Author: | CHARLES DALLET | ISBN: | 1230000213640 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | January 28, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | CHARLES DALLET |
ISBN: | 1230000213640 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | January 28, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
À la mort du roi Tchiel-tsong, le pouvoir avait changé de mains ; les ministres jusqu’alors tout-puissants, avaient été destitués et remplacés. Quel devait être pour la religion le résultat de cette révolution de palais ? On ne le vit pas bien clairement tout d’abord. Les missionnaires étaient partagés entre la crainte et l’espérance. Le changement évident qui, depuis plusieurs années, s’était opéré dans l’esprit du peuple relativement au christianisme, le nombre toujours croissant des conversions, le contre-coup de la terrible leçon infligée à l’orgueil chinois, étaient autant de motifs d’espérer, mais d’un autre côté la présence au pouvoir de l’ancien parti persécuteur, le système du nouveau gouvernement de ne choisir les dignitaires que parmi les Piek, toujours hostiles à l’Évangile, en laissant de côté les Si connus pour leur modération relative, et d’autres symptômes encore pouvaient faire présager de nouveaux et terribles orages. La lettre suivante, que Mgr Berneux adressait au séminaire des Missions-Étrangères, au mois d’août 1864, expose clairement cette situation.
« Les espérances que nous avions conçues de voir bientôt la religion libre en Corée ne se sont pas réalisées ; nous avons même été menacés d’une persécution d’extermination. Le roi est mort en janvier, ainsi que meurent presque tous les rois de Corée, d’excès de boisson et de débauche ; personne ne l’a regretté. Il avait le cœur bon, il aimait ses sujets ; mais trop faible pour s’affranchir des hommes qui le tenaient en tutelle, il fermait les yeux sur les abus et les malversations de tout genre qui réduisaient le peuple à une misère insupportable. Il est mort sans enfants, et le pouvoir suprême s’est trouvé dévolu à une femme, veuve d’un des rois précédents, la reine Tcho, qui, le jour même de son avènement, a adopté un enfant de douze ans, fils d’un prince de Corée. La régente a confié le gouvernement du royaume au père de ce nouveau roi. Cet homme n’est hostile ni à la religion qu’il sait bonne, ni aux missionnaires qu’il connaît sous de très-bons rapports ; il n’ignore pas que nous sommes ici huit Européens, il a même parlé de l’évêque en particulier à un mandarin païen avec lequel j’ai quelques relations. C’est à l’occasion d’une lettre des Russes qui demandent à faire le commerce avec la Corée ; il a dit à ce mandarin que si je pouvais le débarrasser des Russes, il accorderait la liberté religieuse. J’ai fait répondre au prince que, malgré tout mon désir d’être utile au royaume, étant d’une nation et d’une religion différente de celles des Russes, je ne pouvais avoir sur eux aucune influence ; que je craignais autant que personne le danger dont était menacé le pays de la part de ces hommes qui, tôt ou tard, trouveraient moyen de s’établir sur le territoire coréen ; mais que le refus constant du gouvernement de se mettre en rapport avec aucune puissance européenne, refus que je m’abstenais de blâmer, ne me laissait aucun moyen de conjurer un danger qu’il était cependant urgent de prévenir. J’ignore si cette réponse a été rapportée au prince.
« Sa femme, mère du roi, connaît la religion, a appris une partie du catéchisme, récite chaque jour quelques prières, et m’a fait demander des messes d’action de grâces pour l’avénement de son fils au trône. Mais, d’un caractère naturellement mou, craignant, aujourd’hui surtout, de se compromettre, elle ne pourra nous rendre aucun service, et je doute qu’elle ne puisse jamais être baptisée. La nourrice du roi, qui continue à résider au palais, est chrétienne ; je l’ai confessée cette année. Si elle était instruite et un peu capable, elle pourrait nous rendre bien des services, parce que tout jeune qu’il est, le roi, quand il veut une chose, ne trouve personne, pas même la reine régente, qui ose le contredire ; mais cette nourrice est l’être le plus borné que je connaisse, une véritable bûche. On prétend qu’elle a parlé au roi de la religion et des missionnaires européens, et que celui-ci a répondu qu’il se ferait chrétien, et verrait l’évêque ; je n’en crois rien, elle n’est pas de taille à cela. Voilà un côté de la médaille, voyons le revers.
« La reine régente appartient à la famille Tcho, célèbre en Corée par sa haine contre les chrétiens. À son arrivée au pouvoir, elle a éloigné les Kim, tout-puissants sous le dernier règne, lesquels laissant tout aller à vau-l’eau nous étaient par là même favorables, et les a remplacés par des hommes d’un caractère à prendre contre nous les mesures les plus extrêmes.
« De cet amalgame de personnes favorables et hostiles, que pouvons-nous attendre ? je n’en sais rien encore. À la troisième lune, plusieurs pétitions adressées au gouvernement demandaient qu’on ramenât le royaume à la pureté des anciens usages, et qu’on détruisît jusqu’à la racine la religion chrétienne. Le bruit se répandit en même temps dans tout le royaume que la persécution allait éclater ; le jour était fixé au 15 de la troisième lune : tous les Européens, tous les catéchistes, tous les chrétiens un peu influents devaient être arrêtés et mis à mort dans toute l’étendue du vicariat. On prétend même que, le 13, l’ordre fut donné de venir me prendre dans ma maison, connue de la police, mais qu’il fut aussitôt révoqué. Cette nouvelle, que je crois fondée, répandit une grande terreur dans la mission, et beaucoup de catéchumènes, dont la foi était faible encore, ont reculé devant le danger. Le bon Dieu qui tient entre ses mains le cœur des rois a cependant conjuré l’orage ; la persécution n’a pas eu lieu, et j’espère que nous serons assez tranquilles avec le nouveau gouvernement. Le seul district qui ait été sérieusement inquiété est celui de Mgr d’Acônes, la province de Kieng-sang, qui depuis plusieurs années nous a donné de nombreuses conversions. Les satellites lancés à la recherche d’une secte qui s’est formée depuis cinq ans dans cette province, sous le nom de tong-hac (doctrine de l’Orient) — pour se distinguer des chrétiens désignés sous le nom de sen-hac (doctrine de l’Occident), — les satellites, dis-je, profitant de cette occasion de battre monnaie et de satisfaire leur vengeance, ont arrêté en même temps bon nombre de chrétiens. Beaucoup d’autres ont déserté leurs maisons, leurs champs, et sont réduits par-là à une misère extrême. Je n’ai pas de nouvelles récentes de cette province éloignée ; j’ignore où en sont les affaires.
À la mort du roi Tchiel-tsong, le pouvoir avait changé de mains ; les ministres jusqu’alors tout-puissants, avaient été destitués et remplacés. Quel devait être pour la religion le résultat de cette révolution de palais ? On ne le vit pas bien clairement tout d’abord. Les missionnaires étaient partagés entre la crainte et l’espérance. Le changement évident qui, depuis plusieurs années, s’était opéré dans l’esprit du peuple relativement au christianisme, le nombre toujours croissant des conversions, le contre-coup de la terrible leçon infligée à l’orgueil chinois, étaient autant de motifs d’espérer, mais d’un autre côté la présence au pouvoir de l’ancien parti persécuteur, le système du nouveau gouvernement de ne choisir les dignitaires que parmi les Piek, toujours hostiles à l’Évangile, en laissant de côté les Si connus pour leur modération relative, et d’autres symptômes encore pouvaient faire présager de nouveaux et terribles orages. La lettre suivante, que Mgr Berneux adressait au séminaire des Missions-Étrangères, au mois d’août 1864, expose clairement cette situation.
« Les espérances que nous avions conçues de voir bientôt la religion libre en Corée ne se sont pas réalisées ; nous avons même été menacés d’une persécution d’extermination. Le roi est mort en janvier, ainsi que meurent presque tous les rois de Corée, d’excès de boisson et de débauche ; personne ne l’a regretté. Il avait le cœur bon, il aimait ses sujets ; mais trop faible pour s’affranchir des hommes qui le tenaient en tutelle, il fermait les yeux sur les abus et les malversations de tout genre qui réduisaient le peuple à une misère insupportable. Il est mort sans enfants, et le pouvoir suprême s’est trouvé dévolu à une femme, veuve d’un des rois précédents, la reine Tcho, qui, le jour même de son avènement, a adopté un enfant de douze ans, fils d’un prince de Corée. La régente a confié le gouvernement du royaume au père de ce nouveau roi. Cet homme n’est hostile ni à la religion qu’il sait bonne, ni aux missionnaires qu’il connaît sous de très-bons rapports ; il n’ignore pas que nous sommes ici huit Européens, il a même parlé de l’évêque en particulier à un mandarin païen avec lequel j’ai quelques relations. C’est à l’occasion d’une lettre des Russes qui demandent à faire le commerce avec la Corée ; il a dit à ce mandarin que si je pouvais le débarrasser des Russes, il accorderait la liberté religieuse. J’ai fait répondre au prince que, malgré tout mon désir d’être utile au royaume, étant d’une nation et d’une religion différente de celles des Russes, je ne pouvais avoir sur eux aucune influence ; que je craignais autant que personne le danger dont était menacé le pays de la part de ces hommes qui, tôt ou tard, trouveraient moyen de s’établir sur le territoire coréen ; mais que le refus constant du gouvernement de se mettre en rapport avec aucune puissance européenne, refus que je m’abstenais de blâmer, ne me laissait aucun moyen de conjurer un danger qu’il était cependant urgent de prévenir. J’ignore si cette réponse a été rapportée au prince.
« Sa femme, mère du roi, connaît la religion, a appris une partie du catéchisme, récite chaque jour quelques prières, et m’a fait demander des messes d’action de grâces pour l’avénement de son fils au trône. Mais, d’un caractère naturellement mou, craignant, aujourd’hui surtout, de se compromettre, elle ne pourra nous rendre aucun service, et je doute qu’elle ne puisse jamais être baptisée. La nourrice du roi, qui continue à résider au palais, est chrétienne ; je l’ai confessée cette année. Si elle était instruite et un peu capable, elle pourrait nous rendre bien des services, parce que tout jeune qu’il est, le roi, quand il veut une chose, ne trouve personne, pas même la reine régente, qui ose le contredire ; mais cette nourrice est l’être le plus borné que je connaisse, une véritable bûche. On prétend qu’elle a parlé au roi de la religion et des missionnaires européens, et que celui-ci a répondu qu’il se ferait chrétien, et verrait l’évêque ; je n’en crois rien, elle n’est pas de taille à cela. Voilà un côté de la médaille, voyons le revers.
« La reine régente appartient à la famille Tcho, célèbre en Corée par sa haine contre les chrétiens. À son arrivée au pouvoir, elle a éloigné les Kim, tout-puissants sous le dernier règne, lesquels laissant tout aller à vau-l’eau nous étaient par là même favorables, et les a remplacés par des hommes d’un caractère à prendre contre nous les mesures les plus extrêmes.
« De cet amalgame de personnes favorables et hostiles, que pouvons-nous attendre ? je n’en sais rien encore. À la troisième lune, plusieurs pétitions adressées au gouvernement demandaient qu’on ramenât le royaume à la pureté des anciens usages, et qu’on détruisît jusqu’à la racine la religion chrétienne. Le bruit se répandit en même temps dans tout le royaume que la persécution allait éclater ; le jour était fixé au 15 de la troisième lune : tous les Européens, tous les catéchistes, tous les chrétiens un peu influents devaient être arrêtés et mis à mort dans toute l’étendue du vicariat. On prétend même que, le 13, l’ordre fut donné de venir me prendre dans ma maison, connue de la police, mais qu’il fut aussitôt révoqué. Cette nouvelle, que je crois fondée, répandit une grande terreur dans la mission, et beaucoup de catéchumènes, dont la foi était faible encore, ont reculé devant le danger. Le bon Dieu qui tient entre ses mains le cœur des rois a cependant conjuré l’orage ; la persécution n’a pas eu lieu, et j’espère que nous serons assez tranquilles avec le nouveau gouvernement. Le seul district qui ait été sérieusement inquiété est celui de Mgr d’Acônes, la province de Kieng-sang, qui depuis plusieurs années nous a donné de nombreuses conversions. Les satellites lancés à la recherche d’une secte qui s’est formée depuis cinq ans dans cette province, sous le nom de tong-hac (doctrine de l’Orient) — pour se distinguer des chrétiens désignés sous le nom de sen-hac (doctrine de l’Occident), — les satellites, dis-je, profitant de cette occasion de battre monnaie et de satisfaire leur vengeance, ont arrêté en même temps bon nombre de chrétiens. Beaucoup d’autres ont déserté leurs maisons, leurs champs, et sont réduits par-là à une misère extrême. Je n’ai pas de nouvelles récentes de cette province éloignée ; j’ignore où en sont les affaires.