… me voici. Que puis-je pour vous ? votre nom est sur la fatale liste ! …

Et le brave homme serra vivement la main du proscrit.

Le général de Sorcy sentit que la cordialité de M. Van-Rosslyn était vraie, il serra à son tour la main du banquier belge, et ces deux hommes, qui ne se connaissaient que depuis quelques minutes, comprirent tous deux qu’ils avaient trouvé un ami.

Le général remit à M. Van-Rosslyn une lettre particulière de M. M…

— Lisez-la, lui dit-il : je tiens à ce que vous sachiez que l’homme qui vous est recommandé n’est pas un agitateur et un fléau du repos public… je suis innocent enfin ! … Mais il fallait des victimes… il fallait frapper… et, pour ne pas porter de coups dans l’air, on m’a garrotté et livré au bourreau !

M. Van-Rosslyn lisait la lettre de M. Martin.

— Général, dit-il après l’avoir lue, permettez-moi de vous offrir ma maison ; vous logerez chez moi, et ma famille sera la vôtre…

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