Les Forestiers du Michigan

Fiction & Literature, Action Suspense
Cover of the book Les Forestiers du Michigan by Aimard Gustave, YADE
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Author: Aimard Gustave ISBN: 1230001624168
Publisher: YADE Publication: April 4, 2017
Imprint: Language: French
Author: Aimard Gustave
ISBN: 1230001624168
Publisher: YADE
Publication: April 4, 2017
Imprint:
Language: French


l’hospitalité au désert

Il faisait nuit dans le désert ! une nuit de tempête, de sombre horreur ! une nuit de mort !

C’était aux époques légendaires de la jeune Amérique antérieurement à ses luttes glorieuses pour l’Indépendance ; bien avant que la civilisation eût abordé les profondeurs de ses forêts immenses, solitaires, mystérieuses.

L’hiver était sur son déclin ; depuis vingt-quatre heures la neige tombait sans relâche. Ses grands flocons blafards flottaient indécis dans l’atmosphère, au gré des rafales, et s’abattaient silencieusement sur le blanc linceul qui couvrait la terre. Toutes les formes des arbres, des pierres, des monticules de terrain, étaient émoussées, arrondies, nivelées avec une uniformité sépulcrale ; on aurait dit la vallée de Josaphat où dormaient sous leur suaire immense, les morts, les vieux morts des générations éteintes.

La solitude s’épanouissait dans toute sa muette et frissonnante horreur ; la solitude… peuplée de fantômes qu’on sent, mais qu’on ne peut ni voir ni entendre.

Par cette nuit désolée, un être vivant s’agitait dans l’intérieur des forêts qui couvraient toute la région méridionale proche du lac Érié.

Cette créature isolée avait forme humaine ; elle trahissait son existence par le mouvement pénible et monotone de ses pieds qui gravissaient la neige pour s’enfoncer,… la gravissaient de nouveau pour s’y enfoncer encore.

C’était Basil Veghte, le robuste Yankee, l’homme de bronze, le forestier aux muscles d’acier, à la volonté indomptable. C’était l’arrière petit-fils de la vieille Europe, naturalisé fils du désert.

Depuis douze heures, il luttait contre la tempête avec la force opiniâtre du buffle et la sagacité de la panthère. Il faut avoir essuyé bien des orages, pour se lancer ainsi en pleine forêt lorsque toute voie a disparu, lorsque sous le voile épais des frimas la bête fauve elle-même ne retrouverait plus sa piste.

Cependant Veghte n’avait pas même songé au péril ; l’idée lui était venue de traverser la forêt, il s’était mis en route, et il l’avait traversée.

À la fin, il trouva bon de faire halte sous un arbre immense dont les rameaux épais lui offraient un abri sûr.

Pendant quelques instants il resta immobile et attentif, comme s’il eût épié quelque bruit lointain. Mais rien ne troublait l’effrayant silence du désert, si ce n’étaient les mugissements intermittents des rafales, et le sourd grondement du lac Érié.

Alors il secoua la neige collée à sa carabine, l’appuya contre l’arbre avec précaution ensuite il battit le sol de ses pieds avec une telle vigueur, que bientôt il eut aplani autour de lui une circonférence respectable.

Cette première opération accomplie, il amoncela des broussailles en forme de bûcher, y entrelaça savamment des branches sèches de toutes les grosseurs enfin il entreprit la tâche d’allumer du feu, à la manière indienne ; tâche difficile et délicate à cause de l’humidité extrême de la température.

Mais, en homme de précaution, il était muni : deux morceaux de bois durs et secs étaient soigneusement enfermés dans sa gibecière. Il les sortit, en planta un dans la terre, – celui-là portait un trou à son extrémité supérieure – prit entre ses deux mains l’autre qui était pointu, et le fit rouler dans le morceau creux avec une rapidité excessive.

Quelques instants après, le contact et le frottement avaient échauffé les deux morceaux de cet instrument primitif ; une poussière embrasée en jaillit comme un tourbillon ; les feuilles demi-sèches fumèrent, flambèrent, et le feu fut allumé.

Bientôt les joyeuses lueurs du brasier illuminant le bois, y découpèrent de fantastiques silhouettes ; Veghte s’installa sur un nœud saillant du gros arbre, les pieds contre le foyer, fumant sa pipe avec béatitude.

Qu’un bon bourgeois parisien de la rue Saint-Anastase ou de la rue Saint-Paul se figure un pareil coin de feu pour sa nuit !… il se croirait perdu. Basil Veghte était content.

— Voilà un cuisant orage, murmura-t-il tranquillement en secouant dans le feu la neige attachée à ses guêtres j’aurais, tout de même, bien pu continuer ma marche jusqu’au matin mais, à quoi bon ? J’arriverai toujours assez tôt au fort. Christie n’est pas particulièrement pressé de me voir ; s’il tient à me rencontrer plus tôt, rien ne l’empêche de venir au-devant de moi.

À ce moment, l’oreille exercée du chasseur saisit au vol le bruit d’une sourde détonation qui traversait l’air sur l’aile de la tempête.

Ah le canon du fort ! Il est réveillé tard cette nuit : dans tous les cas, c’est marque que tout va bien, et je puis faire un bon somme. Depuis si longtemps que j’étais en route, je commençais à craindre de m’être égaré ; mais ce petit mot d’amitié me fait voir que je me suis bien tiré d’affaire ; me voici justement où je pensais être : tout va bien.

Notre homme tira méditativement quelques épaisses bouffées de sa pipe, et se dorlota pendant plusieurs minutes à la chaleur du feu. Après cette concession faite au far-niente, il tourna la tête et jeta autour de lui un regard investigateur qui cherchait à vaincre les ténèbres.

– Bah ! il n’y a personne dehors par une nuit semblable, reprit-il en présentant son dos à la flamme bienfaisante ; Pontiac lui-même ne me dépisterait pas et je suppose qu’il n’aurait pas même la tentation de venir rôder autour de moi, quand il saurait où je suis… Pourtant le vieux drôle aimerait mettre la main sur moi.

Basil se sourit à lui-même avec une nuance de satisfaction orgueilleuse.

— À tout hasard, voyons un peu comment se porte Doux-Amour, continua-t-il en prenant son fusil pour l’examiner.

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l’hospitalité au désert

Il faisait nuit dans le désert ! une nuit de tempête, de sombre horreur ! une nuit de mort !

C’était aux époques légendaires de la jeune Amérique antérieurement à ses luttes glorieuses pour l’Indépendance ; bien avant que la civilisation eût abordé les profondeurs de ses forêts immenses, solitaires, mystérieuses.

L’hiver était sur son déclin ; depuis vingt-quatre heures la neige tombait sans relâche. Ses grands flocons blafards flottaient indécis dans l’atmosphère, au gré des rafales, et s’abattaient silencieusement sur le blanc linceul qui couvrait la terre. Toutes les formes des arbres, des pierres, des monticules de terrain, étaient émoussées, arrondies, nivelées avec une uniformité sépulcrale ; on aurait dit la vallée de Josaphat où dormaient sous leur suaire immense, les morts, les vieux morts des générations éteintes.

La solitude s’épanouissait dans toute sa muette et frissonnante horreur ; la solitude… peuplée de fantômes qu’on sent, mais qu’on ne peut ni voir ni entendre.

Par cette nuit désolée, un être vivant s’agitait dans l’intérieur des forêts qui couvraient toute la région méridionale proche du lac Érié.

Cette créature isolée avait forme humaine ; elle trahissait son existence par le mouvement pénible et monotone de ses pieds qui gravissaient la neige pour s’enfoncer,… la gravissaient de nouveau pour s’y enfoncer encore.

C’était Basil Veghte, le robuste Yankee, l’homme de bronze, le forestier aux muscles d’acier, à la volonté indomptable. C’était l’arrière petit-fils de la vieille Europe, naturalisé fils du désert.

Depuis douze heures, il luttait contre la tempête avec la force opiniâtre du buffle et la sagacité de la panthère. Il faut avoir essuyé bien des orages, pour se lancer ainsi en pleine forêt lorsque toute voie a disparu, lorsque sous le voile épais des frimas la bête fauve elle-même ne retrouverait plus sa piste.

Cependant Veghte n’avait pas même songé au péril ; l’idée lui était venue de traverser la forêt, il s’était mis en route, et il l’avait traversée.

À la fin, il trouva bon de faire halte sous un arbre immense dont les rameaux épais lui offraient un abri sûr.

Pendant quelques instants il resta immobile et attentif, comme s’il eût épié quelque bruit lointain. Mais rien ne troublait l’effrayant silence du désert, si ce n’étaient les mugissements intermittents des rafales, et le sourd grondement du lac Érié.

Alors il secoua la neige collée à sa carabine, l’appuya contre l’arbre avec précaution ensuite il battit le sol de ses pieds avec une telle vigueur, que bientôt il eut aplani autour de lui une circonférence respectable.

Cette première opération accomplie, il amoncela des broussailles en forme de bûcher, y entrelaça savamment des branches sèches de toutes les grosseurs enfin il entreprit la tâche d’allumer du feu, à la manière indienne ; tâche difficile et délicate à cause de l’humidité extrême de la température.

Mais, en homme de précaution, il était muni : deux morceaux de bois durs et secs étaient soigneusement enfermés dans sa gibecière. Il les sortit, en planta un dans la terre, – celui-là portait un trou à son extrémité supérieure – prit entre ses deux mains l’autre qui était pointu, et le fit rouler dans le morceau creux avec une rapidité excessive.

Quelques instants après, le contact et le frottement avaient échauffé les deux morceaux de cet instrument primitif ; une poussière embrasée en jaillit comme un tourbillon ; les feuilles demi-sèches fumèrent, flambèrent, et le feu fut allumé.

Bientôt les joyeuses lueurs du brasier illuminant le bois, y découpèrent de fantastiques silhouettes ; Veghte s’installa sur un nœud saillant du gros arbre, les pieds contre le foyer, fumant sa pipe avec béatitude.

Qu’un bon bourgeois parisien de la rue Saint-Anastase ou de la rue Saint-Paul se figure un pareil coin de feu pour sa nuit !… il se croirait perdu. Basil Veghte était content.

— Voilà un cuisant orage, murmura-t-il tranquillement en secouant dans le feu la neige attachée à ses guêtres j’aurais, tout de même, bien pu continuer ma marche jusqu’au matin mais, à quoi bon ? J’arriverai toujours assez tôt au fort. Christie n’est pas particulièrement pressé de me voir ; s’il tient à me rencontrer plus tôt, rien ne l’empêche de venir au-devant de moi.

À ce moment, l’oreille exercée du chasseur saisit au vol le bruit d’une sourde détonation qui traversait l’air sur l’aile de la tempête.

Ah le canon du fort ! Il est réveillé tard cette nuit : dans tous les cas, c’est marque que tout va bien, et je puis faire un bon somme. Depuis si longtemps que j’étais en route, je commençais à craindre de m’être égaré ; mais ce petit mot d’amitié me fait voir que je me suis bien tiré d’affaire ; me voici justement où je pensais être : tout va bien.

Notre homme tira méditativement quelques épaisses bouffées de sa pipe, et se dorlota pendant plusieurs minutes à la chaleur du feu. Après cette concession faite au far-niente, il tourna la tête et jeta autour de lui un regard investigateur qui cherchait à vaincre les ténèbres.

– Bah ! il n’y a personne dehors par une nuit semblable, reprit-il en présentant son dos à la flamme bienfaisante ; Pontiac lui-même ne me dépisterait pas et je suppose qu’il n’aurait pas même la tentation de venir rôder autour de moi, quand il saurait où je suis… Pourtant le vieux drôle aimerait mettre la main sur moi.

Basil se sourit à lui-même avec une nuance de satisfaction orgueilleuse.

— À tout hasard, voyons un peu comment se porte Doux-Amour, continua-t-il en prenant son fusil pour l’examiner.

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