La Frontière

Mystery & Suspense
Cover of the book La Frontière by MAURICE LEBLANC, GILBERT TEROL
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Author: MAURICE LEBLANC ISBN: 1230001225952
Publisher: GILBERT TEROL Publication: July 13, 2016
Imprint: Language: French
Author: MAURICE LEBLANC
ISBN: 1230001225952
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: July 13, 2016
Imprint:
Language: French

Extrait :

Il n’a pas changé… Toujours son teint frais… Les yeux un peu fatigués, peut-être… mais la mine est bonne…

– Avez-vous fini de m’éplucher tous les deux ? dit Philippe en riant. Quelle inspection ! Embrassez plutôt ma femme.

Marthe se jeta dans les bras de Mme Morestal, puis dans les bras de son beau-père, et, à son tour, elle fut examinée des pieds à la tête.

– Oh ! oh ! la figure est moins pleine… Nous avons besoin de nous refaire… Mais ce que vous êtes trempés, mes pauvres enfants !

– Nous avons reçu tout l’orage, dit Philippe.

– Et savez-vous ce qui m’est arrivé ? dit Marthe, j’ai eu peur ! Oui, peur, comme une fillette… et je me suis évanouie… Et Philippe a dû me porter… pendant une demi-heure au moins…

– Hein ! dit le vieux Morestal à sa femme… pendant une demi-heure ! Toujours solide, le garçon. Et tes fils, pourquoi ne les as-tu pas amenés ? C’est dommage. Deux braves petits gosses, je suis sûr. Et bien élevés… Je connais Marthe ! Quel âge ont-ils ? Dix ans, n’est-ce pas, et neuf ans ? À propos, la mère a préparé deux chambres. On fait donc chambre à part, maintenant ?

– Oh ! non, dit Marthe, ici seulement… Philippe veut se lever au petit jour et battre les grands chemins… tandis que moi, j’ai besoin de repos.

– Parfait ! parfait ! Conduis-les, la mère… et sitôt prêts, à table, les enfants Le déjeuner fini, je prends la voiture et je vais chercher les malles à Saint-Élophe, où la diligence du chemin de fer les apportera. Et si je rencontre mon ami Jorancé, je le ramène. Il doit être tout triste. Sa fille est partie ce matin pour Lunéville. Mais elle m’a dit qu’elle vous avait écrit…

– Oui, oui, fit Marthe. Suzanne m’a écrit l’autre jour. Elle non plus n’est pas gaie de partir.


Deux heures plus tard, Philippe et sa femme s’installaient dans deux jolies chambres voisines, situées au second étage, et qui avaient vue sur le côté français. Marthe se jetait sur son lit et s’endormait presque aussitôt, tandis que son mari, accoudé à la fenêtre, regardait le paisible vallon où s’étaient écoulés les jours les plus heureux de son enfance.

C’était là-bas, au bourg de Saint-Élophe-la-Côte, dans le modeste logis que ses parents habitaient avant le Vieux-Moulin. Interne au collège de Noirmont, il passait au village d’enthousiastes vacances à jouer ou bien à courir les Vosges en compagnie de son père – papa Trompette, comme il l’appelait, en raison de toutes les trompettes, clairons, cors et cornets, qui constituaient avec des tambours de tous les modèles, avec des épées et des poignards, des casques et des cuirasses, des fusils et des pistolets, les seuls cadeaux que connût son jeune âge. Un peu sévère, Morestal, un peu trop attaché à ce qui concernait les principes, les usages, la discipline, l’exactitude, un peu emporté, mais si bon, et sachant si bien se faire aimer de son fils, d’une affection si respectueuse et si franche !

La seule fois qu’ils se heurtèrent, ce fut le jour où Philippe, alors élève de philosophie, annonça son intention de poursuivre ses études au-delà du baccalauréat et d’entrer à l’École Normale. Tout le rêve du père s’écroulait, son beau rêve de voir Philippe en uniforme, des soutaches d’or à la manche de son dolman, le sabre au côté.

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Extrait :

Il n’a pas changé… Toujours son teint frais… Les yeux un peu fatigués, peut-être… mais la mine est bonne…

– Avez-vous fini de m’éplucher tous les deux ? dit Philippe en riant. Quelle inspection ! Embrassez plutôt ma femme.

Marthe se jeta dans les bras de Mme Morestal, puis dans les bras de son beau-père, et, à son tour, elle fut examinée des pieds à la tête.

– Oh ! oh ! la figure est moins pleine… Nous avons besoin de nous refaire… Mais ce que vous êtes trempés, mes pauvres enfants !

– Nous avons reçu tout l’orage, dit Philippe.

– Et savez-vous ce qui m’est arrivé ? dit Marthe, j’ai eu peur ! Oui, peur, comme une fillette… et je me suis évanouie… Et Philippe a dû me porter… pendant une demi-heure au moins…

– Hein ! dit le vieux Morestal à sa femme… pendant une demi-heure ! Toujours solide, le garçon. Et tes fils, pourquoi ne les as-tu pas amenés ? C’est dommage. Deux braves petits gosses, je suis sûr. Et bien élevés… Je connais Marthe ! Quel âge ont-ils ? Dix ans, n’est-ce pas, et neuf ans ? À propos, la mère a préparé deux chambres. On fait donc chambre à part, maintenant ?

– Oh ! non, dit Marthe, ici seulement… Philippe veut se lever au petit jour et battre les grands chemins… tandis que moi, j’ai besoin de repos.

– Parfait ! parfait ! Conduis-les, la mère… et sitôt prêts, à table, les enfants Le déjeuner fini, je prends la voiture et je vais chercher les malles à Saint-Élophe, où la diligence du chemin de fer les apportera. Et si je rencontre mon ami Jorancé, je le ramène. Il doit être tout triste. Sa fille est partie ce matin pour Lunéville. Mais elle m’a dit qu’elle vous avait écrit…

– Oui, oui, fit Marthe. Suzanne m’a écrit l’autre jour. Elle non plus n’est pas gaie de partir.


Deux heures plus tard, Philippe et sa femme s’installaient dans deux jolies chambres voisines, situées au second étage, et qui avaient vue sur le côté français. Marthe se jetait sur son lit et s’endormait presque aussitôt, tandis que son mari, accoudé à la fenêtre, regardait le paisible vallon où s’étaient écoulés les jours les plus heureux de son enfance.

C’était là-bas, au bourg de Saint-Élophe-la-Côte, dans le modeste logis que ses parents habitaient avant le Vieux-Moulin. Interne au collège de Noirmont, il passait au village d’enthousiastes vacances à jouer ou bien à courir les Vosges en compagnie de son père – papa Trompette, comme il l’appelait, en raison de toutes les trompettes, clairons, cors et cornets, qui constituaient avec des tambours de tous les modèles, avec des épées et des poignards, des casques et des cuirasses, des fusils et des pistolets, les seuls cadeaux que connût son jeune âge. Un peu sévère, Morestal, un peu trop attaché à ce qui concernait les principes, les usages, la discipline, l’exactitude, un peu emporté, mais si bon, et sachant si bien se faire aimer de son fils, d’une affection si respectueuse et si franche !

La seule fois qu’ils se heurtèrent, ce fut le jour où Philippe, alors élève de philosophie, annonça son intention de poursuivre ses études au-delà du baccalauréat et d’entrer à l’École Normale. Tout le rêve du père s’écroulait, son beau rêve de voir Philippe en uniforme, des soutaches d’or à la manche de son dolman, le sabre au côté.

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