Author: | EUGÈNE DICK | ISBN: | 1230001111217 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | May 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | EUGÈNE DICK |
ISBN: | 1230001111217 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | May 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
Par une belle matinée du mois de juillet 1839, les cloches de la cathédrale de Québec sonnaient à toute volée, conviant l’aristocratie de la ville à une brillante cérémonie. Ce jour-là, en effet, Richard Walpole, jeune et riche négociant anglais, épousait mademoiselle Eugénie Latour, une des plus éclatantes beautés de la haute société canadienne-française. Le temps était déjà loin où de mesquines rivalités nationales creusaient un abîme entre les deux grandes races qui se partagent le sol du Canada. L’apaisement était venu d’abord, bientôt suivi de cette estime mutuelle que se doivent les peuplesdestinés à marcher côte à côte, sous l’égide d’une même constitution. Puis, de l’estime, on était passé à l’amitié ; tant et si bien que l’on vit, spectacle consolant, les descendants de deux nations ennemies qui s’étaient longtemps combattues ne pas rougir de contracter ensemble d’indissolubles alliances. De cette époque, la France et l’Angleterre firent plus que se donner la main, en Amérique : elles échangèrent l’anneau des fiançailles. La cérémonie fut des plus imposantes. Toute la fashion québecquoise encombrait l’immense nef, faisant des vœux sincères pour le bonheur du couple sympathique qui prononçait en ce moment le serment d’éternel amour. À l’issue de l’office, les jeunes époux montèrent dans une splendide voiture de gala, tirée par quatre chevaux, et, suivis d’un nombreux cortège, prirent le chemin du Cap-Rouge, où se trouvait la maison de campagne de M. Walpole. Puis, pendant huit jours, ce ne furent que fêtes, cavalcades, bals et festins. La gentry et le haut commerce s’en donnèrent à cœur-joie, – rompant ainsi avec la singulière coutume anglaise qui veut que les premiers jours qui suivent le mariage se passent en wagon de chemin de fer ou sur le pont d’un bateau à vapeur. Bref, on s’amusa beaucoup, et le jeune ménage faisait ses premiers pas dans la voie matrimoniale de façon à présager que le voyage de la vie serait une succession d’enchantements. Hélas ! combien ainsi débutent joyeusement pour finir dans les larmes ! Que d’aurores brillantes qui sont suivies, à la chute du jour, d’épouvantables orages ! Une année ne s’était pas écoulée, que des nuages menaçants assombrissaient déjà le ciel pur de cette félicité conjugale. Madame Walpole, qui venait de donner le jour à une charmante petite fille – baptisée à la cathédrale catholique sous le nom d’Anna – Madame Walpole, disons-nous, était restée souffrante, sujette à de fréquentes attaques nerveuses, et d’une impressionnabilité alarmante. D’un autre côté, Richard recevait de mauvaises nouvelles d’Angleterre. Son père était malade et le mandait près de lui. Le jeune négociant n’attendait que le rétablissement de sa femme pour se rendre à ce désir. Mais un jour une lettre lui arriva, portant le timbre de Londres, qui ne lui laissa d’autre alternative qu’un départ précipité. Son père, dont il était le fils unique, se mourait. Richard fit promettre à sa femme de le venir rejoindre dès que l’état de sa santé le permettrait ; puis, confondant la mère et la fille dans un même embrassement, il partit, le cœur hanté par de sinistres appréhensions. Elles ne devaient que trop se réaliser. Le fils arriva trop tard en Angleterre pour recevoir le dernier soupir du père… Mais ceci n’était que la première station de la voie douloureuse. Richard venait à peine de rendre à son père les honneurs suprêmes et de terminer les démarches légales nécessitées par l’immense succession que lui laissait le regretté défunt, qu’à son tour il tomba gravement malade. Une main étrangère dut écrire à sa femme la lettre laconique que voici :
« Madame, Votre mari se meurt à l’hôtel Walpole. Vous aurez peut-être encore le temps de le voir vivant si vous embarquez sans retard. Dr. Kimbrey. »
Extrait :
Par une belle matinée du mois de juillet 1839, les cloches de la cathédrale de Québec sonnaient à toute volée, conviant l’aristocratie de la ville à une brillante cérémonie. Ce jour-là, en effet, Richard Walpole, jeune et riche négociant anglais, épousait mademoiselle Eugénie Latour, une des plus éclatantes beautés de la haute société canadienne-française. Le temps était déjà loin où de mesquines rivalités nationales creusaient un abîme entre les deux grandes races qui se partagent le sol du Canada. L’apaisement était venu d’abord, bientôt suivi de cette estime mutuelle que se doivent les peuplesdestinés à marcher côte à côte, sous l’égide d’une même constitution. Puis, de l’estime, on était passé à l’amitié ; tant et si bien que l’on vit, spectacle consolant, les descendants de deux nations ennemies qui s’étaient longtemps combattues ne pas rougir de contracter ensemble d’indissolubles alliances. De cette époque, la France et l’Angleterre firent plus que se donner la main, en Amérique : elles échangèrent l’anneau des fiançailles. La cérémonie fut des plus imposantes. Toute la fashion québecquoise encombrait l’immense nef, faisant des vœux sincères pour le bonheur du couple sympathique qui prononçait en ce moment le serment d’éternel amour. À l’issue de l’office, les jeunes époux montèrent dans une splendide voiture de gala, tirée par quatre chevaux, et, suivis d’un nombreux cortège, prirent le chemin du Cap-Rouge, où se trouvait la maison de campagne de M. Walpole. Puis, pendant huit jours, ce ne furent que fêtes, cavalcades, bals et festins. La gentry et le haut commerce s’en donnèrent à cœur-joie, – rompant ainsi avec la singulière coutume anglaise qui veut que les premiers jours qui suivent le mariage se passent en wagon de chemin de fer ou sur le pont d’un bateau à vapeur. Bref, on s’amusa beaucoup, et le jeune ménage faisait ses premiers pas dans la voie matrimoniale de façon à présager que le voyage de la vie serait une succession d’enchantements. Hélas ! combien ainsi débutent joyeusement pour finir dans les larmes ! Que d’aurores brillantes qui sont suivies, à la chute du jour, d’épouvantables orages ! Une année ne s’était pas écoulée, que des nuages menaçants assombrissaient déjà le ciel pur de cette félicité conjugale. Madame Walpole, qui venait de donner le jour à une charmante petite fille – baptisée à la cathédrale catholique sous le nom d’Anna – Madame Walpole, disons-nous, était restée souffrante, sujette à de fréquentes attaques nerveuses, et d’une impressionnabilité alarmante. D’un autre côté, Richard recevait de mauvaises nouvelles d’Angleterre. Son père était malade et le mandait près de lui. Le jeune négociant n’attendait que le rétablissement de sa femme pour se rendre à ce désir. Mais un jour une lettre lui arriva, portant le timbre de Londres, qui ne lui laissa d’autre alternative qu’un départ précipité. Son père, dont il était le fils unique, se mourait. Richard fit promettre à sa femme de le venir rejoindre dès que l’état de sa santé le permettrait ; puis, confondant la mère et la fille dans un même embrassement, il partit, le cœur hanté par de sinistres appréhensions. Elles ne devaient que trop se réaliser. Le fils arriva trop tard en Angleterre pour recevoir le dernier soupir du père… Mais ceci n’était que la première station de la voie douloureuse. Richard venait à peine de rendre à son père les honneurs suprêmes et de terminer les démarches légales nécessitées par l’immense succession que lui laissait le regretté défunt, qu’à son tour il tomba gravement malade. Une main étrangère dut écrire à sa femme la lettre laconique que voici :
« Madame, Votre mari se meurt à l’hôtel Walpole. Vous aurez peut-être encore le temps de le voir vivant si vous embarquez sans retard. Dr. Kimbrey. »