L’Astiqueur

( Edition intégrale )

Nonfiction, Entertainment, Performing Arts, Theatre, Acting & Auditioning, Fiction & Literature, Drama
Cover of the book L’Astiqueur by Alphonse Allais, Paris, 1900
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Author: Alphonse Allais ISBN: 1230002238104
Publisher: Paris, 1900 Publication: March 27, 2018
Imprint: Language: French
Author: Alphonse Allais
ISBN: 1230002238104
Publisher: Paris, 1900
Publication: March 27, 2018
Imprint:
Language: French

L'astiqueur,ou Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Proverbe en un acte d’Albert René et Alphonse Allais, représenté au Théâtre du Gymnase, le 3 février 1900.

PERSONNAGES :

RAPHAEL CIMAISE, peintre, 23 ans moins quelques semaines (La rage)

COLIN-CRAMPON, placier, 59 ans, 11 mois et 29 jours (La patience et la longueur de temps)

UN GARDIEN DE LA PAIX, âge mixte (La force)

LA MARQUISE [sic, pour comtesse]

Un atelier de jeune peintre montmartrois. Des études, des plâtres, un tableau encadré sur un chevalet, un vieux bahut, etc… etc., un mannequin drapé de vieilles étoffes. Un peu partout, des fleurs dans des vases.

SCENE I

RAPHAEL CIMAISE

(Il arrange les fleurs, les draperies, se reculant de temps en temps pour juger de l'effet.)

Là !... je crois maintenant que ce n'est pas trop mal. Et puis ce que j'aime dans mon petit arrangement, c'est que ça n'a pas l'air du tout préparé. Quand la comtesse va entrer, tout à l'heure, je crois que la première impression sera bonne. Voyons l'effet quand on entre. (Il sort, referme la porte et rentre aussitôt regardant autour de lui et souriant d'un air satisfait, puis imitant la voix d'une dame.) Mais, c'est charmant chez vous, mon cher artiste, tout à fait charmant ! (Reprenant sa voix naturelle.) Je crois que je n'ai pas assez mis de corylopsis. Il me semble que ça sent encore un peu la pipe. (Il prend un vaporisateur et jette de l'odeur tout autour de lui.) Et ça que j'allais oublier ! Ah ! bien merci ! (Il saisit le râtelier de pipes et le renifle.) Ah ! pouah ! Où vais-je le mettre ? Là, dans le bahut. Allons bon, Irma qui est cassée ! Une si bonne pipe et si bien culottée ! (Il vaporise fortement la place où était le râtelier.) C'est si délicat, ces grandes dames ! Un détail, un rien les offusque. Car c'est une grande dame. (S'adressant au mannequin.) Ça t'épate ça, ma vieille, hein ? Une grande dame, une comtesse authentique ! Si je m'en mettais un peu sur moi. (Il se vaporise et renifle autour de lui.) Ça doit commencer à bien faire. Hum, je crois que j’en ai trop mis, maintenant. Enfin, vaut mieux trop que pas assez. (Il regarde la pendule.) Cinq heures moins cinq. Encore cinq minutes à attendre et elle sera là. Car elle sera là, elle me l'a si bien promis. (Imitant la voix d'une dame.) Soit, mon cher artiste (Reprenant sa voix naturelle), elle m'appelle toujours son cher artiste (Imitant de nouveau la voix d'une dame), j'irai visiter votre atelier à cinq heures. (Voix naturelle.) Puis elle a ajouté avec un air bizarre et sur un ton qui m'a fait dresser les cheveux sur la tête : « Mais en tout bien tout honneur. » On dit toujours ça. (Il regarde machinalement le divan en se grattant la tête, puis il arrange les coussins.) En tout bien tout honneur ! Et elle insistait avec un regard... Je ne sais pas, mais je m'imagine qu'on ne va pas s'embêter ici dans un quart d'heure ou... c'est une grande dame, mettons... une demi-heure. Une voiture ! C'est elle ! (Il se précipite à la fenêtre.) Non, la voiture est passée. C'est bête, je suis tout ému. Encore une voiture... qui s'arrête ! C'est elle !... Zut, c'est un gros monsieur ! (Regardant la pendule.) Et puis, du reste, il n'est pas encore cinq heures, comme c'est long, une minute, je n'aurais jamais cru (On frappe à la porte.) Du coup, c'est elle ! (Rapidement, il relève ses moustaches, rabat et lisse une longue mèche de cheveux sur le front et esquisse son plus gracieux sourire en chiffonnant sa cravate Lavallière.) Entrez !

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L'astiqueur,ou Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Proverbe en un acte d’Albert René et Alphonse Allais, représenté au Théâtre du Gymnase, le 3 février 1900.

PERSONNAGES :

RAPHAEL CIMAISE, peintre, 23 ans moins quelques semaines (La rage)

COLIN-CRAMPON, placier, 59 ans, 11 mois et 29 jours (La patience et la longueur de temps)

UN GARDIEN DE LA PAIX, âge mixte (La force)

LA MARQUISE [sic, pour comtesse]

Un atelier de jeune peintre montmartrois. Des études, des plâtres, un tableau encadré sur un chevalet, un vieux bahut, etc… etc., un mannequin drapé de vieilles étoffes. Un peu partout, des fleurs dans des vases.

SCENE I

RAPHAEL CIMAISE

(Il arrange les fleurs, les draperies, se reculant de temps en temps pour juger de l'effet.)

Là !... je crois maintenant que ce n'est pas trop mal. Et puis ce que j'aime dans mon petit arrangement, c'est que ça n'a pas l'air du tout préparé. Quand la comtesse va entrer, tout à l'heure, je crois que la première impression sera bonne. Voyons l'effet quand on entre. (Il sort, referme la porte et rentre aussitôt regardant autour de lui et souriant d'un air satisfait, puis imitant la voix d'une dame.) Mais, c'est charmant chez vous, mon cher artiste, tout à fait charmant ! (Reprenant sa voix naturelle.) Je crois que je n'ai pas assez mis de corylopsis. Il me semble que ça sent encore un peu la pipe. (Il prend un vaporisateur et jette de l'odeur tout autour de lui.) Et ça que j'allais oublier ! Ah ! bien merci ! (Il saisit le râtelier de pipes et le renifle.) Ah ! pouah ! Où vais-je le mettre ? Là, dans le bahut. Allons bon, Irma qui est cassée ! Une si bonne pipe et si bien culottée ! (Il vaporise fortement la place où était le râtelier.) C'est si délicat, ces grandes dames ! Un détail, un rien les offusque. Car c'est une grande dame. (S'adressant au mannequin.) Ça t'épate ça, ma vieille, hein ? Une grande dame, une comtesse authentique ! Si je m'en mettais un peu sur moi. (Il se vaporise et renifle autour de lui.) Ça doit commencer à bien faire. Hum, je crois que j’en ai trop mis, maintenant. Enfin, vaut mieux trop que pas assez. (Il regarde la pendule.) Cinq heures moins cinq. Encore cinq minutes à attendre et elle sera là. Car elle sera là, elle me l'a si bien promis. (Imitant la voix d'une dame.) Soit, mon cher artiste (Reprenant sa voix naturelle), elle m'appelle toujours son cher artiste (Imitant de nouveau la voix d'une dame), j'irai visiter votre atelier à cinq heures. (Voix naturelle.) Puis elle a ajouté avec un air bizarre et sur un ton qui m'a fait dresser les cheveux sur la tête : « Mais en tout bien tout honneur. » On dit toujours ça. (Il regarde machinalement le divan en se grattant la tête, puis il arrange les coussins.) En tout bien tout honneur ! Et elle insistait avec un regard... Je ne sais pas, mais je m'imagine qu'on ne va pas s'embêter ici dans un quart d'heure ou... c'est une grande dame, mettons... une demi-heure. Une voiture ! C'est elle ! (Il se précipite à la fenêtre.) Non, la voiture est passée. C'est bête, je suis tout ému. Encore une voiture... qui s'arrête ! C'est elle !... Zut, c'est un gros monsieur ! (Regardant la pendule.) Et puis, du reste, il n'est pas encore cinq heures, comme c'est long, une minute, je n'aurais jamais cru (On frappe à la porte.) Du coup, c'est elle ! (Rapidement, il relève ses moustaches, rabat et lisse une longue mèche de cheveux sur le front et esquisse son plus gracieux sourire en chiffonnant sa cravate Lavallière.) Entrez !

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