Le Talisman

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Le Talisman by Walter Scott, GILBERT TEROL
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Author: Walter Scott ISBN: 1230002801506
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 6, 2018
Imprint: Language: French
Author: Walter Scott
ISBN: 1230002801506
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 6, 2018
Imprint:
Language: French

Le lecteur ne peut plus avoir de doute maintenant sur ce qu’était l’esclave éthiopien, et sur le dessein qui l’avait amené au camp de Richard. Il comprendra facilement dans quel espoir le Nubien se tenait près de la personne du monarque au moment où Cœur-de-Lion, entouré de ses vaillants barons d’Angleterre et de Normandie, était sur le sommet du mont Saint-George. Le roi avait auprès de lui la bannière d’Angleterre portée par le plus bel homme de l’armée, William Longue-Épée, comte de Salisbury, son frère naturel, fruit des amours de Henri II avec la célèbre Rosemonde de Woodstock.

D’après quelques expressions échappées au roi, le jour précédent, dans sa conversation avec Neville, le Nubien craignait que son déguisement n’eût été pénétré ; surtout parce que le roi semblait savoir que le chien serait l’agent qui découvrirait le voleur de la bannière, quoiqu’il n’eût été question que très légèrement devant Richard des blessures que l’animal avait reçues lors du vol. Cependant, comme le roi continuait de le traiter ainsi qu’il convenait à sa prétendue situation, le Nubien restait incertain s’il avait été ou non reconnu, et décidé à ne pas renoncer à son déguisement sans nécessité.

Cependant les forces des croisés, conduites par les rois ou princes qui les commandaient, s’avançaient en longues files et entouraient la base de la petite montagne. À mesure qu’un corps d’une nation différente paraissait, son chef montait d’un pas ou deux la colline, et faisait un salut de courtoisie à Richard et à la bannière d’Angleterre, « en gage d’estime et d’amitié, non de soumission et de vasselage, » comme on avait eu soin de l’exprimer dans le protocole de la cérémonie. Les dignitaires de l’Église qui, dans ces temps-là, ne se découvraient pas la tête devant des créatures, donnaient au roi et à l’emblème de sa puissance une bénédiction au lieu d’un salut.

Les troupes défilèrent ainsi ; et, toutes diminuées qu’elles fussent par diverses causes, elles formaient encore une armée formidable, à laquelle la conquête de la Palestine pouvait paraître une tâche facile. Les soldats, pleins du sentiment de force que leur donnait leur réunion, se tenaient droit sur leurs selle de fer, tandis que le son des trompettes paraissait plus joyeux et plus éclatant, et que les chevaux, rafraîchis par le repos et la nourriture, couvraient leurs mors d’écume et foulaient la terre avec plus de fierté. Ils défilaient, par corps d’armée, sans interruption ; les bannières agitées, les lances étincelantes, les plumes balancées gracieusement par le vent, formaient une longue et brillante perspective. Cette foule hétérogène, composée de nations diverses, différant entre elles par le teint, les traits, le langage et les armes, semblait alors enflammée du pieux, mais romanesque dessein, de briser les fers de la fille désolée de Sion, et de délivrer la terre sacrée du joug des infidèles païens. Et l’on doit avouer que si, dans d’autres circonstances, l’espèce d’hommage rendu au roi d’Angleterre par tant de guerriers qui n’étaient pas ses sujets, pouvait avoir quelque chose d’humiliant, cependant, la nature et la cause de la guerre étaient tellement d’accord avec son caractère vraiment chevaleresque et ses hauts faits d’armes, que des prétentions qu’on aurait pu repousser partout ailleurs, étaient oubliées dans cette occasion. Le brave rendait volontairement hommage au plus brave dans une expédition dont le courage le plus énergique pouvait seul assurer le succès.

Le bon roi était à cheval, à mi-côte à peu près de la colline ; un casque surmonté d’une couronne et la visière levée laissait ses traits mâles à découvert. D’un œil calme et froid, il examinait tous les rangs qui passaient devant lui, et rendait aux chefs leur salut. Sa tunique, de velours bleu, était couverte de plaques d’argent, et ses hauts-de-chausses, de soie cramoisie, étaient tailladés de drap d’or. À côté de lui, était l’esclave tenant en laisse son noble chien. Cette circonstance n’attirait l’attention en aucune manière ; la plupart des princes de la croisade avaient introduit des esclaves noirs dans leur maison à l’imitation de l’usage barbare des Sarrasins. Au dessus de la tête du roi, flottaient les larges plis de la bannière, et ses yeux, qui s’y portaient de temps en temps, semblaient indiquer que cette cérémonie, qu’il regardait comme indifférente pour lui-même, n’avait d’importance qu’en ce qu’elle offrait la réparation d’un outrage fait à son royaume. Derrière et sur le sommet de l’éminence, on avait élevé pour cette occasion une tour de bois qui contenait la reine Bérengère et les premières dames de sa suite. Le roi y jetait de temps en temps les yeux ; il les reportait aussi quelquefois sur le Nubien et son chien, mais seulement lorsqu’il voyait approcher des chefs que, d’après des circonstances antécédentes qui prouvaient leur malveillance, il pouvait soupçonner de complicité dans le vol de l’étendard, et qu’il jugeait capables d’une telle lâcheté.

C’est pourquoi il ne fit pas ce mouvement quand Philippe-Auguste de France s’approcha à la tête de la brillante chevalerie française ; au contraire, il alla au devant du roi de France au moment où celui-ci gravissait le mont de manière qu’ils se joignirent tous deux à moitié chemin et échangèrent leurs salutations de si bonne grâce, que leur rencontre parut avoir lieu sur un pied d’égalité fraternelle. La vue des deux plus grands princes de l’Europe en rang et en puissance, se donnant ces témoignages publics de concorde, excita dans l’armée des croisés de bruyantes acclamations qui se répétèrent pendant l’espace de plusieurs milles. Et les vedettes du désert alarmèrent le camp de Saladin, par la nouvelle que l’armée des chrétiens était en marche. Cependant, excepté le roi des rois qui peut lire dans le cœur des monarques, sous cette apparence flatteuse de courtoisie, Richard nourrissait en secret contre Philippe le mécontentement et la méfiance ; et Philippe méditait de se retirer avec ses troupes, et de laisser Richard réussir ou échouer dans son entreprise, sans autre secours que ses propres forces.

Le maintien de Richard fut différent quand les chevaliers et les écuyers du Temple, aux sombres armures, passèrent à leur tour. Ces guerriers, dont le teint, brûlé par le soleil de la Palestine, était presque aussi brun que celui des Asiatiques, étaient admirablement équipés, ainsi que leurs chevaux, et d’une manière très supérieure même aux troupes d’élite de la France et de l’Angleterre. Le roi jeta un regard rapide de côté, mais le Nubien ne bougea pas, et son chien fidèle, assis à ses pieds, contemplait d’un œil intelligent et satisfait les troupes qui défilaient devant eux. Le regard du roi se reporta donc sur les chevaliers templiers, tandis que le grand-maître, profitant de son double caractère, donna sa bénédiction à Richard, comme prêtre, au lieu de le saluer comme chef guerrier.

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Le lecteur ne peut plus avoir de doute maintenant sur ce qu’était l’esclave éthiopien, et sur le dessein qui l’avait amené au camp de Richard. Il comprendra facilement dans quel espoir le Nubien se tenait près de la personne du monarque au moment où Cœur-de-Lion, entouré de ses vaillants barons d’Angleterre et de Normandie, était sur le sommet du mont Saint-George. Le roi avait auprès de lui la bannière d’Angleterre portée par le plus bel homme de l’armée, William Longue-Épée, comte de Salisbury, son frère naturel, fruit des amours de Henri II avec la célèbre Rosemonde de Woodstock.

D’après quelques expressions échappées au roi, le jour précédent, dans sa conversation avec Neville, le Nubien craignait que son déguisement n’eût été pénétré ; surtout parce que le roi semblait savoir que le chien serait l’agent qui découvrirait le voleur de la bannière, quoiqu’il n’eût été question que très légèrement devant Richard des blessures que l’animal avait reçues lors du vol. Cependant, comme le roi continuait de le traiter ainsi qu’il convenait à sa prétendue situation, le Nubien restait incertain s’il avait été ou non reconnu, et décidé à ne pas renoncer à son déguisement sans nécessité.

Cependant les forces des croisés, conduites par les rois ou princes qui les commandaient, s’avançaient en longues files et entouraient la base de la petite montagne. À mesure qu’un corps d’une nation différente paraissait, son chef montait d’un pas ou deux la colline, et faisait un salut de courtoisie à Richard et à la bannière d’Angleterre, « en gage d’estime et d’amitié, non de soumission et de vasselage, » comme on avait eu soin de l’exprimer dans le protocole de la cérémonie. Les dignitaires de l’Église qui, dans ces temps-là, ne se découvraient pas la tête devant des créatures, donnaient au roi et à l’emblème de sa puissance une bénédiction au lieu d’un salut.

Les troupes défilèrent ainsi ; et, toutes diminuées qu’elles fussent par diverses causes, elles formaient encore une armée formidable, à laquelle la conquête de la Palestine pouvait paraître une tâche facile. Les soldats, pleins du sentiment de force que leur donnait leur réunion, se tenaient droit sur leurs selle de fer, tandis que le son des trompettes paraissait plus joyeux et plus éclatant, et que les chevaux, rafraîchis par le repos et la nourriture, couvraient leurs mors d’écume et foulaient la terre avec plus de fierté. Ils défilaient, par corps d’armée, sans interruption ; les bannières agitées, les lances étincelantes, les plumes balancées gracieusement par le vent, formaient une longue et brillante perspective. Cette foule hétérogène, composée de nations diverses, différant entre elles par le teint, les traits, le langage et les armes, semblait alors enflammée du pieux, mais romanesque dessein, de briser les fers de la fille désolée de Sion, et de délivrer la terre sacrée du joug des infidèles païens. Et l’on doit avouer que si, dans d’autres circonstances, l’espèce d’hommage rendu au roi d’Angleterre par tant de guerriers qui n’étaient pas ses sujets, pouvait avoir quelque chose d’humiliant, cependant, la nature et la cause de la guerre étaient tellement d’accord avec son caractère vraiment chevaleresque et ses hauts faits d’armes, que des prétentions qu’on aurait pu repousser partout ailleurs, étaient oubliées dans cette occasion. Le brave rendait volontairement hommage au plus brave dans une expédition dont le courage le plus énergique pouvait seul assurer le succès.

Le bon roi était à cheval, à mi-côte à peu près de la colline ; un casque surmonté d’une couronne et la visière levée laissait ses traits mâles à découvert. D’un œil calme et froid, il examinait tous les rangs qui passaient devant lui, et rendait aux chefs leur salut. Sa tunique, de velours bleu, était couverte de plaques d’argent, et ses hauts-de-chausses, de soie cramoisie, étaient tailladés de drap d’or. À côté de lui, était l’esclave tenant en laisse son noble chien. Cette circonstance n’attirait l’attention en aucune manière ; la plupart des princes de la croisade avaient introduit des esclaves noirs dans leur maison à l’imitation de l’usage barbare des Sarrasins. Au dessus de la tête du roi, flottaient les larges plis de la bannière, et ses yeux, qui s’y portaient de temps en temps, semblaient indiquer que cette cérémonie, qu’il regardait comme indifférente pour lui-même, n’avait d’importance qu’en ce qu’elle offrait la réparation d’un outrage fait à son royaume. Derrière et sur le sommet de l’éminence, on avait élevé pour cette occasion une tour de bois qui contenait la reine Bérengère et les premières dames de sa suite. Le roi y jetait de temps en temps les yeux ; il les reportait aussi quelquefois sur le Nubien et son chien, mais seulement lorsqu’il voyait approcher des chefs que, d’après des circonstances antécédentes qui prouvaient leur malveillance, il pouvait soupçonner de complicité dans le vol de l’étendard, et qu’il jugeait capables d’une telle lâcheté.

C’est pourquoi il ne fit pas ce mouvement quand Philippe-Auguste de France s’approcha à la tête de la brillante chevalerie française ; au contraire, il alla au devant du roi de France au moment où celui-ci gravissait le mont de manière qu’ils se joignirent tous deux à moitié chemin et échangèrent leurs salutations de si bonne grâce, que leur rencontre parut avoir lieu sur un pied d’égalité fraternelle. La vue des deux plus grands princes de l’Europe en rang et en puissance, se donnant ces témoignages publics de concorde, excita dans l’armée des croisés de bruyantes acclamations qui se répétèrent pendant l’espace de plusieurs milles. Et les vedettes du désert alarmèrent le camp de Saladin, par la nouvelle que l’armée des chrétiens était en marche. Cependant, excepté le roi des rois qui peut lire dans le cœur des monarques, sous cette apparence flatteuse de courtoisie, Richard nourrissait en secret contre Philippe le mécontentement et la méfiance ; et Philippe méditait de se retirer avec ses troupes, et de laisser Richard réussir ou échouer dans son entreprise, sans autre secours que ses propres forces.

Le maintien de Richard fut différent quand les chevaliers et les écuyers du Temple, aux sombres armures, passèrent à leur tour. Ces guerriers, dont le teint, brûlé par le soleil de la Palestine, était presque aussi brun que celui des Asiatiques, étaient admirablement équipés, ainsi que leurs chevaux, et d’une manière très supérieure même aux troupes d’élite de la France et de l’Angleterre. Le roi jeta un regard rapide de côté, mais le Nubien ne bougea pas, et son chien fidèle, assis à ses pieds, contemplait d’un œil intelligent et satisfait les troupes qui défilaient devant eux. Le regard du roi se reporta donc sur les chevaliers templiers, tandis que le grand-maître, profitant de son double caractère, donna sa bénédiction à Richard, comme prêtre, au lieu de le saluer comme chef guerrier.

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