Historiettes, Contes et Fabliaux

Romance, Erotica, Contemporary
Cover of the book Historiettes, Contes et Fabliaux by DONATIEN ALPHONSE FRANÇOIS DE SADE, GILBERT TEROL
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Author: DONATIEN ALPHONSE FRANÇOIS DE SADE ISBN: 1230000213129
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 26, 2014
Imprint: Language: French
Author: DONATIEN ALPHONSE FRANÇOIS DE SADE
ISBN: 1230000213129
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 26, 2014
Imprint:
Language: French

La maîtresse de M. de Raneville n’était pas précisément une fille, c’était une femme mariée et par conséquent plus piquante, car on a beau dire, ce petit sel de l’adultère met souvent bien du prix à une jouissance ; elle était fort jolie, âgée de trente ans, le plus beau corps possible ; séparée d’un mari plat et ennuyeux, elle était venue de province chercher fortune à Paris, et n’avait pas été longtemps à la trouver. Raneville naturellement libertin, à l’affût de tous les bons morceaux, n’avait pas laissé échapper celui-là, et depuis trois ans, par des traitements très honnêtes, par beaucoup d’esprit et beaucoup d’argent, il faisait oublier à cette jeune femme tous les chagrins que l’hymen avait autrefois pris plaisir à semer sur ses pas. Ayant à peu près tous deux le même sort, ils se consolaient ensemble, et se confirmaient dans cette grande vérité qui pourtant ne corrige personne, qu’il n’y a tant de mauvais ménages et par conséquent tant de malheur dans le monde, que parce que des parents avares ou imbéciles assortissent plutôt les fortunes que les humeurs : Car, disait souvent Raneville à sa maîtresse, il est bien certain que si le sort nous eût unis tous deux, au lieu de nous donner, à vous un mari tyran et ridicule, et à moi une femme catin, les roses fussent nées sous nos pas au lieu des ronces que nous avons si longtemps cueillies.

Un événement quelconque dont il est assez inutile de parler, conduisit un jour M. de Raneville à ce village bourbeux et malsain qu’on appelle Versailles, où des rois faits pour être adorés dans leur capitale, semblent fuir la présence de sujets qui les désirent, où l’ambition, l’avarice, la vengeance, et l’orgueil conduisent journellement une foule de malheureux allant sur l’aile de l’ennui sacrifier à l’idole du jour, où l’élite de la noblesse française qui pourrait jouer un rôle important dans ses terres, consent à venir s’humilier dans des antichambres, faire bassement la cour à des suisses de porte, ou mendier humblement un dîner moins bon que le sien chez quelques-uns de ces individus que la fortune arrache un moment des nuages de l’oubli pour les y replonger peu après.

Ses affaires faites, M. de Raneville remonte dans une de ces voitures de cour qu’on appelle pot-de-chambre et s’y trouve fortuitement associé avec un certain M. Dutour, très bavard, fort rond, fort épais, grand ricaneur, employé de même que M. de Raneville dans le département des fermes, mais à Orléans sa patrie, qui comme on vient de le dire se trouve être également celle de M. de Raneville. La conversation s’engage, Raneville toujours laconique et ne se dévoilant jamais sait déjà le nom, le surnom, la patrie, et les affaires de son camarade de route, avant que d’avoir encore seulement dit un mot. Ces détails appris, M. Dutour entre un peu plus dans ceux de la société.

— Vous avez été à Orléans, monsieur, dit Dutour, il me semble que vous venez de me le dire.

— J’y séjournai quelques mois jadis.

— Et y avez-vous connu, je vous prie, une certaine Mme de Raneville, une des plus grandes p. qui jamais ait habité Orléans ?

— Mme de Raneville, une assez jolie femme.

— Précisément.

— Oui, j’ai vu ça dans le monde.

— Eh bien, je vous dirai confidemment que je l’ai eue, c’est-à-dire trois jours, comme on a cela. Assurément s’il y a un mari cocu, on peut bien dire que c’est ce pauvre Raneville.

— Et le connaissez-vous lui ?

— Non pas autrement, c’est un mauvais sujet qui se ruine à Paris, dit-on, avec des filles et des débauchés comme lui.

— Je ne vous en dirai rien, je ne le connais pas, mais je plains les maris cocus, vous ne l’êtes pas, vous, par hasard, monsieur ?

— Lequel voulez-vous dire des deux, est-ce cocu ou mari ?

— Mais l’un et l’autre, ces choses-là se lient tellement aujourd’hui qu’il est en vérité très difficile d’en faire la différence.

— Je suis marié, monsieur, j’ai eu le malheur d’épouser une femme qui ne s’est point arrangée de moi ; son caractère me convenant de même fort peu, nous nous sommes séparés à l’amiable, elle a désiré de venir partager à Paris la solitude d’une de ses parentes religieuses au couvent de Sainte-Aure, et elle habite cette maison, d’où elle me donne de temps en temps de ses nouvelles, mais je ne la vois point.

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La maîtresse de M. de Raneville n’était pas précisément une fille, c’était une femme mariée et par conséquent plus piquante, car on a beau dire, ce petit sel de l’adultère met souvent bien du prix à une jouissance ; elle était fort jolie, âgée de trente ans, le plus beau corps possible ; séparée d’un mari plat et ennuyeux, elle était venue de province chercher fortune à Paris, et n’avait pas été longtemps à la trouver. Raneville naturellement libertin, à l’affût de tous les bons morceaux, n’avait pas laissé échapper celui-là, et depuis trois ans, par des traitements très honnêtes, par beaucoup d’esprit et beaucoup d’argent, il faisait oublier à cette jeune femme tous les chagrins que l’hymen avait autrefois pris plaisir à semer sur ses pas. Ayant à peu près tous deux le même sort, ils se consolaient ensemble, et se confirmaient dans cette grande vérité qui pourtant ne corrige personne, qu’il n’y a tant de mauvais ménages et par conséquent tant de malheur dans le monde, que parce que des parents avares ou imbéciles assortissent plutôt les fortunes que les humeurs : Car, disait souvent Raneville à sa maîtresse, il est bien certain que si le sort nous eût unis tous deux, au lieu de nous donner, à vous un mari tyran et ridicule, et à moi une femme catin, les roses fussent nées sous nos pas au lieu des ronces que nous avons si longtemps cueillies.

Un événement quelconque dont il est assez inutile de parler, conduisit un jour M. de Raneville à ce village bourbeux et malsain qu’on appelle Versailles, où des rois faits pour être adorés dans leur capitale, semblent fuir la présence de sujets qui les désirent, où l’ambition, l’avarice, la vengeance, et l’orgueil conduisent journellement une foule de malheureux allant sur l’aile de l’ennui sacrifier à l’idole du jour, où l’élite de la noblesse française qui pourrait jouer un rôle important dans ses terres, consent à venir s’humilier dans des antichambres, faire bassement la cour à des suisses de porte, ou mendier humblement un dîner moins bon que le sien chez quelques-uns de ces individus que la fortune arrache un moment des nuages de l’oubli pour les y replonger peu après.

Ses affaires faites, M. de Raneville remonte dans une de ces voitures de cour qu’on appelle pot-de-chambre et s’y trouve fortuitement associé avec un certain M. Dutour, très bavard, fort rond, fort épais, grand ricaneur, employé de même que M. de Raneville dans le département des fermes, mais à Orléans sa patrie, qui comme on vient de le dire se trouve être également celle de M. de Raneville. La conversation s’engage, Raneville toujours laconique et ne se dévoilant jamais sait déjà le nom, le surnom, la patrie, et les affaires de son camarade de route, avant que d’avoir encore seulement dit un mot. Ces détails appris, M. Dutour entre un peu plus dans ceux de la société.

— Vous avez été à Orléans, monsieur, dit Dutour, il me semble que vous venez de me le dire.

— J’y séjournai quelques mois jadis.

— Et y avez-vous connu, je vous prie, une certaine Mme de Raneville, une des plus grandes p. qui jamais ait habité Orléans ?

— Mme de Raneville, une assez jolie femme.

— Précisément.

— Oui, j’ai vu ça dans le monde.

— Eh bien, je vous dirai confidemment que je l’ai eue, c’est-à-dire trois jours, comme on a cela. Assurément s’il y a un mari cocu, on peut bien dire que c’est ce pauvre Raneville.

— Et le connaissez-vous lui ?

— Non pas autrement, c’est un mauvais sujet qui se ruine à Paris, dit-on, avec des filles et des débauchés comme lui.

— Je ne vous en dirai rien, je ne le connais pas, mais je plains les maris cocus, vous ne l’êtes pas, vous, par hasard, monsieur ?

— Lequel voulez-vous dire des deux, est-ce cocu ou mari ?

— Mais l’un et l’autre, ces choses-là se lient tellement aujourd’hui qu’il est en vérité très difficile d’en faire la différence.

— Je suis marié, monsieur, j’ai eu le malheur d’épouser une femme qui ne s’est point arrangée de moi ; son caractère me convenant de même fort peu, nous nous sommes séparés à l’amiable, elle a désiré de venir partager à Paris la solitude d’une de ses parentes religieuses au couvent de Sainte-Aure, et elle habite cette maison, d’où elle me donne de temps en temps de ses nouvelles, mais je ne la vois point.

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