Les Mystères de Paris Tome III et IV

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Les Mystères de Paris Tome III et IV by EUGÈNE SUE, GILBERT TEROL
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Author: EUGÈNE SUE ISBN: 1230000232949
Publisher: GILBERT TEROL Publication: April 13, 2014
Imprint: Language: French
Author: EUGÈNE SUE
ISBN: 1230000232949
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: April 13, 2014
Imprint:
Language: French

Cinq heures sonnaient à l’église du petit village de Bouqueval ; le froid était vif, le ciel clair ; le soleil s’abaissant lentement derrière les grands bois effeuillés qui couronnent les hauteurs d’Écouen, empourprait l’horizon, et jetait ses rayons pâles et obliques sur les vastes plaines durcies par la gelée.

Aux champs, chaque saison offre presque toujours des aspects charmants.

Tantôt la neige éblouissante change la campagne en d’immenses paysages d’albâtre qui déploient leurs splendeurs immaculées sur un ciel d’un gris rose.

Alors, quelquefois à la brune, gravissant la colline ou descendant la vallée, le fermier attardé rentre au logis : cheval, manteau, chapeau, tout est couvert de neige ; âpre est la froidure, glaciale est la bise, sombre est la nuit qui s’avance ; mais là-bas, là-bas, au milieu des arbres dépouillés, les petites fenêtres de la ferme sont gaiement éclairées ; sa haute cheminée de briques jette au ciel une épaisse colonne de fumée qui dit au métayer qu’on attend : foyer pétillant, souper rustique ; puis après, veillée babillarde, nuit paisible et chaude, pendant que le vent siffle au dehors et que les chiens des métairies éparses dans la plaine aboient et se répondent au loin.

Tantôt, dès le matin, le givre suspend aux arbres ses girandoles de cristal que le soleil d’hiver fait scintiller de l’éclat diamanté du prisme ; la terre de labour humide et grasse est creusée de longs sillons où gîte le lièvre fauve, où courent allègrement les perdrix grises.

Çà et là on entend le tintement mélancolique de la clochette du maître-bélier d’un grand troupeau de moutons répandu sur les pentes vertes et gazonnées des chemins creux ; pendant que, bien enveloppé de sa mante grise à raies noires, le berger, assis au pied d’un arbre, chante en tressant un panier de joncs.

Quelquefois la scène s’anime : l’écho renvoie les sons affaiblis du cor et les cris de la meute ; un daim effaré franchit tout à coup la lisière de la forêt, débouche dans la plaine en fuyant d’effroi, et va se perdre à l’horizon au milieu d’autres taillis.

Les trompes, les aboiements se rapprochent ; des chiens blancs et orangés sortent à leur tour de la futaie ; ils courent sur la terre brune, ils courent sur les guérets en friche ; le nez collé à la voie, ils suivent, en criant, les traces du daim. À leur suite viennent les chasseurs vêtus de rouge, courbés sur l’encolure de leurs chevaux rapides ; ils animent la meute à cors et à cris ! Ce tourbillon éclatant passe comme la foudre ; le bruit s’amoindrit, peu à peu tout se tait, chiens, chevaux, chasseurs disparaissent au loin dans le bois où s’est réfugié le daim.

Alors le calme renaît, alors le profond silence des grandes plaines, la tranquillité des grands horizons ne sont plus interrompus que par le chant monotone du berger.

Ces tableaux, ces sites champêtres abondaient aux environs du village de Bouqueval, situé, malgré sa proximité de Paris, dans une sorte de désert auquel on ne pouvait arriver que par des chemins de traverse.

Cachée pendant l’été au milieu des arbres, comme un nid dans le feuillage, la ferme où était retirée la Goualeuse apparaissait alors tout entière et sans voile de verdure.

Le cours de la petite rivière, glacée par le froid, ressemblait à un long ruban d’argent mal déroulé au milieu des prés toujours verts, à travers lesquels de belles vaches paissaient lentement en regagnant leur étable. Ramenées par les approches du soir, des volées de pigeons s’abattaient successivement sur le faîte aigu du colombier ; les noyers immenses qui, pendant l’été, ombrageaient la cour et les bâtiments de la ferme, alors dépouillés de leurs feuilles, laissaient voir les toits de tuiles et de chaume veloutés de mousse couleur d’émeraude.

Une lourde charrette, traînée par trois chevaux vigoureux, trapus, à crinière épaisse, à robe lustrée, aux colliers bleus garnis de grelots et de houppes de laine rouge, rapportait des gerbes de blé provenant d’une des meules de la plaine. Cette pesante voiture arrivait dans la cour par la porte charretière, tandis qu’un nombreux troupeau de moutons se pressait à l’une des entrées latérales.

Bêtes et gens semblaient impatients d’échapper à la froidure de la nuit et de goûter les douceurs du repos ; les chevaux hennirent joyeusement à la vue de l’écurie, les moutons bêlèrent en assiégeant la porte des chaudes bergeries, les laboureurs jetèrent un coup d’œil affamé à travers les fenêtres de la cuisine du rez-de-chaussée, où l’on préparait un souper pantagruélique.

Il régnait dans cette ferme un ordre rare, extrême, une propreté minutieuse, inaccoutumée.

Au lieu d’être couverts de boue sèche, çà et là épars et exposés aux intempéries des saisons, les herses, charrues, rouleaux et autres instruments aratoires, dont quelques-uns étaient d’invention toute nouvelle, s’alignaient, propres et peints, sous un vaste hangar où les charretiers venaient aussi ranger avec symétrie les harnais de leurs chevaux ; vaste, nette, bien plantée, la cour sablée n’offrait pas à la vue ces monceaux de fumier, ces flaques d’eau croupissante qui déparent les plus belles exploitations de la Beauce ou de la Brie ; la basse-cour, entourée d’un treillage vert, renfermait et recevait toute la gent emplumée qui rentrait le soir par une petite porte s’ouvrant sur les champs.

Sans nous appesantir sur de plus grands détails, nous dirons qu’en toutes choses cette ferme passait à bon droit dans le pays pour une ferme-modèle, autant par l’ordre qu’on y avait établi et l’excellence de son agriculture et de ses récoltes, que par le bonheur et la moralité du nombreux personnel qui faisait valoir ces terres.

Nous dirons tout à l’heure la cause de cette supériorité si prospère ; en attendant, nous conduirons le lecteur à la porte treillagée de la basse-cour, qui ne le cédait en rien à la ferme par l’élégance champêtre de ses juchoirs, de ses poulaillers et de son petit canal encaissé de pierres de roche où coulait incessamment une eau vive et limpide, alors soigneusement débarrassée des glaçons qui pouvaient l’obstruer.

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Cinq heures sonnaient à l’église du petit village de Bouqueval ; le froid était vif, le ciel clair ; le soleil s’abaissant lentement derrière les grands bois effeuillés qui couronnent les hauteurs d’Écouen, empourprait l’horizon, et jetait ses rayons pâles et obliques sur les vastes plaines durcies par la gelée.

Aux champs, chaque saison offre presque toujours des aspects charmants.

Tantôt la neige éblouissante change la campagne en d’immenses paysages d’albâtre qui déploient leurs splendeurs immaculées sur un ciel d’un gris rose.

Alors, quelquefois à la brune, gravissant la colline ou descendant la vallée, le fermier attardé rentre au logis : cheval, manteau, chapeau, tout est couvert de neige ; âpre est la froidure, glaciale est la bise, sombre est la nuit qui s’avance ; mais là-bas, là-bas, au milieu des arbres dépouillés, les petites fenêtres de la ferme sont gaiement éclairées ; sa haute cheminée de briques jette au ciel une épaisse colonne de fumée qui dit au métayer qu’on attend : foyer pétillant, souper rustique ; puis après, veillée babillarde, nuit paisible et chaude, pendant que le vent siffle au dehors et que les chiens des métairies éparses dans la plaine aboient et se répondent au loin.

Tantôt, dès le matin, le givre suspend aux arbres ses girandoles de cristal que le soleil d’hiver fait scintiller de l’éclat diamanté du prisme ; la terre de labour humide et grasse est creusée de longs sillons où gîte le lièvre fauve, où courent allègrement les perdrix grises.

Çà et là on entend le tintement mélancolique de la clochette du maître-bélier d’un grand troupeau de moutons répandu sur les pentes vertes et gazonnées des chemins creux ; pendant que, bien enveloppé de sa mante grise à raies noires, le berger, assis au pied d’un arbre, chante en tressant un panier de joncs.

Quelquefois la scène s’anime : l’écho renvoie les sons affaiblis du cor et les cris de la meute ; un daim effaré franchit tout à coup la lisière de la forêt, débouche dans la plaine en fuyant d’effroi, et va se perdre à l’horizon au milieu d’autres taillis.

Les trompes, les aboiements se rapprochent ; des chiens blancs et orangés sortent à leur tour de la futaie ; ils courent sur la terre brune, ils courent sur les guérets en friche ; le nez collé à la voie, ils suivent, en criant, les traces du daim. À leur suite viennent les chasseurs vêtus de rouge, courbés sur l’encolure de leurs chevaux rapides ; ils animent la meute à cors et à cris ! Ce tourbillon éclatant passe comme la foudre ; le bruit s’amoindrit, peu à peu tout se tait, chiens, chevaux, chasseurs disparaissent au loin dans le bois où s’est réfugié le daim.

Alors le calme renaît, alors le profond silence des grandes plaines, la tranquillité des grands horizons ne sont plus interrompus que par le chant monotone du berger.

Ces tableaux, ces sites champêtres abondaient aux environs du village de Bouqueval, situé, malgré sa proximité de Paris, dans une sorte de désert auquel on ne pouvait arriver que par des chemins de traverse.

Cachée pendant l’été au milieu des arbres, comme un nid dans le feuillage, la ferme où était retirée la Goualeuse apparaissait alors tout entière et sans voile de verdure.

Le cours de la petite rivière, glacée par le froid, ressemblait à un long ruban d’argent mal déroulé au milieu des prés toujours verts, à travers lesquels de belles vaches paissaient lentement en regagnant leur étable. Ramenées par les approches du soir, des volées de pigeons s’abattaient successivement sur le faîte aigu du colombier ; les noyers immenses qui, pendant l’été, ombrageaient la cour et les bâtiments de la ferme, alors dépouillés de leurs feuilles, laissaient voir les toits de tuiles et de chaume veloutés de mousse couleur d’émeraude.

Une lourde charrette, traînée par trois chevaux vigoureux, trapus, à crinière épaisse, à robe lustrée, aux colliers bleus garnis de grelots et de houppes de laine rouge, rapportait des gerbes de blé provenant d’une des meules de la plaine. Cette pesante voiture arrivait dans la cour par la porte charretière, tandis qu’un nombreux troupeau de moutons se pressait à l’une des entrées latérales.

Bêtes et gens semblaient impatients d’échapper à la froidure de la nuit et de goûter les douceurs du repos ; les chevaux hennirent joyeusement à la vue de l’écurie, les moutons bêlèrent en assiégeant la porte des chaudes bergeries, les laboureurs jetèrent un coup d’œil affamé à travers les fenêtres de la cuisine du rez-de-chaussée, où l’on préparait un souper pantagruélique.

Il régnait dans cette ferme un ordre rare, extrême, une propreté minutieuse, inaccoutumée.

Au lieu d’être couverts de boue sèche, çà et là épars et exposés aux intempéries des saisons, les herses, charrues, rouleaux et autres instruments aratoires, dont quelques-uns étaient d’invention toute nouvelle, s’alignaient, propres et peints, sous un vaste hangar où les charretiers venaient aussi ranger avec symétrie les harnais de leurs chevaux ; vaste, nette, bien plantée, la cour sablée n’offrait pas à la vue ces monceaux de fumier, ces flaques d’eau croupissante qui déparent les plus belles exploitations de la Beauce ou de la Brie ; la basse-cour, entourée d’un treillage vert, renfermait et recevait toute la gent emplumée qui rentrait le soir par une petite porte s’ouvrant sur les champs.

Sans nous appesantir sur de plus grands détails, nous dirons qu’en toutes choses cette ferme passait à bon droit dans le pays pour une ferme-modèle, autant par l’ordre qu’on y avait établi et l’excellence de son agriculture et de ses récoltes, que par le bonheur et la moralité du nombreux personnel qui faisait valoir ces terres.

Nous dirons tout à l’heure la cause de cette supériorité si prospère ; en attendant, nous conduirons le lecteur à la porte treillagée de la basse-cour, qui ne le cédait en rien à la ferme par l’élégance champêtre de ses juchoirs, de ses poulaillers et de son petit canal encaissé de pierres de roche où coulait incessamment une eau vive et limpide, alors soigneusement débarrassée des glaçons qui pouvaient l’obstruer.

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