Les Prisons de Paris : Mazas, Saint-Lazare, La Roquette

Fiction & Literature, Classics, Historical
Cover of the book Les Prisons de Paris : Mazas, Saint-Lazare, La Roquette by Maxime Du Camp, Maxime Du Camp
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Author: Maxime Du Camp ISBN: 1230000770033
Publisher: Maxime Du Camp Publication: November 10, 2015
Imprint: Language: French
Author: Maxime Du Camp
ISBN: 1230000770033
Publisher: Maxime Du Camp
Publication: November 10, 2015
Imprint:
Language: French

EXTRAIT:

Sur la façade des prisons que les Génois avaient fait construire, on lisait le mot libertà. Ce n’était point là, comme on pourrait le croire, une inscription ironique. Cela signifiait simplement que l’emprisonnement des malfaiteurs assure la liberté des honnêtes gens. Les prisons d’aujourd’hui ne ressemblent pas plus aux prisons d’autrefois que la justice des temps passés ne ressemble à celle de notre temps, et, quoiqu’il reste encore bien des progrès à faire, ceux qui lentement et trop parcimonieusement ont été accomplis sont déjà considérables. La liberté individuelle, garantie par une série de lois intelligentes, n’est plus à la merci du bon plaisir ; les lettres de cachet ont disparu dans les premiers jours de la révolution, pas sitôt qu’on le croit cependant, car la dernière dont on ait gardé le souvenir fut lancée par le roi en 1790 contre un nommé Fontalard, qui fut enfermé au grand hôpital. Ce n’était point seulement pour causes politiques que des détentions arbitraires étaient indéfiniment prolongées, les causes criminelles n’étaient point mieux traitées, et les prisonniers qui aspiraient au jour de la délivrance fixé par le jugement même dont ils avaient été frappés comptaient souvent plusieurs années avant de voir s’ouvrir devant eux la porte des geôles où ils croupissaient. Pour conserver en dehors de tout droit les « gens de force » à bord des galères, on invoquait la raison d’état ; la marine manquait de bras, et il fallait lui en fournir. Colbert, malgré, la grande renommée qu’il a conservée, fut un de ces durs partisans d’iniquité qui, réfractaires à l’idée de justice, maintenaient sous le bâton de la chiourme de misérables contrebandiers, de pauvres faux saulniers dont la peine était expirée depuis longtemps. Les documens officiels abondent, et prouvent que ces erreurs volontaires rentraient dans un système préconçu. Un état du 4 août 1674 démontre que, sur 103 forçats libérés parce qu’ils sont invalides, 22 « avaient servi de quinze à vingt ans au-delà de leur condamnation [1]. » En cela, Colbert suivait une tradition léguée par les rois de France. Henri IV lui-même, le roi « de la poule au pot, » par lettres patentes du 6 juin 1606, recommandait de garder les forçats pendant six ans, « nonobstant que les arrests fussent prononcés pour moins de temps. »

 

[1] Pierre Clément, la Police sous Louis XIV, 242 et passim.

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EXTRAIT:

Sur la façade des prisons que les Génois avaient fait construire, on lisait le mot libertà. Ce n’était point là, comme on pourrait le croire, une inscription ironique. Cela signifiait simplement que l’emprisonnement des malfaiteurs assure la liberté des honnêtes gens. Les prisons d’aujourd’hui ne ressemblent pas plus aux prisons d’autrefois que la justice des temps passés ne ressemble à celle de notre temps, et, quoiqu’il reste encore bien des progrès à faire, ceux qui lentement et trop parcimonieusement ont été accomplis sont déjà considérables. La liberté individuelle, garantie par une série de lois intelligentes, n’est plus à la merci du bon plaisir ; les lettres de cachet ont disparu dans les premiers jours de la révolution, pas sitôt qu’on le croit cependant, car la dernière dont on ait gardé le souvenir fut lancée par le roi en 1790 contre un nommé Fontalard, qui fut enfermé au grand hôpital. Ce n’était point seulement pour causes politiques que des détentions arbitraires étaient indéfiniment prolongées, les causes criminelles n’étaient point mieux traitées, et les prisonniers qui aspiraient au jour de la délivrance fixé par le jugement même dont ils avaient été frappés comptaient souvent plusieurs années avant de voir s’ouvrir devant eux la porte des geôles où ils croupissaient. Pour conserver en dehors de tout droit les « gens de force » à bord des galères, on invoquait la raison d’état ; la marine manquait de bras, et il fallait lui en fournir. Colbert, malgré, la grande renommée qu’il a conservée, fut un de ces durs partisans d’iniquité qui, réfractaires à l’idée de justice, maintenaient sous le bâton de la chiourme de misérables contrebandiers, de pauvres faux saulniers dont la peine était expirée depuis longtemps. Les documens officiels abondent, et prouvent que ces erreurs volontaires rentraient dans un système préconçu. Un état du 4 août 1674 démontre que, sur 103 forçats libérés parce qu’ils sont invalides, 22 « avaient servi de quinze à vingt ans au-delà de leur condamnation [1]. » En cela, Colbert suivait une tradition léguée par les rois de France. Henri IV lui-même, le roi « de la poule au pot, » par lettres patentes du 6 juin 1606, recommandait de garder les forçats pendant six ans, « nonobstant que les arrests fussent prononcés pour moins de temps. »

 

[1] Pierre Clément, la Police sous Louis XIV, 242 et passim.

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