Par mer et par terre - le batard

Fiction & Literature, Action Suspense
Cover of the book Par mer et par terre - le batard by Aimard Gustave, YADE
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Author: Aimard Gustave ISBN: 1230001624052
Publisher: YADE Publication: April 4, 2017
Imprint: Language: French
Author: Aimard Gustave
ISBN: 1230001624052
Publisher: YADE
Publication: April 4, 2017
Imprint:
Language: French

COMMENT ON PEUT FAIRE SON NID SUR L’OCÉAN ET SAVOURER SON BONHEUR.

 

Quatre années s’étaient écoulées ;

Quatre années pendant lesquelles Olivier fut heureux, comme nul homme ne l’a été et ne le sera jamais sur cette terre.

Lui, toujours si malheureux jusqu’alors, il en vint à s’effrayer de cette félicité constante ; il lui arrivait parfois de se demander avec une secrète appréhension :

« Que me réserve donc Dieu dans l’avenir, qu’il me fait jouir dans le présent d’un aussi complet bonheur ? »

L’homme est ainsi fait. Il se sait si fatalement voué au malheur dès sa naissance, que tout ce qui lui arrive d’heureux l’épouvante, parce que, n’y étant pas accoutumé, il n’ose y croire.

L’anecdote de Polycrate, tyran de Samos ; jetant son anneau à la mer pour payer la rançon de son bonheur à l’adversité, est plus vraie qu’on ne le suppose. Les anciens sont nos maîtres ; rien ne leur a échappé, ils ont tout deviné et tout compris ; voilà pourquoi leurs deux plus puissants dieux étaient le Destin et la Fatalité.

Ces dieux, que l’on croit oubliés, existent encore, surtout pour la grande famille des parias de notre société, dédaigneusement rejetés par elle et placés, par l’irrégularité de leur naissance, hors de la loi commune et dans une situation identique à celle de notre héros.

Nous ajouterons, entre parenthèse, que si, au lieu d’être une histoire vraie, ce récit était un roman, il nous aurait été facile de faire d’Olivier Madray un homme hors ligne, un génie incompris ; d’entasser autour de lui des aventures plus extraordinaires les unes sur les autres, et de précipiter les péripéties : nous ne l’avons pas voulu ; nous nous bornerons, jusqu’à la dernière page, à ne dire que la vérité, tout en ne disant pas toute cette vérité, non pas que nous ayons quoi que ce soit à redouter, mais seulement par des motifs de haute convenance, dont les intéressés surtout nous sauront gré, nous l’espérons.

Cela dit une fois pour toutes, nous reprenons notre récit.

Pendant ces quatre années, bien des événements s’accomplirent, bien des faits se passèrent auxquels nos personnages se trouvèrent mêlés, plus ou moins directement.

La révolution Péruvienne, si longtemps attendue, éclata enfin. La lutte s’engagea entre les créoles et leurs oppresseurs ; elle fut sanglante, acharnée, sans merci ; les Espagnols furent définitivement chassés du Pérou, de même qu’ils l’avaient été de toutes leurs autres colonies américaines.

Seul le Callao leur resta provisoirement.

Don Diego Quiros de Ayala, fortement appuyé par ses amis et ceux de son gendre, dont les services pendant la guerre avaient été hautement appréciés, fit valoir ses droits sur ses biens placés sous séquestre par l’autorité espagnole, et sur les mines dont son ex-associé, don Estremo Montès, avait si malencontreusement pour lui essayé de s’emparer.

Ces droits furent reconnus sans difficultés ; don Diego Quiros rentra facilement dans la totalité de son immense fortune ; il devint, pour ainsi dire, du jour au lendemain, un des plus opulents propriétaires du Pérou.

Après avoir réglé ses affaires, ce qui exigea un temps assez long, don Diego Quiros fixa définitivement sa résidence à Lima, où il s’installa calle de Bodegones, dans un magnifique hôtel, bâti par un grand seigneur espagnol, et qu’il acheta presque pour rien. Il avait en même temps acheté une délicieuse maison de campagne ou quinta, ainsi que disent les Péruviens, au charmant village du Chorrillo, situé sur le bord de la mer.

C’est au Chorrillo que toute la haute société liménienne se donne rendez-vous pendant la saison la plus chaude de l’année, pour jouir de la brise rafraîchissante du large, prendre des bains de mer et jouer au monte, jouer au monte surtout.

Le jeu fait fureur au Pérou, comme dans toutes les autres colonies espagnoles, devenues aujourd’hui des républiques plus ou moins florissantes.

Après chaque croisière, Olivier et sa charmante compagne venaient secrètement au Chorrillo, espèce de terrain neutre, où Péruviens et Espagnols se faisaient à peu près bon visage, aux reflets chatoyants des onces d’or amoncelées sur les tables de jeu. Les jeunes mariés passaient au Chorrillo un mois, parfois davantage, auprès de don Diego Quiros et de doña Maria, puis ils s’envolaient comme des oiseaux de passage, emportant avec eux du bonheur pour toute leur croisière.

Olivier avait un fils ; ce fils, que père, mère, grand-père et grand’mère adoraient à qui mieux mieux, allait avoir trois ans il se nommait Napoléon !

Pourquoi Napoléon ?

C’est ce que nous allons expliquer, le plus clairement qu’il nous sera possible.

À cette époque, le grand nom de l’heureux conquérant de l’Europe remplissait le monde ; le martyr de Saint-Hélène, ainsi qu’on l’appelait, mort à peine depuis quelques années, était quelque chose de plus qu’un dieu ; la légende impériale se faisait de toutes les rancunes amassées contre l’ancien régime ; on avait, de parti pris, oublié la véritable histoire du héros posthume, pour ne se souvenir que de sa gloire et l’entourer d’une auréole ; l’heure où chaque chose devait être remise à sa place, et le conquérant glorifié ou honni, selon ses mérites ou ses erreurs, n’était pas encore sonnée. Le nom de Napoléon représentait, aux regards éblouis, fascinés, et par conséquent prévenus et trompés, l’ère nouvelle, avec ses splendeurs et toutes ses libertés octroyées aux peuples. Voilà pourquoi le fils d’Olivier et de Dolorès, et d’une foule d’autres niais dans les cinq parties du monde, avait reçu au baptême ce nom prédestiné, mais fort peu chrétien, puisque saint Napoléon n’existait pas ; la curie romaine a été forcée de l’inventer pour les besoins de la cause.

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COMMENT ON PEUT FAIRE SON NID SUR L’OCÉAN ET SAVOURER SON BONHEUR.

 

Quatre années s’étaient écoulées ;

Quatre années pendant lesquelles Olivier fut heureux, comme nul homme ne l’a été et ne le sera jamais sur cette terre.

Lui, toujours si malheureux jusqu’alors, il en vint à s’effrayer de cette félicité constante ; il lui arrivait parfois de se demander avec une secrète appréhension :

« Que me réserve donc Dieu dans l’avenir, qu’il me fait jouir dans le présent d’un aussi complet bonheur ? »

L’homme est ainsi fait. Il se sait si fatalement voué au malheur dès sa naissance, que tout ce qui lui arrive d’heureux l’épouvante, parce que, n’y étant pas accoutumé, il n’ose y croire.

L’anecdote de Polycrate, tyran de Samos ; jetant son anneau à la mer pour payer la rançon de son bonheur à l’adversité, est plus vraie qu’on ne le suppose. Les anciens sont nos maîtres ; rien ne leur a échappé, ils ont tout deviné et tout compris ; voilà pourquoi leurs deux plus puissants dieux étaient le Destin et la Fatalité.

Ces dieux, que l’on croit oubliés, existent encore, surtout pour la grande famille des parias de notre société, dédaigneusement rejetés par elle et placés, par l’irrégularité de leur naissance, hors de la loi commune et dans une situation identique à celle de notre héros.

Nous ajouterons, entre parenthèse, que si, au lieu d’être une histoire vraie, ce récit était un roman, il nous aurait été facile de faire d’Olivier Madray un homme hors ligne, un génie incompris ; d’entasser autour de lui des aventures plus extraordinaires les unes sur les autres, et de précipiter les péripéties : nous ne l’avons pas voulu ; nous nous bornerons, jusqu’à la dernière page, à ne dire que la vérité, tout en ne disant pas toute cette vérité, non pas que nous ayons quoi que ce soit à redouter, mais seulement par des motifs de haute convenance, dont les intéressés surtout nous sauront gré, nous l’espérons.

Cela dit une fois pour toutes, nous reprenons notre récit.

Pendant ces quatre années, bien des événements s’accomplirent, bien des faits se passèrent auxquels nos personnages se trouvèrent mêlés, plus ou moins directement.

La révolution Péruvienne, si longtemps attendue, éclata enfin. La lutte s’engagea entre les créoles et leurs oppresseurs ; elle fut sanglante, acharnée, sans merci ; les Espagnols furent définitivement chassés du Pérou, de même qu’ils l’avaient été de toutes leurs autres colonies américaines.

Seul le Callao leur resta provisoirement.

Don Diego Quiros de Ayala, fortement appuyé par ses amis et ceux de son gendre, dont les services pendant la guerre avaient été hautement appréciés, fit valoir ses droits sur ses biens placés sous séquestre par l’autorité espagnole, et sur les mines dont son ex-associé, don Estremo Montès, avait si malencontreusement pour lui essayé de s’emparer.

Ces droits furent reconnus sans difficultés ; don Diego Quiros rentra facilement dans la totalité de son immense fortune ; il devint, pour ainsi dire, du jour au lendemain, un des plus opulents propriétaires du Pérou.

Après avoir réglé ses affaires, ce qui exigea un temps assez long, don Diego Quiros fixa définitivement sa résidence à Lima, où il s’installa calle de Bodegones, dans un magnifique hôtel, bâti par un grand seigneur espagnol, et qu’il acheta presque pour rien. Il avait en même temps acheté une délicieuse maison de campagne ou quinta, ainsi que disent les Péruviens, au charmant village du Chorrillo, situé sur le bord de la mer.

C’est au Chorrillo que toute la haute société liménienne se donne rendez-vous pendant la saison la plus chaude de l’année, pour jouir de la brise rafraîchissante du large, prendre des bains de mer et jouer au monte, jouer au monte surtout.

Le jeu fait fureur au Pérou, comme dans toutes les autres colonies espagnoles, devenues aujourd’hui des républiques plus ou moins florissantes.

Après chaque croisière, Olivier et sa charmante compagne venaient secrètement au Chorrillo, espèce de terrain neutre, où Péruviens et Espagnols se faisaient à peu près bon visage, aux reflets chatoyants des onces d’or amoncelées sur les tables de jeu. Les jeunes mariés passaient au Chorrillo un mois, parfois davantage, auprès de don Diego Quiros et de doña Maria, puis ils s’envolaient comme des oiseaux de passage, emportant avec eux du bonheur pour toute leur croisière.

Olivier avait un fils ; ce fils, que père, mère, grand-père et grand’mère adoraient à qui mieux mieux, allait avoir trois ans il se nommait Napoléon !

Pourquoi Napoléon ?

C’est ce que nous allons expliquer, le plus clairement qu’il nous sera possible.

À cette époque, le grand nom de l’heureux conquérant de l’Europe remplissait le monde ; le martyr de Saint-Hélène, ainsi qu’on l’appelait, mort à peine depuis quelques années, était quelque chose de plus qu’un dieu ; la légende impériale se faisait de toutes les rancunes amassées contre l’ancien régime ; on avait, de parti pris, oublié la véritable histoire du héros posthume, pour ne se souvenir que de sa gloire et l’entourer d’une auréole ; l’heure où chaque chose devait être remise à sa place, et le conquérant glorifié ou honni, selon ses mérites ou ses erreurs, n’était pas encore sonnée. Le nom de Napoléon représentait, aux regards éblouis, fascinés, et par conséquent prévenus et trompés, l’ère nouvelle, avec ses splendeurs et toutes ses libertés octroyées aux peuples. Voilà pourquoi le fils d’Olivier et de Dolorès, et d’une foule d’autres niais dans les cinq parties du monde, avait reçu au baptême ce nom prédestiné, mais fort peu chrétien, puisque saint Napoléon n’existait pas ; la curie romaine a été forcée de l’inventer pour les besoins de la cause.

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