Abrégé de l’histoire générale des voyages Tome III et IV

Nonfiction, History
Cover of the book Abrégé de l’histoire générale des voyages Tome III et IV by Jean-François de la Harpe, GILBERT TEROL
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Author: Jean-François de la Harpe ISBN: 1230003015773
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 4, 2019
Imprint: Language: French
Author: Jean-François de la Harpe
ISBN: 1230003015773
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 4, 2019
Imprint:
Language: French

Tome III et IV

Les Européens, les seigneurs de Juida, et les Nègres riches se font porter dans des hamacs sur les épaules de leurs esclaves. C’est du Brésil que viennent les plus beaux hamacs : ils sont de coton. Les uns sont d’une étoffe continue, comme le drap ; les autres à jour, comme nos filets pour la pêche. Leur longueur ordinaire est de sept pieds, sur dix, douze et quatorze de largeur. Aux deux extrémités il y a cinquante ou soixante nœuds d’un tissu de soie ou de coton, que les Nègres appellent rubans, chacun de la longueur de trois pieds. Tous les rubans de chaque bout s’unissent pour composer une chaîne, au travers de laquelle on passe une corde, qu’on attache des deux côtés au bout d’une perche de bambou longue de quinze ou seize pieds ; de sorte que le hamac suspendu prend la forme d’un demi-cercle. Deux esclaves portent les deux extrémités de la perche sur leur tête. La personne qui se fait porter s’assied ou se couche de toute sa longueur dans le hamac ; mais elle ne se met pas en ligne directe, parce que, dans cette situation, elle aurait le corps plié et les pieds aussi hauts que la tête. Sa position est diagonale, c’est-à-dire, qu’ayant la tête et les pieds d’un coin à l’autre, elle est aussi commodément que dans un lit. Les personnes de distinction se servent d’un oreiller qui leur soutient la tête.

Les hamacs qu’on apporte du Brésil sont de différentes couleurs et fort bien travaillés, avec des soupentes et des franges de la même étoffe qui tombent des deux côtés, et leur donnent fort bonne grâce. On s’y sert ordinairement d’un parasol qu’on tient à la main. Si l’on voyage pendant la nuit, on passe sur la perche une toile cirée pour se garantir de la rosée, qui est dangereuse dans ce pays. Il n’y a point de litière où l’on dorme si commodément que dans cette voiture

Lorsque les directeurs sortent du comptoir pour la promenade ou pour quelque voyage, ils sont toujours escortés d’un capitaine nègre, ou d’un seigneur qui protège leur nation, et qui suit immédiatement dans son hamac. À la tête du convoi, un Nègre porte l’enseigne de la nation. Il est suivi d’une garde de cent ou deux cents Nègres, avec leurs tambours et leurs trompettes. Ceux qui ont des fusils tirent continuellement. Les tambours battent, les trompettes sonnent, et la marche n’est qu’une danse continuelle.

La qualité du climat ne laisse point aux Européens le choix d’une autre voiture. Ils ne pourraient faire un mille à pied, dans l’espace d’un jour, sans être dangereusement affaiblis par l’excès de la chaleur ; au lieu qu’ils sont fort soulagés dans un hamac par la toile qui les couvre, et par le mouvement de l’air que leurs porteurs agitent continuellement.

Les habitans naturels de cette contrée sont généralement de haute taille, bien faits et robustes. Leur couleur n’est pas d’un noir de jais si luisant que sur la côte d’Or, et l’est encore moins que sur le Sénégal et sur la Gambie. Mais ils sont beaucoup plus industrieux et plus capables de travail, sans être moins ignorans.

Avec peu de lumières, ils sont pourtant très-civilisés et très-polis. Bosman les met fort au-dessus de tous les autres Nègres, autant pour les mauvaises que pour les bonnes qualités.

Les devoirs mutuels de la civilité sont si bien établis entre eux, et leur respect va si loin pour leurs supérieurs, que, dans les visites qu’ils leur rendent, ou dans une simple rencontre, l’inférieur se jette à genoux , baise trois fois la terre en frappant des mains, souhaite le bonjour à celui qu’il se croit obligé d’honorer, et le félicite sur sa santé ou sur d’autres avantages dont il le voit jouir. De l’autre côté, le supérieur, sans changer de posture, fait une réponse obligeante, bat doucement les mains, et souhaite aussi le bonjour. L’inférieur ne cesse pas de demeurer assis à terre ou prosterné jusqu’à ce que l’autre le quitte ou lui témoigne que c’est assez. Si c’est l’inférieur que ses affaires obligent de partir le premier, il en demande la permission, et se retire en rampant ; car on regarderait comme un crime dans la nation de paraître debout ou de s’asseoir sur un banc devant ses supérieurs. Les enfans ne sont pas moins respectueux pour leurs pères, et les femmes pour leurs maris. Ils ne leur présentent et ne reçoivent rien d’eux sans se mettre à genoux, et sans employer les deux mains ; ce qui passe encore pour une plus grande marque de soumission. S’ils leur parlent, c’est en se couvrant la bouche de la main, dans la crainte de les incommoder par leur haleine.

Deux personnes d’égale condition qui se rencontrent commencent par se mettre à genoux et frappent des mains, après quoi elles se saluent en faisant des vœux mutuels pour leur bonheur et leur santé. Qu’une personne de distinction éternue, toutes les personnes présentes tombent à genoux, baisent la terre, frappent des mains et lui souhaitent toutes sortes de prospérités. Un Nègre qui reçoit quelque présent de son supérieur frappe des mains, baise la terre et fait un remercîment fort affectueux. Enfin les distinctions de rang et les gradations de respect sont aussi bien observées entre les Nègres de Juida que dans aucun autre endroit du monde, bien différens de ceux de la côte d’Or, qui vivent ensemble comme des brutes, sans aucune idée de bienséance et de politesse.

Les mêmes cérémonies se répètent scrupuleusement chaque fois qu’on se rencontre, fût-ce vingt fois le jour ; et la négligence dans ces usages est punie par une amende. Toute la nation, dit Desmarchais, marque une considération singulière pour les Français : le dernier roi de Juida portait si loin ce sentiment, qu’un de ses principaux officiers ayant insulté un Français, et levé la canne pour le frapper, il lui fit couper la tête sur-le-champ, sans se laisser fléchir par les ardentes sollicitations du directeur français en faveur du coupable.

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Tome III et IV

Les Européens, les seigneurs de Juida, et les Nègres riches se font porter dans des hamacs sur les épaules de leurs esclaves. C’est du Brésil que viennent les plus beaux hamacs : ils sont de coton. Les uns sont d’une étoffe continue, comme le drap ; les autres à jour, comme nos filets pour la pêche. Leur longueur ordinaire est de sept pieds, sur dix, douze et quatorze de largeur. Aux deux extrémités il y a cinquante ou soixante nœuds d’un tissu de soie ou de coton, que les Nègres appellent rubans, chacun de la longueur de trois pieds. Tous les rubans de chaque bout s’unissent pour composer une chaîne, au travers de laquelle on passe une corde, qu’on attache des deux côtés au bout d’une perche de bambou longue de quinze ou seize pieds ; de sorte que le hamac suspendu prend la forme d’un demi-cercle. Deux esclaves portent les deux extrémités de la perche sur leur tête. La personne qui se fait porter s’assied ou se couche de toute sa longueur dans le hamac ; mais elle ne se met pas en ligne directe, parce que, dans cette situation, elle aurait le corps plié et les pieds aussi hauts que la tête. Sa position est diagonale, c’est-à-dire, qu’ayant la tête et les pieds d’un coin à l’autre, elle est aussi commodément que dans un lit. Les personnes de distinction se servent d’un oreiller qui leur soutient la tête.

Les hamacs qu’on apporte du Brésil sont de différentes couleurs et fort bien travaillés, avec des soupentes et des franges de la même étoffe qui tombent des deux côtés, et leur donnent fort bonne grâce. On s’y sert ordinairement d’un parasol qu’on tient à la main. Si l’on voyage pendant la nuit, on passe sur la perche une toile cirée pour se garantir de la rosée, qui est dangereuse dans ce pays. Il n’y a point de litière où l’on dorme si commodément que dans cette voiture

Lorsque les directeurs sortent du comptoir pour la promenade ou pour quelque voyage, ils sont toujours escortés d’un capitaine nègre, ou d’un seigneur qui protège leur nation, et qui suit immédiatement dans son hamac. À la tête du convoi, un Nègre porte l’enseigne de la nation. Il est suivi d’une garde de cent ou deux cents Nègres, avec leurs tambours et leurs trompettes. Ceux qui ont des fusils tirent continuellement. Les tambours battent, les trompettes sonnent, et la marche n’est qu’une danse continuelle.

La qualité du climat ne laisse point aux Européens le choix d’une autre voiture. Ils ne pourraient faire un mille à pied, dans l’espace d’un jour, sans être dangereusement affaiblis par l’excès de la chaleur ; au lieu qu’ils sont fort soulagés dans un hamac par la toile qui les couvre, et par le mouvement de l’air que leurs porteurs agitent continuellement.

Les habitans naturels de cette contrée sont généralement de haute taille, bien faits et robustes. Leur couleur n’est pas d’un noir de jais si luisant que sur la côte d’Or, et l’est encore moins que sur le Sénégal et sur la Gambie. Mais ils sont beaucoup plus industrieux et plus capables de travail, sans être moins ignorans.

Avec peu de lumières, ils sont pourtant très-civilisés et très-polis. Bosman les met fort au-dessus de tous les autres Nègres, autant pour les mauvaises que pour les bonnes qualités.

Les devoirs mutuels de la civilité sont si bien établis entre eux, et leur respect va si loin pour leurs supérieurs, que, dans les visites qu’ils leur rendent, ou dans une simple rencontre, l’inférieur se jette à genoux , baise trois fois la terre en frappant des mains, souhaite le bonjour à celui qu’il se croit obligé d’honorer, et le félicite sur sa santé ou sur d’autres avantages dont il le voit jouir. De l’autre côté, le supérieur, sans changer de posture, fait une réponse obligeante, bat doucement les mains, et souhaite aussi le bonjour. L’inférieur ne cesse pas de demeurer assis à terre ou prosterné jusqu’à ce que l’autre le quitte ou lui témoigne que c’est assez. Si c’est l’inférieur que ses affaires obligent de partir le premier, il en demande la permission, et se retire en rampant ; car on regarderait comme un crime dans la nation de paraître debout ou de s’asseoir sur un banc devant ses supérieurs. Les enfans ne sont pas moins respectueux pour leurs pères, et les femmes pour leurs maris. Ils ne leur présentent et ne reçoivent rien d’eux sans se mettre à genoux, et sans employer les deux mains ; ce qui passe encore pour une plus grande marque de soumission. S’ils leur parlent, c’est en se couvrant la bouche de la main, dans la crainte de les incommoder par leur haleine.

Deux personnes d’égale condition qui se rencontrent commencent par se mettre à genoux et frappent des mains, après quoi elles se saluent en faisant des vœux mutuels pour leur bonheur et leur santé. Qu’une personne de distinction éternue, toutes les personnes présentes tombent à genoux, baisent la terre, frappent des mains et lui souhaitent toutes sortes de prospérités. Un Nègre qui reçoit quelque présent de son supérieur frappe des mains, baise la terre et fait un remercîment fort affectueux. Enfin les distinctions de rang et les gradations de respect sont aussi bien observées entre les Nègres de Juida que dans aucun autre endroit du monde, bien différens de ceux de la côte d’Or, qui vivent ensemble comme des brutes, sans aucune idée de bienséance et de politesse.

Les mêmes cérémonies se répètent scrupuleusement chaque fois qu’on se rencontre, fût-ce vingt fois le jour ; et la négligence dans ces usages est punie par une amende. Toute la nation, dit Desmarchais, marque une considération singulière pour les Français : le dernier roi de Juida portait si loin ce sentiment, qu’un de ses principaux officiers ayant insulté un Français, et levé la canne pour le frapper, il lui fit couper la tête sur-le-champ, sans se laisser fléchir par les ardentes sollicitations du directeur français en faveur du coupable.

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