LES DESIRS DE JEAN SERVIEN

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book LES DESIRS DE JEAN SERVIEN by ANATOLE FRANCE, GILBERT TEROL
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Author: ANATOLE FRANCE ISBN: 1230000211818
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 22, 2014
Imprint: Language: French
Author: ANATOLE FRANCE
ISBN: 1230000211818
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 22, 2014
Imprint:
Language: French

Jean Servien naquit dans une arrière-boutique de la rue Notre-Dame-des-Champs. Son père était relieur et travaillait pour les couvents. Jean fut un petit enfant chétif que sa mère nourrissait tout en cousant les livres, feuille à feuille, avec l’aiguille courbe. Un jour qu’elle traversait la boutique en chantonnant une romance dont les paroles exprimaient pour elle la splendeur confuse des ambitions maternelles, le pied lui glissa sur le carreau humide de colle.

Elle leva instinctivement le bras pour protéger l’enfant qu’elle tenait contre son sein, et, de sa poitrine découverte, heurta rudement l’angle de fonte de la presse. Elle ne sentit pas d’abord une très vive douleur, mais il lui vint au sein un abcès qui se ferma et se rouvrit, puis une fièvre hectique qui l’étendit au lit.

Là, pendant les heures infinies du soir, de son seul bras libre, elle entourait son petit enfant en lui murmurant d’un souffle embrasé quelques lambeaux de sa chère romance :

Comme un pêcheur, quand l’aube est près d’éclore,Vient épier le réveil de l’aurore… Elle aimait surtout le refrain régulier et changeant dont elle berçait son Jean qui devenait tour à tour, au gré de la chanson, général, avocat et « lévite » en espérance.

En femme du peuple qui ne connaissait les hautes fonctions sociales que par quelques éclats de leur pompe extérieure et par les révélations informes des portiers, des valets et des cuisinières, elle rêvait son fils à vingt ans plus beau qu’un archange et couvert de décorations, dans un salon plein de fleurs, au milieu de femmes du monde ayant toutes d’aussi bonnes manières que les actrices du Gymnase :

En attendant, sur mes genoux,Beau cavalier, endormez-vous. Puis elle contemplait ce même fils, debout cette fois dans le prétoire, l’hermine à l’épaule, sauvant par son éloquence la vie et l’honneur de quelque illustre client :

En attendant, sur mes genoux,Bel avocat, endormez-vous. Elle le voyait ensuite en brillant uniforme, dans la mitraille, sur un cheval cabré, remportant une victoire, comme ceux dont elle avait vu les portraits, un dimanche à Versailles :

En attendant, sur mes genoux,Beau général, endormez-vous. Mais quand la

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Jean Servien naquit dans une arrière-boutique de la rue Notre-Dame-des-Champs. Son père était relieur et travaillait pour les couvents. Jean fut un petit enfant chétif que sa mère nourrissait tout en cousant les livres, feuille à feuille, avec l’aiguille courbe. Un jour qu’elle traversait la boutique en chantonnant une romance dont les paroles exprimaient pour elle la splendeur confuse des ambitions maternelles, le pied lui glissa sur le carreau humide de colle.

Elle leva instinctivement le bras pour protéger l’enfant qu’elle tenait contre son sein, et, de sa poitrine découverte, heurta rudement l’angle de fonte de la presse. Elle ne sentit pas d’abord une très vive douleur, mais il lui vint au sein un abcès qui se ferma et se rouvrit, puis une fièvre hectique qui l’étendit au lit.

Là, pendant les heures infinies du soir, de son seul bras libre, elle entourait son petit enfant en lui murmurant d’un souffle embrasé quelques lambeaux de sa chère romance :

Comme un pêcheur, quand l’aube est près d’éclore,Vient épier le réveil de l’aurore… Elle aimait surtout le refrain régulier et changeant dont elle berçait son Jean qui devenait tour à tour, au gré de la chanson, général, avocat et « lévite » en espérance.

En femme du peuple qui ne connaissait les hautes fonctions sociales que par quelques éclats de leur pompe extérieure et par les révélations informes des portiers, des valets et des cuisinières, elle rêvait son fils à vingt ans plus beau qu’un archange et couvert de décorations, dans un salon plein de fleurs, au milieu de femmes du monde ayant toutes d’aussi bonnes manières que les actrices du Gymnase :

En attendant, sur mes genoux,Beau cavalier, endormez-vous. Puis elle contemplait ce même fils, debout cette fois dans le prétoire, l’hermine à l’épaule, sauvant par son éloquence la vie et l’honneur de quelque illustre client :

En attendant, sur mes genoux,Bel avocat, endormez-vous. Elle le voyait ensuite en brillant uniforme, dans la mitraille, sur un cheval cabré, remportant une victoire, comme ceux dont elle avait vu les portraits, un dimanche à Versailles :

En attendant, sur mes genoux,Beau général, endormez-vous. Mais quand la

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