L’Appel du sol

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book L’Appel du sol by ADRIEN BERTRAND, GILBERT TEROL
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Author: ADRIEN BERTRAND ISBN: 1230001714821
Publisher: GILBERT TEROL Publication: June 12, 2017
Imprint: Language: French
Author: ADRIEN BERTRAND
ISBN: 1230001714821
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: June 12, 2017
Imprint:
Language: French

Présentation de l’éditeur :

Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relue et corrigé.

Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.

Extrait :

Le bataillon était engagé sur un plateau. On avançait lentement. La veille, l’étape avait été longue. Les hommes sentaient encore, après trois heures de repos, une quarantaine de kilomètres dans les jambes et, dans les reins, deux journées et deux nuits de voyage. En colonne, par compagnies et par sections, l’un derrière l’autre, les chasseurs se suivaient. Ils marchaient la tête basse, sans un mot, remontant parfois le sac sur les épaules, de leur geste mécanique. Leurs bérets émergeaient des seigles hauts et de l’avoine.

C’était la guerre. On marchait droit devant soi, sans rien épargner. Première dévastation : celle des cultures. Et ces paysans, respectueux hier des moissons ingrates, saisis déjà par cette ivresse de meurtre, prenaient plaisir au saccage des champs. Ils assouvissaient leur rancune pour les durs labours des hivers passés, pour les gerbes moisies par la pluie, pour toutes les infidélités de la terre. Quelques-uns, qui étaient réservistes, songeaient, en abattant avec le canon du fusil les céréales lorraines, aux blés qu’ils venaient d’abandonner, à la veille du fauchage, dans leurs hautes vallées des Alpes et sur leurs traversiers des Cévennes.

Il faisait encore presque nuit. Le silence était impressionnant. La plaine montait en pente douce jusqu’à une crête qui bornait l’horizon. À cet endroit, le ciel se frangeait d’une teinte orange. À mesure qu’on avançait la couleur s’élargissait, des nuances mauves remplaçaient le gris. Un brouillard humide encadrait la lisière de la forêt.

— Un matin d’Ile-de-France ! cria le sous-lieutenant Lucien Fabre, qui marchait en tête de sa section, au capitaine Nicolaï.

— Un pauvre soleil, répondit l’officier.

De son bras il montrait le disque rose, qui émergeait, face à eux, de la colline et trouait la brume. Il prononçait povre. Son poing, qui tenait la pipe allumée, restait tendu vers le soleil, en un geste de moquerie et de pitié. Nicolaï comparait cette aube aux aurores provençales, aux irruptions fantastiques de lumière sur le bleu de la Méditerranée ou sur les cimes rouges de Corse.

Il ajouta :

— Voilà pour le saluer !

Un long sifflement venait de traverser l’air ; un éclatement sourd le déchira.

Tous les chasseurs levèrent la tête brusquement. Quelques-uns s’arrêtèrent. Ceux qui les suivaient les heurtèrent, faillirent les faire tomber. Il y eut des protestations :

— Prends garde !

— Mais avance donc !

— Zou, zou, despatcho té !

Et, avec cela, une inquiétude vague, un étonnement plutôt du bruit entendu.

Pour le coup, tout le bataillon était réveillé.

Le même sifflement traversa l’atmosphère.

— C’est nos obus qui nous précèdent, expliqua le caporal Gros. Quand on a débarqué, un artilleur m’a prévenu.

Les lourds montagnards adhérèrent à l’explication. Ils n’étaient pas curieux. Ils acceptaient le cours des choses. Ils ne récriminaient pas. La marche se poursuivit.

De nouveau le bruit aigu se fit entendre, suivi de six détonations. On avait perçu l’éclatement par derrière la colonne, pas loin. Un nouvel émoi passa sur le bataillon.

— C’est le baptême du feu, mes enfants, fit le capitaine Nicolaï de sa voix timbrée.

Les rayons obliques du soleil levant l’aveuglaient. Il porta la main sur son front pour abriter ses yeux bleus et regarder vers la crête, à l’horizon. On ne voyait rien. La fumée de sa pipe formait, de place en place, un petit nuage qui ne se dissipait point. Il se retourna, embrassant ses chasseurs d’un beau regard paternel.

— Allons, dit-il, en avant, en avant !

— Alors, c’est eux, mon capitaine ? dit un homme derrière lui.

— C’est eux, répondit machinalement Nicolaï, en consultant sa carte.

Il n’avait pas attaché grande importance à l’événement.

— C’est eux, répéta l’homme à son camarade.

La phrase avait fait en une minute le tour de la compagnie. Pour le coup, chacun se redressa. Une grande fierté venait de s’emparer d’eux : ils avaient reçu le baptême du feu. Inconsciemment, chacun ressentait un orgueil puissant. Une grande joie, en même temps. Ce n’était que cela !... Alors, ce n’était pas terrible.

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Présentation de l’éditeur :

Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relue et corrigé.

Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.

Extrait :

Le bataillon était engagé sur un plateau. On avançait lentement. La veille, l’étape avait été longue. Les hommes sentaient encore, après trois heures de repos, une quarantaine de kilomètres dans les jambes et, dans les reins, deux journées et deux nuits de voyage. En colonne, par compagnies et par sections, l’un derrière l’autre, les chasseurs se suivaient. Ils marchaient la tête basse, sans un mot, remontant parfois le sac sur les épaules, de leur geste mécanique. Leurs bérets émergeaient des seigles hauts et de l’avoine.

C’était la guerre. On marchait droit devant soi, sans rien épargner. Première dévastation : celle des cultures. Et ces paysans, respectueux hier des moissons ingrates, saisis déjà par cette ivresse de meurtre, prenaient plaisir au saccage des champs. Ils assouvissaient leur rancune pour les durs labours des hivers passés, pour les gerbes moisies par la pluie, pour toutes les infidélités de la terre. Quelques-uns, qui étaient réservistes, songeaient, en abattant avec le canon du fusil les céréales lorraines, aux blés qu’ils venaient d’abandonner, à la veille du fauchage, dans leurs hautes vallées des Alpes et sur leurs traversiers des Cévennes.

Il faisait encore presque nuit. Le silence était impressionnant. La plaine montait en pente douce jusqu’à une crête qui bornait l’horizon. À cet endroit, le ciel se frangeait d’une teinte orange. À mesure qu’on avançait la couleur s’élargissait, des nuances mauves remplaçaient le gris. Un brouillard humide encadrait la lisière de la forêt.

— Un matin d’Ile-de-France ! cria le sous-lieutenant Lucien Fabre, qui marchait en tête de sa section, au capitaine Nicolaï.

— Un pauvre soleil, répondit l’officier.

De son bras il montrait le disque rose, qui émergeait, face à eux, de la colline et trouait la brume. Il prononçait povre. Son poing, qui tenait la pipe allumée, restait tendu vers le soleil, en un geste de moquerie et de pitié. Nicolaï comparait cette aube aux aurores provençales, aux irruptions fantastiques de lumière sur le bleu de la Méditerranée ou sur les cimes rouges de Corse.

Il ajouta :

— Voilà pour le saluer !

Un long sifflement venait de traverser l’air ; un éclatement sourd le déchira.

Tous les chasseurs levèrent la tête brusquement. Quelques-uns s’arrêtèrent. Ceux qui les suivaient les heurtèrent, faillirent les faire tomber. Il y eut des protestations :

— Prends garde !

— Mais avance donc !

— Zou, zou, despatcho té !

Et, avec cela, une inquiétude vague, un étonnement plutôt du bruit entendu.

Pour le coup, tout le bataillon était réveillé.

Le même sifflement traversa l’atmosphère.

— C’est nos obus qui nous précèdent, expliqua le caporal Gros. Quand on a débarqué, un artilleur m’a prévenu.

Les lourds montagnards adhérèrent à l’explication. Ils n’étaient pas curieux. Ils acceptaient le cours des choses. Ils ne récriminaient pas. La marche se poursuivit.

De nouveau le bruit aigu se fit entendre, suivi de six détonations. On avait perçu l’éclatement par derrière la colonne, pas loin. Un nouvel émoi passa sur le bataillon.

— C’est le baptême du feu, mes enfants, fit le capitaine Nicolaï de sa voix timbrée.

Les rayons obliques du soleil levant l’aveuglaient. Il porta la main sur son front pour abriter ses yeux bleus et regarder vers la crête, à l’horizon. On ne voyait rien. La fumée de sa pipe formait, de place en place, un petit nuage qui ne se dissipait point. Il se retourna, embrassant ses chasseurs d’un beau regard paternel.

— Allons, dit-il, en avant, en avant !

— Alors, c’est eux, mon capitaine ? dit un homme derrière lui.

— C’est eux, répondit machinalement Nicolaï, en consultant sa carte.

Il n’avait pas attaché grande importance à l’événement.

— C’est eux, répéta l’homme à son camarade.

La phrase avait fait en une minute le tour de la compagnie. Pour le coup, chacun se redressa. Une grande fierté venait de s’emparer d’eux : ils avaient reçu le baptême du feu. Inconsciemment, chacun ressentait un orgueil puissant. Une grande joie, en même temps. Ce n’était que cela !... Alors, ce n’était pas terrible.

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