La Prison du Mid-Lothian

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book La Prison du Mid-Lothian by Walter Scott, GILBERT TEROL
View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart
Author: Walter Scott ISBN: 1230002801261
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 6, 2018
Imprint: Language: French
Author: Walter Scott
ISBN: 1230002801261
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 6, 2018
Imprint:
Language: French

Butler n’éprouva ni faim ni fatigue, quoique la manière dont il avait passé la nuit eût pu lui faire ressentir l’une et l’autre ; mais l’empressement qu’il mettait à servir la sœur de Jeanie les lui fit oublier.

Il marchait d’un pas si rapide qu’il semblait courir, quand il s’entendit appeler par une voix qui luttait contre une toux asthmatique, et qu’étouffait presque le trot bruyant d’une jument montagnarde. Il se retourna, et vit le laird de Dumbiedikes pressant son cheval autant qu’il pouvait ; car, heureusement pour le projet qu’avait le laird de s’entretenir avec Butler, leur route était la même pendant environ deux cents verges. Butler s’arrêta, maudissant intérieurement le cavalier qui retardait ainsi son voyage.

« Oh, oh, oh ! » cria Dumbiedikes cherchant à arrêter sa jument auprès de Butler ; « oh, oh ! c’est une bête bien volontaire, je vous assure. » En effet, il avait atteint Butler juste à l’endroit au-delà duquel il lui eût été impossible de continuer à le poursuivre, car la route que devait suivre Butler se séparait là de celle qui conduisait à Dumbiedikes, et ni par persuasion ni par force, le cavalier n’aurait pu vaincre l’obstination celtique de Rory Bean (c’était le nom de la jument) et la faire dévier d’un pas du chemin qui conduisait à son écurie.

Quand il eut repris haleine après un trot plus rapide que celui auquel lui et sa monture étaient habitués, ce qu’il avait à dire semblait ne pouvoir sortir de son gosier, et il resta plusieurs minutes sans prononcer une syllabe. Enfin, après de grands efforts, il ne put articuler que ces mots : « Je dis… monsieur Butler, que voilà une belle journée pour la moisson. — Très-belle, dit Butler. Je vous souhaite le bonjour, monsieur. — Attendez, attendez, reprit Dumbiedikes, ce n’est pas cela que j’ai à vous dire. — Dites-le donc vite, et que je vous dise adieu, reprit Butler ; je vous demande pardon, mais je suis pressé, et tempus nemini, vous savez le proverbe. »

Dumbiedikes ne savait pas le proverbe, et dans le trouble où il était, il ne chercha pas à se donner l’air de le connaître, comme d’autres eussent fait à sa place. Il concentrait toute son intelligence sur un seul point fort grave, et ne voulait rien distraire de ses forces pour défendre ses avant-postes : « Je voulais vous demander, monsieur Butler, dit-il, si M. Saddletree est un grand jurisconsulte ? — Je ne le sais que sur sa parole, » dit Butler sèchement ; « mais sans doute il se connaît lui-même. — Hum ? » reprit le taciturne Dumbiedikes d’un air qui semblait dire : Monsieur Butler, je vous comprends. « En ce cas, poursuivit-il, je chargerai M. Novit, mon avocat (le fils du vieux Novit, qui a la langue presque aussi bien affilée que son père), de l’affaire d’Effie. »

Ayant ainsi montré plus de sagacité que Butler n’en attendait de lui, il porta poliment la main à son chapeau galonné en or, et par un coup d’éperon fit entendre à Rory Bean que c’était la volonté de son cavalier qu’elle marchât vers la maison ; et l’animal obéit à cette insinuation avec cet empressement que les hommes et les bêtes montrent à comprendre et exécuter les ordres qui répondent à leurs propres désirs.

Butler se remit en route, non pas toutefois sans éprouver ce sentiment de jalousie que l’intérêt porté par l’honnête laird à la famille Deans avait souvent éveillé en lui. Mais il avait trop de générosité pour s’arrêter long-temps à un sentiment entaché d’égoïsme. « Il est riche et je ne le suis pas, dit-il ; pourquoi me tourmenterais-je s’il a assez bon cœur pour consacrer une partie de son revenu à leur rendre des services dont je ne peux que souhaiter l’accomplissement ? Au nom du ciel ! faisons chacun ce que nous pouvons. Qu’elle soit heureuse ! qu’elle échappe au malheur qui la menace ! Je dois songer seulement à prévenir la fatale démarche de ce soir, et oublier tout le reste, quoique mon cœur soit déchiré de me séparer d’elle. »

Il redoubla de vitesse, et arriva bientôt devant la porte de la prison, ou plutôt devant l’endroit où avait été la porte. Son entrevue avec le mystérieux étranger, le message pour Jeanie, sa conversation avec elle sur la rupture de leur liaison, la scène avec le vieux Deans, tout cela occupait si vivement son esprit qu’il avait oublié les événements tragiques de la nuit précédente. Le souvenir n’en fut réveillé en lui ni par les groupes répandus dans les rues, qui suspendaient leurs conversations dès qu’un étranger s’approchait d’eux ; ni par les perquisitions actives des agents de police soutenus par des patrouilles, ni par la vue des triples sentinelles placées devant le corps-de-garde, ni par l’air inquiet et craintif de la populace qui, se sachant suspecte sinon coupable d’avoir pris part à l’insurrection, et redoutant les recherches de la police, se dispersait avec timidité comme des hommes, qui épuisés par une débauche nocturne, se trouvent, le lendemain, énervés, sans assurance ni courage.

Aucun de ces symptômes ne frappa l’esprit de Butler, absorbé par un sujet bien plus intéressant pour lui, jusqu’à ce qu’il fût arrivé devant l’entrée de la prison que gardait un double rang de grenadiers au lieu des barres et des verrous. Le cri : « On n’entre pas ! » les murs noircis du porche, les escaliers tournants et les chambres de la prison ouverts aux regards du public, lui rappelèrent les événements de cette nuit terrible. Il demanda à voir Effie ; et le même geôlier, grand, maigre, à la chevelure blanche, qu’il avait vu la veille, se présenta à lui.

« Vous êtes, je crois, » dit-il à Butler avec cette circonspection qui caractérise les Écossais, « la même personne qui vint pour la voir hier au soir ? »

Butler répondit affirmativement.

« Et c’est vous, continua le geôlier, qui m’avez demandé si c’était à cause de l’affaire de Porteous que nous fermions la porte plus tôt qu’à l’ordinaire ? — Il est possible, dit Butler, que je vous aie fait cette question ; mais je vous demande maintenant si je puis voir Effie Deans ? — Je ne puis que vous dire : Entrez, montez l’escalier, et tournez dans le guichet à droite. »

View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart

Butler n’éprouva ni faim ni fatigue, quoique la manière dont il avait passé la nuit eût pu lui faire ressentir l’une et l’autre ; mais l’empressement qu’il mettait à servir la sœur de Jeanie les lui fit oublier.

Il marchait d’un pas si rapide qu’il semblait courir, quand il s’entendit appeler par une voix qui luttait contre une toux asthmatique, et qu’étouffait presque le trot bruyant d’une jument montagnarde. Il se retourna, et vit le laird de Dumbiedikes pressant son cheval autant qu’il pouvait ; car, heureusement pour le projet qu’avait le laird de s’entretenir avec Butler, leur route était la même pendant environ deux cents verges. Butler s’arrêta, maudissant intérieurement le cavalier qui retardait ainsi son voyage.

« Oh, oh, oh ! » cria Dumbiedikes cherchant à arrêter sa jument auprès de Butler ; « oh, oh ! c’est une bête bien volontaire, je vous assure. » En effet, il avait atteint Butler juste à l’endroit au-delà duquel il lui eût été impossible de continuer à le poursuivre, car la route que devait suivre Butler se séparait là de celle qui conduisait à Dumbiedikes, et ni par persuasion ni par force, le cavalier n’aurait pu vaincre l’obstination celtique de Rory Bean (c’était le nom de la jument) et la faire dévier d’un pas du chemin qui conduisait à son écurie.

Quand il eut repris haleine après un trot plus rapide que celui auquel lui et sa monture étaient habitués, ce qu’il avait à dire semblait ne pouvoir sortir de son gosier, et il resta plusieurs minutes sans prononcer une syllabe. Enfin, après de grands efforts, il ne put articuler que ces mots : « Je dis… monsieur Butler, que voilà une belle journée pour la moisson. — Très-belle, dit Butler. Je vous souhaite le bonjour, monsieur. — Attendez, attendez, reprit Dumbiedikes, ce n’est pas cela que j’ai à vous dire. — Dites-le donc vite, et que je vous dise adieu, reprit Butler ; je vous demande pardon, mais je suis pressé, et tempus nemini, vous savez le proverbe. »

Dumbiedikes ne savait pas le proverbe, et dans le trouble où il était, il ne chercha pas à se donner l’air de le connaître, comme d’autres eussent fait à sa place. Il concentrait toute son intelligence sur un seul point fort grave, et ne voulait rien distraire de ses forces pour défendre ses avant-postes : « Je voulais vous demander, monsieur Butler, dit-il, si M. Saddletree est un grand jurisconsulte ? — Je ne le sais que sur sa parole, » dit Butler sèchement ; « mais sans doute il se connaît lui-même. — Hum ? » reprit le taciturne Dumbiedikes d’un air qui semblait dire : Monsieur Butler, je vous comprends. « En ce cas, poursuivit-il, je chargerai M. Novit, mon avocat (le fils du vieux Novit, qui a la langue presque aussi bien affilée que son père), de l’affaire d’Effie. »

Ayant ainsi montré plus de sagacité que Butler n’en attendait de lui, il porta poliment la main à son chapeau galonné en or, et par un coup d’éperon fit entendre à Rory Bean que c’était la volonté de son cavalier qu’elle marchât vers la maison ; et l’animal obéit à cette insinuation avec cet empressement que les hommes et les bêtes montrent à comprendre et exécuter les ordres qui répondent à leurs propres désirs.

Butler se remit en route, non pas toutefois sans éprouver ce sentiment de jalousie que l’intérêt porté par l’honnête laird à la famille Deans avait souvent éveillé en lui. Mais il avait trop de générosité pour s’arrêter long-temps à un sentiment entaché d’égoïsme. « Il est riche et je ne le suis pas, dit-il ; pourquoi me tourmenterais-je s’il a assez bon cœur pour consacrer une partie de son revenu à leur rendre des services dont je ne peux que souhaiter l’accomplissement ? Au nom du ciel ! faisons chacun ce que nous pouvons. Qu’elle soit heureuse ! qu’elle échappe au malheur qui la menace ! Je dois songer seulement à prévenir la fatale démarche de ce soir, et oublier tout le reste, quoique mon cœur soit déchiré de me séparer d’elle. »

Il redoubla de vitesse, et arriva bientôt devant la porte de la prison, ou plutôt devant l’endroit où avait été la porte. Son entrevue avec le mystérieux étranger, le message pour Jeanie, sa conversation avec elle sur la rupture de leur liaison, la scène avec le vieux Deans, tout cela occupait si vivement son esprit qu’il avait oublié les événements tragiques de la nuit précédente. Le souvenir n’en fut réveillé en lui ni par les groupes répandus dans les rues, qui suspendaient leurs conversations dès qu’un étranger s’approchait d’eux ; ni par les perquisitions actives des agents de police soutenus par des patrouilles, ni par la vue des triples sentinelles placées devant le corps-de-garde, ni par l’air inquiet et craintif de la populace qui, se sachant suspecte sinon coupable d’avoir pris part à l’insurrection, et redoutant les recherches de la police, se dispersait avec timidité comme des hommes, qui épuisés par une débauche nocturne, se trouvent, le lendemain, énervés, sans assurance ni courage.

Aucun de ces symptômes ne frappa l’esprit de Butler, absorbé par un sujet bien plus intéressant pour lui, jusqu’à ce qu’il fût arrivé devant l’entrée de la prison que gardait un double rang de grenadiers au lieu des barres et des verrous. Le cri : « On n’entre pas ! » les murs noircis du porche, les escaliers tournants et les chambres de la prison ouverts aux regards du public, lui rappelèrent les événements de cette nuit terrible. Il demanda à voir Effie ; et le même geôlier, grand, maigre, à la chevelure blanche, qu’il avait vu la veille, se présenta à lui.

« Vous êtes, je crois, » dit-il à Butler avec cette circonspection qui caractérise les Écossais, « la même personne qui vint pour la voir hier au soir ? »

Butler répondit affirmativement.

« Et c’est vous, continua le geôlier, qui m’avez demandé si c’était à cause de l’affaire de Porteous que nous fermions la porte plus tôt qu’à l’ordinaire ? — Il est possible, dit Butler, que je vous aie fait cette question ; mais je vous demande maintenant si je puis voir Effie Deans ? — Je ne puis que vous dire : Entrez, montez l’escalier, et tournez dans le guichet à droite. »

More books from GILBERT TEROL

Cover of the book Melmoth ou l'Homme érrant by Walter Scott
Cover of the book Aventures merveilleuses by Walter Scott
Cover of the book Scène de la vie russe by Walter Scott
Cover of the book CAPITAL LA SPECULATION ET LA FINANCE by Walter Scott
Cover of the book Moi quelque part by Walter Scott
Cover of the book L’Homme et la Terre Tome III by Walter Scott
Cover of the book Œuvres complètes de Béranger by Walter Scott
Cover of the book L’envers du journalisme by Walter Scott
Cover of the book Relation d'un voyage chez les Sauvages de Paris by Walter Scott
Cover of the book LE DRAGON IMPERIAL by Walter Scott
Cover of the book Prester John by Walter Scott
Cover of the book La Vie extravagante de Baltazar by Walter Scott
Cover of the book La Science nouvelle by Walter Scott
Cover of the book Le Médecin de campagne by Walter Scott
Cover of the book La Grande Révolution by Walter Scott
We use our own "cookies" and third party cookies to improve services and to see statistical information. By using this website, you agree to our Privacy Policy