Le Talon de fer

Science Fiction & Fantasy, Science Fiction
Cover of the book Le Talon de fer by Jack London, Louis Postif., GILBERT TEROL
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Author: Jack London, Louis Postif. ISBN: 1230000258632
Publisher: GILBERT TEROL Publication: August 7, 2014
Imprint: Language: French
Author: Jack London, Louis Postif.
ISBN: 1230000258632
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: August 7, 2014
Imprint:
Language: French

La brise d’été agite les pins géants1, et les rides de la Wild-Water clapotent en cadence sur ses pierres moussues. Des papillons dansent au soleil, et de toutes parts frémit le bourdonnement berceur des abeilles. Seule au sein d’une paix si profonde, je suis assise, pensive et inquiète. L’excès même de cette sérénité me trouble et la rend irréelle. Le vaste monde est calme, mais du calme qui précède les orages. J’écoute et guette de tous mes sens le moindre indice du cataclysme imminent. Pourvu qu’il ne soit pas prématuré ! Oh ! pourvu qu’il n’éclate pas trop tôt !2

Mon inquiétude s’explique. Je pense, je pense sans trêve et ne puis m’empêcher de penser. J’ai vécu si longtemps au cœur de la mêlée que la tranquillité m’oppresse, et mon imagination revient malgré moi à ce tourbillon de ravage et de mort qui va se déchaîner sous peu. Je crois entendre les cris des victimes, je crois voir, comme je l’ai vu dans le passé3, toute cette tendre et précieuse chair meurtrie et mutilée, toutes ces âmes violemment arrachées de leurs nobles corps et jetées à la face de Dieu. Pauvres humains que nous sommes, obligés de recourir au carnage et à la destruction pour atteindre notre but, pour introduire sur terre une paix et un bonheur durables !

Et puis je suis toute seule ! Quand ce n’est pas de ce qui doit être, je rêve de ce qui a été, de ce qui n’est plus. Je songe à mon aigle, qui battait le vide de ses ailes infatigables et prit son essor vers son soleil à lui, vers l’idéal resplendissant de la liberté humaine. Je ne saurais rester les bras croisés pour attendre le grand événement qui est son œuvre, bien qu’il ne soit plus là pour en voir l’accomplissement. C’est le travail de ses mains, la création de son esprit4. Il y a dévoué ses plus belles années, il lui a donné sa vie elle-même.

1Redwoods (Séquoia ou Wellingtonia, sempervirens ou gigantea). Ces majestueux conifères sont une des curiosités de la Californie, où ils atteignent une hauteur de plus de cent mètres. Leurs troncs sont tellement vastes que l’on a pu pratiquer à travers l’un d’eux une route carrossable. Leur bois est estimé en ébénisterie. (Note du traducteur.)

2La seconde révolte fut, dans une large mesure, l’œuvre d’Ernest Everhard, bien qu’il ait naturellement coopéré avec les meneurs européens. L’arrestation et l’exécution d’Everhard constituèrent l’événement marquant du printemps de 1932. Mais il avait si minutieusement préparé ce soulèvement que ses complices purent réaliser ses plans sans trop de confusion ni de délai. C’est après l’exécution d’Everhard que sa veuve se retira à Wake Robin Lodge, petite habitation dans les montagnes de la Sonoma, en Californie.

3Allusion évidente à la première révolte, celle de la Commune de Chicago.

4Sans contredire Avis Everhard, on peut remarquer qu’Everhard fut simplement l’un des chefs nombreux et habiles qui projetèrent la seconde révolte. Aujourd’hui, avec le recul des siècles, nous sommes en mesure d’affirmer que, même s’il eûtsurvécu, le mouvement n’en aurait pas moins désastreusement échoué.

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La brise d’été agite les pins géants1, et les rides de la Wild-Water clapotent en cadence sur ses pierres moussues. Des papillons dansent au soleil, et de toutes parts frémit le bourdonnement berceur des abeilles. Seule au sein d’une paix si profonde, je suis assise, pensive et inquiète. L’excès même de cette sérénité me trouble et la rend irréelle. Le vaste monde est calme, mais du calme qui précède les orages. J’écoute et guette de tous mes sens le moindre indice du cataclysme imminent. Pourvu qu’il ne soit pas prématuré ! Oh ! pourvu qu’il n’éclate pas trop tôt !2

Mon inquiétude s’explique. Je pense, je pense sans trêve et ne puis m’empêcher de penser. J’ai vécu si longtemps au cœur de la mêlée que la tranquillité m’oppresse, et mon imagination revient malgré moi à ce tourbillon de ravage et de mort qui va se déchaîner sous peu. Je crois entendre les cris des victimes, je crois voir, comme je l’ai vu dans le passé3, toute cette tendre et précieuse chair meurtrie et mutilée, toutes ces âmes violemment arrachées de leurs nobles corps et jetées à la face de Dieu. Pauvres humains que nous sommes, obligés de recourir au carnage et à la destruction pour atteindre notre but, pour introduire sur terre une paix et un bonheur durables !

Et puis je suis toute seule ! Quand ce n’est pas de ce qui doit être, je rêve de ce qui a été, de ce qui n’est plus. Je songe à mon aigle, qui battait le vide de ses ailes infatigables et prit son essor vers son soleil à lui, vers l’idéal resplendissant de la liberté humaine. Je ne saurais rester les bras croisés pour attendre le grand événement qui est son œuvre, bien qu’il ne soit plus là pour en voir l’accomplissement. C’est le travail de ses mains, la création de son esprit4. Il y a dévoué ses plus belles années, il lui a donné sa vie elle-même.

1Redwoods (Séquoia ou Wellingtonia, sempervirens ou gigantea). Ces majestueux conifères sont une des curiosités de la Californie, où ils atteignent une hauteur de plus de cent mètres. Leurs troncs sont tellement vastes que l’on a pu pratiquer à travers l’un d’eux une route carrossable. Leur bois est estimé en ébénisterie. (Note du traducteur.)

2La seconde révolte fut, dans une large mesure, l’œuvre d’Ernest Everhard, bien qu’il ait naturellement coopéré avec les meneurs européens. L’arrestation et l’exécution d’Everhard constituèrent l’événement marquant du printemps de 1932. Mais il avait si minutieusement préparé ce soulèvement que ses complices purent réaliser ses plans sans trop de confusion ni de délai. C’est après l’exécution d’Everhard que sa veuve se retira à Wake Robin Lodge, petite habitation dans les montagnes de la Sonoma, en Californie.

3Allusion évidente à la première révolte, celle de la Commune de Chicago.

4Sans contredire Avis Everhard, on peut remarquer qu’Everhard fut simplement l’un des chefs nombreux et habiles qui projetèrent la seconde révolte. Aujourd’hui, avec le recul des siècles, nous sommes en mesure d’affirmer que, même s’il eûtsurvécu, le mouvement n’en aurait pas moins désastreusement échoué.

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