Author: | PAUL FÉVAL | ISBN: | 1230001443981 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | November 27, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | PAUL FÉVAL |
ISBN: | 1230001443981 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | November 27, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
Mon cœur dormait… Va-t-il s’éveiller pour de nouvelles tortures ?
Il se leva brusquement. Le froid, gagné durant le sommeil, glissa, rapide comme un éclair, le long de ses veines et le fit frissonner.
– Je ne veux plus souffrir !… dit-il ; je ne veux plus croire… Oh ! le hasard aura beau m’apporter l’écho de mes espoirs passés ; mon cœur est mort !…
Il regarda encore tout autour de la chambre, et murmura comme malgré lui :
– Mais où donc sont-elles ? Ce ne peut être un songe, pourtant !… J’ai vu leurs longs cheveux sous la toile de leurs petits bonnets de Bretagne… J’ai entendu leurs voix douces, dont l’accent me faisait plus jeune de vingt années… Voici encore la harpe au milieu de la chambre… Où donc sont-elles ?
Il se tourna vers la porte ouverte de la pièce voisine et appela doucement :
– Berthe !… Louise !
C’étaient les noms que les jeunes filles s’étaient donnés.
On ne répondit point.
Le nabab attendit durant un instant ; ses yeux, fixés sur la porte de la chambre aux costumes, où il s’attendait sans doute à voir paraître les figures souriantes des deux petites chanteuses, avaient une expression tendre et caressante.
Personne ne parut sur le seuil.
Montalt fit deux ou trois pas de ce côté, comme si une invisible main le poussait vers les jeunes filles. Puis il s’arrêta tout à coup au milieu du boudoir, et l’expression de sa figure changea.
Un sourire amer vint à sa lèvre, tandis que son front se plissait.
– Fou que je suis !… pensa-t-il tout haut ; misérable fou ! ce sont des femmes !… N’ai-je pas assez souffert ?…
Il se tourna d’un mouvement brusque vers l’autre porte, où les nègres veillaient d’ordinaire.
– Séid !… appela-t-il.
Point de réponse encore.
Il fit un geste d’impatience et ouvrit la porte. Sa voix résonna dans le silence du corridor.
– Séid !… Obbah !…
Rien. C’était la première fois que les noirs restaient muets à son appel.
Mais Berry Montalt était fait de telle sorte que les circonstances ordinaires de la vie ne le frappaient point. Au lieu de s’étonner ou de rechercher la cause de cet abandon inexplicable, il traversa le corridor et gagna sa chambre à coucher.
Il se jeta tout habillé sur son lit, fuyant la fatigue inutile de ses réflexions, et implorant de nouveau le sommeil.
Le sommeil ne voulait point venir. À de certains moments, il tombait dans une sorte d’assoupissement fiévreux et lourd ; mais son agitation, luttant contre les derniers effets de l’opium, entourait son chevet de fantômes. Il revoyait des choses et des hommes, absents depuis les jours de sa jeunesse.
Sa vie avait-elle été le rêve, et le rêve était-il la réalité ?
Chaque fois qu’il fermait les yeux, les figures amies d’autrefois accouraient lui sourire. Il revoyait le paysage agreste que son enfance avait aimé. Il s’égarait dans des sentiers connus et s’arrêtait à l’ombre du vieil arbre, dont l’écorce fidèle avait gardé un chiffre, gravé par sa propre main.
C’étaient les eaux tranquilles d’un grand lac, au milieu duquel montaient et se balançaient de blanches vapeurs. Les saules pleuraient au bord de l’eau, qui entraînait leurs branches pliantes. Le soleil se couchait, tout pâle, derrière les hautes châtaigneraies.
Et le long de ce sentier ombreux qui descendait la montagne, une jeune fille s’avançait à pas lents.
Extrait :
Mon cœur dormait… Va-t-il s’éveiller pour de nouvelles tortures ?
Il se leva brusquement. Le froid, gagné durant le sommeil, glissa, rapide comme un éclair, le long de ses veines et le fit frissonner.
– Je ne veux plus souffrir !… dit-il ; je ne veux plus croire… Oh ! le hasard aura beau m’apporter l’écho de mes espoirs passés ; mon cœur est mort !…
Il regarda encore tout autour de la chambre, et murmura comme malgré lui :
– Mais où donc sont-elles ? Ce ne peut être un songe, pourtant !… J’ai vu leurs longs cheveux sous la toile de leurs petits bonnets de Bretagne… J’ai entendu leurs voix douces, dont l’accent me faisait plus jeune de vingt années… Voici encore la harpe au milieu de la chambre… Où donc sont-elles ?
Il se tourna vers la porte ouverte de la pièce voisine et appela doucement :
– Berthe !… Louise !
C’étaient les noms que les jeunes filles s’étaient donnés.
On ne répondit point.
Le nabab attendit durant un instant ; ses yeux, fixés sur la porte de la chambre aux costumes, où il s’attendait sans doute à voir paraître les figures souriantes des deux petites chanteuses, avaient une expression tendre et caressante.
Personne ne parut sur le seuil.
Montalt fit deux ou trois pas de ce côté, comme si une invisible main le poussait vers les jeunes filles. Puis il s’arrêta tout à coup au milieu du boudoir, et l’expression de sa figure changea.
Un sourire amer vint à sa lèvre, tandis que son front se plissait.
– Fou que je suis !… pensa-t-il tout haut ; misérable fou ! ce sont des femmes !… N’ai-je pas assez souffert ?…
Il se tourna d’un mouvement brusque vers l’autre porte, où les nègres veillaient d’ordinaire.
– Séid !… appela-t-il.
Point de réponse encore.
Il fit un geste d’impatience et ouvrit la porte. Sa voix résonna dans le silence du corridor.
– Séid !… Obbah !…
Rien. C’était la première fois que les noirs restaient muets à son appel.
Mais Berry Montalt était fait de telle sorte que les circonstances ordinaires de la vie ne le frappaient point. Au lieu de s’étonner ou de rechercher la cause de cet abandon inexplicable, il traversa le corridor et gagna sa chambre à coucher.
Il se jeta tout habillé sur son lit, fuyant la fatigue inutile de ses réflexions, et implorant de nouveau le sommeil.
Le sommeil ne voulait point venir. À de certains moments, il tombait dans une sorte d’assoupissement fiévreux et lourd ; mais son agitation, luttant contre les derniers effets de l’opium, entourait son chevet de fantômes. Il revoyait des choses et des hommes, absents depuis les jours de sa jeunesse.
Sa vie avait-elle été le rêve, et le rêve était-il la réalité ?
Chaque fois qu’il fermait les yeux, les figures amies d’autrefois accouraient lui sourire. Il revoyait le paysage agreste que son enfance avait aimé. Il s’égarait dans des sentiers connus et s’arrêtait à l’ombre du vieil arbre, dont l’écorce fidèle avait gardé un chiffre, gravé par sa propre main.
C’étaient les eaux tranquilles d’un grand lac, au milieu duquel montaient et se balançaient de blanches vapeurs. Les saules pleuraient au bord de l’eau, qui entraînait leurs branches pliantes. Le soleil se couchait, tout pâle, derrière les hautes châtaigneraies.
Et le long de ce sentier ombreux qui descendait la montagne, une jeune fille s’avançait à pas lents.