Author: | Pierre Corneille | ISBN: | 1230000229300 |
Publisher: | Pierre Corneille | Publication: | March 30, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre Corneille |
ISBN: | 1230000229300 |
Publisher: | Pierre Corneille |
Publication: | March 30, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
ACTE I , SCENE PREMIERE .
Albin.
Votre amitié, seigneur, me rendra téméraire :
j' en abuse, et je sais que je vais vous déplaire,
que vous condamnerez ma curiosité ;
mais je croirois vous faire une infidélité,
si je vous cachois rien de ce que j' entends dire
de votre amour nouveau sous ce nouvel empire.
On s' étonne de voir qu' un homme tel qu' Othon,
Othon, dont les hauts faits soutiennent le grand nom,
daigne d' un Vinius se réduire à la fille,
s' attache à ce consul, qui ravage, qui pille,
qui peut tout, je l' avoue, auprès de l' empereur,
mais dont tout le pouvoir ne sert qu' à faire horreur,
et détruit, d' autant plus que plus on le voit croître,
ce que l' on doit d' amour aux vertus de son maître.
Othon.
Ceux qu' on voit s' étonner de ce nouvel amour
n' ont jamais bien conçu ce que c' est que la cour.
Un homme tel que moi jamais ne s' en détache ;
il n' est point de retraite ou d' ombre qui le cache ;
et si du souverain la faveur n' est pour lui,
il faut, ou qu' il périsse, ou qu' il prenne un appui.
Quand le monarque agit par sa propre conduite,
mes pareils sans péril se rangent à sa suite :
le mérite et le sang nous y font discerner ;
mais quand le potentat se laisse gouverner,
et que de son pouvoir les grands dépositaires
n' ont pour raison d' état que leurs propres affaires,
ces lâches ennemis de tous les gens de coeur
cherchent à nous pousser avec toute rigueur,
à moins que notre adroite et prompte servitude
nous dérobe aux fureurs de leur inquiétude.
Sitôt que de Galba le sénat eut fait choix,
dans mon gouvernement j' en établis les lois,
et je fus le premier qu' on vit au nouveau prince
donner toute une armée et toute une province :
ainsi je me comptois de ses premiers suivants.
Mais déjà Vinius avoit pris les devants ;
Martian l' affranchi, dont tu vois les pillages,
avoit avec Lacus fermé tous les passages :
on n' approchoit de lui que sous leur bon plaisir.
J' eus donc pour m' y produire un des trois à choisir.
Je les voyois tous trois se hâter sous un maître
qui, chargé d' un long âge, a peu de temps à l' être,
et tous trois à l' envi s' empresser ardemment
à qui dévoreroit ce règne d' un moment.
J' eus horreur des appuis qui restoient seuls à prendre,
j' espérai quelque temps de m' en pouvoir défendre ;
mais quand Nymphidius, dans Rome assassiné,
fit place au favori qui l' avoit condamné,
que Lacus, par sa mort, fut préfet du prétoire,
que pour couronnement d' une action si noire
les mêmes assassins furent encor percer.
Varron, Turpilian, Capiton, et Macer,
je vis qu' il étoit temps de prendre mes mesures,
qu' on perdoit de Néron toutes les créatures,
et que demeuré seul de toute cette cour,
à moins d' un protecteur j' aurois bientôt mon tour.
Je choisis Vinius dans cette défiance ;
pour plus de sûreté j' en cherchai l' alliance.
Les autres n' ont ni soeur ni fille à me donner ;
et d' eux sans ce grand noeud tout est à soupçonner.
EXTRAIT:
ACTE I , SCENE PREMIERE .
Albin.
Votre amitié, seigneur, me rendra téméraire :
j' en abuse, et je sais que je vais vous déplaire,
que vous condamnerez ma curiosité ;
mais je croirois vous faire une infidélité,
si je vous cachois rien de ce que j' entends dire
de votre amour nouveau sous ce nouvel empire.
On s' étonne de voir qu' un homme tel qu' Othon,
Othon, dont les hauts faits soutiennent le grand nom,
daigne d' un Vinius se réduire à la fille,
s' attache à ce consul, qui ravage, qui pille,
qui peut tout, je l' avoue, auprès de l' empereur,
mais dont tout le pouvoir ne sert qu' à faire horreur,
et détruit, d' autant plus que plus on le voit croître,
ce que l' on doit d' amour aux vertus de son maître.
Othon.
Ceux qu' on voit s' étonner de ce nouvel amour
n' ont jamais bien conçu ce que c' est que la cour.
Un homme tel que moi jamais ne s' en détache ;
il n' est point de retraite ou d' ombre qui le cache ;
et si du souverain la faveur n' est pour lui,
il faut, ou qu' il périsse, ou qu' il prenne un appui.
Quand le monarque agit par sa propre conduite,
mes pareils sans péril se rangent à sa suite :
le mérite et le sang nous y font discerner ;
mais quand le potentat se laisse gouverner,
et que de son pouvoir les grands dépositaires
n' ont pour raison d' état que leurs propres affaires,
ces lâches ennemis de tous les gens de coeur
cherchent à nous pousser avec toute rigueur,
à moins que notre adroite et prompte servitude
nous dérobe aux fureurs de leur inquiétude.
Sitôt que de Galba le sénat eut fait choix,
dans mon gouvernement j' en établis les lois,
et je fus le premier qu' on vit au nouveau prince
donner toute une armée et toute une province :
ainsi je me comptois de ses premiers suivants.
Mais déjà Vinius avoit pris les devants ;
Martian l' affranchi, dont tu vois les pillages,
avoit avec Lacus fermé tous les passages :
on n' approchoit de lui que sous leur bon plaisir.
J' eus donc pour m' y produire un des trois à choisir.
Je les voyois tous trois se hâter sous un maître
qui, chargé d' un long âge, a peu de temps à l' être,
et tous trois à l' envi s' empresser ardemment
à qui dévoreroit ce règne d' un moment.
J' eus horreur des appuis qui restoient seuls à prendre,
j' espérai quelque temps de m' en pouvoir défendre ;
mais quand Nymphidius, dans Rome assassiné,
fit place au favori qui l' avoit condamné,
que Lacus, par sa mort, fut préfet du prétoire,
que pour couronnement d' une action si noire
les mêmes assassins furent encor percer.
Varron, Turpilian, Capiton, et Macer,
je vis qu' il étoit temps de prendre mes mesures,
qu' on perdoit de Néron toutes les créatures,
et que demeuré seul de toute cette cour,
à moins d' un protecteur j' aurois bientôt mon tour.
Je choisis Vinius dans cette défiance ;
pour plus de sûreté j' en cherchai l' alliance.
Les autres n' ont ni soeur ni fille à me donner ;
et d' eux sans ce grand noeud tout est à soupçonner.