Le Martyr Calviniste

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Le Martyr Calviniste by HONORE DE BALZAC, GILBERT TEROL
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Author: HONORE DE BALZAC ISBN: 1230002757483
Publisher: GILBERT TEROL Publication: October 29, 2018
Imprint: Language: French
Author: HONORE DE BALZAC
ISBN: 1230002757483
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: October 29, 2018
Imprint:
Language: French

Peu de personnes aujourd’hui savent combien étaient naïves les habitations des bourgeois de Paris au quatorzième siècle, et combien simple était leur vie. Peut-être cette simplicité d’action et de pensée a-t-elle été la cause des grandeurs de cette vieille bourgeoisie, qui fut, certes, grande, libre et noble, plus peut-être que la bourgeoisie d’aujourd’hui ; son histoire est à faire, elle demande et attend un homme de génie. Inspirée par l’incident peu connu qui forme le fond de cette Étude et qui sera l’un des plus remarquables de l’histoire de la bourgeoisie, cette réflexion arrivera sans doute sur les lèvres de tout le monde, après ce récit. Est-ce la première fois qu’en histoire la conclusion aura précédé les faits ?

En 1560, les maisons de la rue de la Vieille-Pelleterie bordaient la rive gauche de la Seine, entre le pont Notre-Dame et le Pont-au-Change. La voie publique et les maisons occupaient l’espace pris par la seule chaussée du quai actuel. Chaque maison, assise sur la Seine même, permettait aux habitants d’y descendre par les escaliers en bois ou en pierre, que défendaient de fortes grilles en fer ou des portes en bois clouté. Ces maisons avaient, comme celles de Venise, une porte en terre ferme et une porte d’eau. Au moment où cette esquisse se publie, il n’existe plus qu’une seule maison de ce genre qui puisse rappeler le vieux Paris, encore disparaîtra-t-elle bientôt ; elle est au coin du Petit-Pont, en face du corps de garde de l’Hôtel-Dieu. Autrefois, chaque logis présentait du côté de la rivière la physionomie bizarre qu’y imprimaient soit le métier du locataire et ses habitudes, soit l’originalité des constructions inventées par les propriétaires pour user ou abuser de la Seine. Les ponts étant bâtis et presque tous encombrés de plus de moulins que les besoins de la navigation n’en pouvaient souffrir, la Seine comptait dans Paris autant de bassins clos que de ponts. Certains bassins de ce vieux Paris eussent offert à la peinture des tons précieux. Quelle forêt ne présentaient pas les poutres entre-croisées qui soutenaient les moulins, leurs immenses vannes et leurs roues ? Quels effets singuliers que ceux des étais employés pour faire anticiper les maisons sur le fleuve ? Malheureusement la peinture de genre n’existait pas alors, et la gravure était dans l’enfance ; nous avons donc perdu ce curieux spectacle, offert encore, mais en petit, par certaines villes de province où les rivières sont crénelées de maisons en bois, et où, comme à Vendôme, les bassins pleins de longues herbes sont divisés par d’immenses grilles pour isoler les propriétés qui s’étendent sur les deux rives.

Le nom de cette rue, maintenant effacé sur la carte, indique assez le genre de commerce qui s’y faisait. Dans ce temps, les marchands adonnés à une même partie, loin de se disséminer par la ville, se mettaient ensemble et se protégeaient ainsi mutuellement. Confédérés socialement par la Corporation qui limitait leur nombre, ils étaient encore réunis en Confrérie par l’Église. Ainsi les prix se maintenaient. Puis les maîtres n’étaient pas la proie de leurs ouvriers, et n’obéissaient pas comme aujourd’hui à leurs caprices ; au contraire, ils en avaient soin, ils en faisaient leurs enfants, et les initiaient aux finesses du travail. Pour devenir maître, un ouvrier devait alors produire un chef-d’œuvre, toujours offert au saint qui protégeait la Confrérie. Oseriez-vous dire que le défaut de concurrence ôtait le sentiment de la perfection, empêchait la beauté des produits, vous dont l’admiration pour les œuvres des antiques Maîtrises a créé la profession nouvelle de marchand de bric-à-brac ?

Aux quinzième et seizième siècle, le commerce de la pelleterie formait une des plus florissantes industries. La difficulté de se procurer les fourrures, qui tirées du Nord exigeaient de longs et périlleux voyages, donnait un prix excessif aux produits de la pelleterie. Alors comme à présent, le prix excessif provoquait la consommation, car la vanité ne connaît pas d’obstacles. En France et dans les autres royaumes, non-seulement des ordonnances réservaient le port des fourrures à la noblesse, ce qu’atteste le rôle de l’hermine dans les vieux blasons, mais encore certaines fourrures rares, comme le vair, qui sans aucun doute était la zibeline impériale, ne pouvaient être portées que par les rois, par les ducs et par les seigneurs revêtus de certaines charges. On distinguait le grand et le menu vair. Ce mot, depuis cent ans, est si bien tombé en désuétude que, dans un nombre infini d’éditions de contes de Perrault, la célèbre pantoufle de Cendrillon, sans doute de menu vair, est présentée comme étant de verre. Dernièrement, un de nos poètes les plus distingués, était obligé de rétablir la véritable orthographe de ce mot pour l’instruction de ses confrères les feuilletonnistes en rendant compte de la Cenerentola, où la pantoufle symbolique est remplacée par un anneau qui signifie peu de chose. Naturellement, les ordonnances sur le port de la fourrure étaient perpétuellement enfreintes au grand plaisir des pelletiers. Le haut prix des étoffes et celui des pelleteries faisaient alors d’un vêtement une de ces choses durables, appropriées aux meubles, aux armures, aux détails de la forte vie du quinzième siècle. Une femme noble, un seigneur, tout homme riche, comme tout bourgeois, possédaient au plus deux vêtements par saison, lesquels duraient leur vie et au-delà.

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Peu de personnes aujourd’hui savent combien étaient naïves les habitations des bourgeois de Paris au quatorzième siècle, et combien simple était leur vie. Peut-être cette simplicité d’action et de pensée a-t-elle été la cause des grandeurs de cette vieille bourgeoisie, qui fut, certes, grande, libre et noble, plus peut-être que la bourgeoisie d’aujourd’hui ; son histoire est à faire, elle demande et attend un homme de génie. Inspirée par l’incident peu connu qui forme le fond de cette Étude et qui sera l’un des plus remarquables de l’histoire de la bourgeoisie, cette réflexion arrivera sans doute sur les lèvres de tout le monde, après ce récit. Est-ce la première fois qu’en histoire la conclusion aura précédé les faits ?

En 1560, les maisons de la rue de la Vieille-Pelleterie bordaient la rive gauche de la Seine, entre le pont Notre-Dame et le Pont-au-Change. La voie publique et les maisons occupaient l’espace pris par la seule chaussée du quai actuel. Chaque maison, assise sur la Seine même, permettait aux habitants d’y descendre par les escaliers en bois ou en pierre, que défendaient de fortes grilles en fer ou des portes en bois clouté. Ces maisons avaient, comme celles de Venise, une porte en terre ferme et une porte d’eau. Au moment où cette esquisse se publie, il n’existe plus qu’une seule maison de ce genre qui puisse rappeler le vieux Paris, encore disparaîtra-t-elle bientôt ; elle est au coin du Petit-Pont, en face du corps de garde de l’Hôtel-Dieu. Autrefois, chaque logis présentait du côté de la rivière la physionomie bizarre qu’y imprimaient soit le métier du locataire et ses habitudes, soit l’originalité des constructions inventées par les propriétaires pour user ou abuser de la Seine. Les ponts étant bâtis et presque tous encombrés de plus de moulins que les besoins de la navigation n’en pouvaient souffrir, la Seine comptait dans Paris autant de bassins clos que de ponts. Certains bassins de ce vieux Paris eussent offert à la peinture des tons précieux. Quelle forêt ne présentaient pas les poutres entre-croisées qui soutenaient les moulins, leurs immenses vannes et leurs roues ? Quels effets singuliers que ceux des étais employés pour faire anticiper les maisons sur le fleuve ? Malheureusement la peinture de genre n’existait pas alors, et la gravure était dans l’enfance ; nous avons donc perdu ce curieux spectacle, offert encore, mais en petit, par certaines villes de province où les rivières sont crénelées de maisons en bois, et où, comme à Vendôme, les bassins pleins de longues herbes sont divisés par d’immenses grilles pour isoler les propriétés qui s’étendent sur les deux rives.

Le nom de cette rue, maintenant effacé sur la carte, indique assez le genre de commerce qui s’y faisait. Dans ce temps, les marchands adonnés à une même partie, loin de se disséminer par la ville, se mettaient ensemble et se protégeaient ainsi mutuellement. Confédérés socialement par la Corporation qui limitait leur nombre, ils étaient encore réunis en Confrérie par l’Église. Ainsi les prix se maintenaient. Puis les maîtres n’étaient pas la proie de leurs ouvriers, et n’obéissaient pas comme aujourd’hui à leurs caprices ; au contraire, ils en avaient soin, ils en faisaient leurs enfants, et les initiaient aux finesses du travail. Pour devenir maître, un ouvrier devait alors produire un chef-d’œuvre, toujours offert au saint qui protégeait la Confrérie. Oseriez-vous dire que le défaut de concurrence ôtait le sentiment de la perfection, empêchait la beauté des produits, vous dont l’admiration pour les œuvres des antiques Maîtrises a créé la profession nouvelle de marchand de bric-à-brac ?

Aux quinzième et seizième siècle, le commerce de la pelleterie formait une des plus florissantes industries. La difficulté de se procurer les fourrures, qui tirées du Nord exigeaient de longs et périlleux voyages, donnait un prix excessif aux produits de la pelleterie. Alors comme à présent, le prix excessif provoquait la consommation, car la vanité ne connaît pas d’obstacles. En France et dans les autres royaumes, non-seulement des ordonnances réservaient le port des fourrures à la noblesse, ce qu’atteste le rôle de l’hermine dans les vieux blasons, mais encore certaines fourrures rares, comme le vair, qui sans aucun doute était la zibeline impériale, ne pouvaient être portées que par les rois, par les ducs et par les seigneurs revêtus de certaines charges. On distinguait le grand et le menu vair. Ce mot, depuis cent ans, est si bien tombé en désuétude que, dans un nombre infini d’éditions de contes de Perrault, la célèbre pantoufle de Cendrillon, sans doute de menu vair, est présentée comme étant de verre. Dernièrement, un de nos poètes les plus distingués, était obligé de rétablir la véritable orthographe de ce mot pour l’instruction de ses confrères les feuilletonnistes en rendant compte de la Cenerentola, où la pantoufle symbolique est remplacée par un anneau qui signifie peu de chose. Naturellement, les ordonnances sur le port de la fourrure étaient perpétuellement enfreintes au grand plaisir des pelletiers. Le haut prix des étoffes et celui des pelleteries faisaient alors d’un vêtement une de ces choses durables, appropriées aux meubles, aux armures, aux détails de la forte vie du quinzième siècle. Une femme noble, un seigneur, tout homme riche, comme tout bourgeois, possédaient au plus deux vêtements par saison, lesquels duraient leur vie et au-delà.

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