Author: | Pierre Corneille | ISBN: | 1230000229178 |
Publisher: | Pierre Corneille | Publication: | March 29, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre Corneille |
ISBN: | 1230000229178 |
Publisher: | Pierre Corneille |
Publication: | March 29, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Scène première
Polyeucte, Néarque
Néarque
Quoi! Vous vous arrêtez aux songes d'une femme!
De si faibles sujets troublent cette grande âme!
Et ce coeur tant de fois dans la guerre éprouvé
S'alarme d'un péril qu'une femme a rêvé!
Polyeucte
Je sais ce qu'est un songe, et le peu de croyance
Qu'un homme doit donner à son extravagance,
Qui d'un amas confus des vapeurs de la nuit
Forme de vains objets que le réveil détruit;
Mais vous ne savez pas ce que c'est qu'une femme;
Vous ignorez quels droits elle a sur toute l'âme
Quand, après un long temps qu'elle a su nous charmer,
Les flambeaux de l'hymen viennent de s'allumer.
Pauline, sans raison dans la douleur plongée,
Craint et croit déjà voir ma mort qu'elle a songée;
Elle oppose ses pleurs au dessein que je fais,
Et tâche à l'empêcher de sortir du palais.
Je méprise sa crainte, et je cède à ses larmes,
Elle me fait pitié sans me donner d'alarmes,
Et mon coeur, attendri sans être intimidé,
N'ose déplaire aux yeux dont il est possédé.
L'occasion, Néarque, est-elle si pressante
Qu'il faille être insensible aux soupirs d'une amante?
Par un peu de remise épargnons son ennui,
Pour faire en plein repos ce qu'il trouble aujourd'hui.
Néarque
Avez-vous cependant une pleine assurance
D'avoir assez de vie ou de persévérance?
Et Dieu, qui tient votre âme et vos jours dans sa main,
Promet-il à vos voeux de le pouvoir demain?
Il est toujours tout juste et tout bon, mais sa grâce
Ne descend pas toujours avec même efficace.
Après certains moments que perdent nos longueurs,
Elle quitte ces traits qui pénètrent les coeurs;
Le nôtre s'endurcit, la repousse, l'égare;
Le bras qui la versait en devient plus avare,
Et cette sainte ardeur qui doit porter au bien
Tombe plus rarement, ou n'opère plus rien.
Celle qui vous pressait de courir au baptême,
Languissante déjà, cesse d'être la même,
Et pour quelques soupirs qu'on vous a fait ouïr,
Sa flamme se dissipe et va s'évanouir.
Polyeucte
Vous me connaissez mal: la même ardeur me brûle,
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule.
Ces pleurs, que je regarde avec un oeil d'époux,
Me laissent dans le coeur aussi chrétien que vous.
Mais pour en recevoir le sacré caractère
Qui lave nos forfaits dans une eau salutaire,
Et qui, purgeant notre âme et dessillant nos yeux,
Nous rend le premier droit que nous avions aux cieux,
Bien que je le préfère aux grandeurs d'un empire,
Comme le bien suprême et le seul où j'aspire,
Je crois, pour satisfaire un juste et saint amour,
Pouvoir un peu remettre, et différer d'un jour.
EXTRAIT:
Scène première
Polyeucte, Néarque
Néarque
Quoi! Vous vous arrêtez aux songes d'une femme!
De si faibles sujets troublent cette grande âme!
Et ce coeur tant de fois dans la guerre éprouvé
S'alarme d'un péril qu'une femme a rêvé!
Polyeucte
Je sais ce qu'est un songe, et le peu de croyance
Qu'un homme doit donner à son extravagance,
Qui d'un amas confus des vapeurs de la nuit
Forme de vains objets que le réveil détruit;
Mais vous ne savez pas ce que c'est qu'une femme;
Vous ignorez quels droits elle a sur toute l'âme
Quand, après un long temps qu'elle a su nous charmer,
Les flambeaux de l'hymen viennent de s'allumer.
Pauline, sans raison dans la douleur plongée,
Craint et croit déjà voir ma mort qu'elle a songée;
Elle oppose ses pleurs au dessein que je fais,
Et tâche à l'empêcher de sortir du palais.
Je méprise sa crainte, et je cède à ses larmes,
Elle me fait pitié sans me donner d'alarmes,
Et mon coeur, attendri sans être intimidé,
N'ose déplaire aux yeux dont il est possédé.
L'occasion, Néarque, est-elle si pressante
Qu'il faille être insensible aux soupirs d'une amante?
Par un peu de remise épargnons son ennui,
Pour faire en plein repos ce qu'il trouble aujourd'hui.
Néarque
Avez-vous cependant une pleine assurance
D'avoir assez de vie ou de persévérance?
Et Dieu, qui tient votre âme et vos jours dans sa main,
Promet-il à vos voeux de le pouvoir demain?
Il est toujours tout juste et tout bon, mais sa grâce
Ne descend pas toujours avec même efficace.
Après certains moments que perdent nos longueurs,
Elle quitte ces traits qui pénètrent les coeurs;
Le nôtre s'endurcit, la repousse, l'égare;
Le bras qui la versait en devient plus avare,
Et cette sainte ardeur qui doit porter au bien
Tombe plus rarement, ou n'opère plus rien.
Celle qui vous pressait de courir au baptême,
Languissante déjà, cesse d'être la même,
Et pour quelques soupirs qu'on vous a fait ouïr,
Sa flamme se dissipe et va s'évanouir.
Polyeucte
Vous me connaissez mal: la même ardeur me brûle,
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule.
Ces pleurs, que je regarde avec un oeil d'époux,
Me laissent dans le coeur aussi chrétien que vous.
Mais pour en recevoir le sacré caractère
Qui lave nos forfaits dans une eau salutaire,
Et qui, purgeant notre âme et dessillant nos yeux,
Nous rend le premier droit que nous avions aux cieux,
Bien que je le préfère aux grandeurs d'un empire,
Comme le bien suprême et le seul où j'aspire,
Je crois, pour satisfaire un juste et saint amour,
Pouvoir un peu remettre, et différer d'un jour.