La Famille Kaekebroeck

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book La Famille Kaekebroeck by LÉOPOLD COUROUBLE, GILBERT TEROL
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Author: LÉOPOLD COUROUBLE ISBN: 1230002770642
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 1, 2018
Imprint: Language: French
Author: LÉOPOLD COUROUBLE
ISBN: 1230002770642
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 1, 2018
Imprint:
Language: French

Préface de la sixième édition

Le 19 mai 1902.

Mon cher Courouble,

Tu me demandes une préface aux nouvelles éditions de la Famille Kaekebroeck et de Pauline Platbrood. — Quels que soient nos liens d’amitié, je refuse. J’ai lu dans le Petit Bleu, le Messager, l’Étoile Belge, la Gazette, que le Prince Albert de Belgique t’avait chaudement parlé de la Famille Kaekebroeck à une soirée de la « Grande Harmonie ». Le jeune prince a fait à tes livres le plus imprévu des avant-propos. Que veux-tu que j’y ajoute, moi, porte-plume, marchand d’images et trafiquant de verbes ? Je n’ai point de couronne à attendre : les rares qui tombent en mon escarcelle servent à acheter, pour la mie qui m’est chère, des fleurs, un rien de fard et parfois le bijou que les autres n’ont pas. Où veux-tu que je trouve les rayons de gloire dont le Dauphin t’a criblé ?

Quant à Pauline Platbrood, les mêmes journaux m’ont appris que ta belle bruxelloise fit sensation dans le public de Brabant. Rien qui m’étonne : je connais assez nos compatriotes pour deviner que beaucoup voudraient « dire deux mots » à cette fille de Rubens. Certes, si j’étais célibataire et avais l’âge où nous allions, stagiaires à l’âme ardente, faire danser à des « soirées » les jeunes bourgeoises sentimentales et vierges qui nous disaient : « Och ! god ! Si vous saurai comme j’aille chaud ! », j’eusse certainement disputé Pauline Platbrood à l’amour de François Cappellemans. Peut-être qu’alors « on aurait vu du neuf » et que Mademoiselle Platbrood, malgré son goût pour les poseurs d’appareils hygiéniques, eût « louché » vers le jeune avocat.

Tout cela n’est point « stoefferij » de ma part : mais pour te dire que je ne m’étonne point du succès de tes héroïnes et t’assurer que tes bouquins n’ont besoin d’un avertissement au lecteur.

Au surplus, si, poussé par le désir de voir sur tes couvertures jaunes mon nom à côté du tien, heureux favori des lettres, je t’écrivais des préfaces, n’offrirais-je pas une lourde queue à ton cerf-volant, qui plane si léger dans l’air, au-dessus du Rempart des Moines, à travers le son des cloches de Sainte-Catherine, qu’aimait Cappellemans, le vieux plombier ?

« Allaïe ! Allaïe ! » Vole de toi-même ! Tes ailes sont assez grandes. Elles s’étendent de la porte d’Anderlecht à la porte d’Anvers et font crisser les plumes qu’elles déploient sur tout le bas de la ville.

Si quelque « faiseur d’embarras du quartier Léopold », contempteur des rues que traversait la Senne, quelque confrère jaloux, tire sur ces plumes, méprise-le : « fais semblant de rien » et répète-toi « qu’avec çà et six cens il aura un verre de faro partout ».

D’ailleurs, mon beau chéri des muses brabançonnes, tu n’as reçu que des éloges pour ta littérature : cette uniformité doit te paraître fade : au lieu d’une préface, souhaite le petit éreintement ; le « faquin » sera injuste, mais sa « ratatouille » vinaigrée te fera, acide, l’effet relevant d’une goutte de citron dans une huître : l’huître, ce n’est pas toi, mon vieux, mais la saveur glissante des compliments qu’on fait avaler aux écrivains, et dont ils sont avides. Maintenant, je t’assure que tes livres sont charmants.

Tout d’abord ils se parent d’une couleur locale : je raffole des choses d’un pays, d’un village.

Certain de mes amis, « drrroguiste » à Tirlemont, m’avouait :

— Quand j’arrive quelque part, je prends toujours un verre de bière de la « localitaïe ».

Il ajoutait, roulant ses gros yeux et ses R :

— Ne fût-ce que pour le prrrincipe !

Il avait raison. Partout où vous passez, enquérez-vous des mœurs, de la boisson, de la cuisine, de l’art et des amours. Soulevez tous les couvercles ! Cela instruit toujours et charme souvent.

La Famille Kaekebroeck possède ce cachet spécial. Et tes livres, mon cher, me ravissent d’autant plus qu’ils me rappellent non seulement un coin de ville, mais le coin de ville que je chéris par-dessus tous. Là, quand j’étais petit et même plus tard, j’ai parlé comme Monsieur Van Poppel et Monsieur Rampelbergh, lorsqu’ils étaient enfants ; là j’ai reçu à mes premiers Noëls des couques à printjes et j’ai cru entendre dans l’escalier le pas mystérieux du grand Saint-Nicolas. Les soirs d’hiver — tu te rappelles ? — au son des bellekens, petites sonnettes qui tintinnabulent aux lattis verts des boutiques éclairées par des lampes à pétrole et où l’on vend des « boestrings », des moules à la daube, des chandelles en suif, de la morue et des boîtes d’allumettes à couvercles rouges — « on » allait rue de Flandre, rue au Beurre, voir les vitrines : elles resplendissaient :

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Préface de la sixième édition

Le 19 mai 1902.

Mon cher Courouble,

Tu me demandes une préface aux nouvelles éditions de la Famille Kaekebroeck et de Pauline Platbrood. — Quels que soient nos liens d’amitié, je refuse. J’ai lu dans le Petit Bleu, le Messager, l’Étoile Belge, la Gazette, que le Prince Albert de Belgique t’avait chaudement parlé de la Famille Kaekebroeck à une soirée de la « Grande Harmonie ». Le jeune prince a fait à tes livres le plus imprévu des avant-propos. Que veux-tu que j’y ajoute, moi, porte-plume, marchand d’images et trafiquant de verbes ? Je n’ai point de couronne à attendre : les rares qui tombent en mon escarcelle servent à acheter, pour la mie qui m’est chère, des fleurs, un rien de fard et parfois le bijou que les autres n’ont pas. Où veux-tu que je trouve les rayons de gloire dont le Dauphin t’a criblé ?

Quant à Pauline Platbrood, les mêmes journaux m’ont appris que ta belle bruxelloise fit sensation dans le public de Brabant. Rien qui m’étonne : je connais assez nos compatriotes pour deviner que beaucoup voudraient « dire deux mots » à cette fille de Rubens. Certes, si j’étais célibataire et avais l’âge où nous allions, stagiaires à l’âme ardente, faire danser à des « soirées » les jeunes bourgeoises sentimentales et vierges qui nous disaient : « Och ! god ! Si vous saurai comme j’aille chaud ! », j’eusse certainement disputé Pauline Platbrood à l’amour de François Cappellemans. Peut-être qu’alors « on aurait vu du neuf » et que Mademoiselle Platbrood, malgré son goût pour les poseurs d’appareils hygiéniques, eût « louché » vers le jeune avocat.

Tout cela n’est point « stoefferij » de ma part : mais pour te dire que je ne m’étonne point du succès de tes héroïnes et t’assurer que tes bouquins n’ont besoin d’un avertissement au lecteur.

Au surplus, si, poussé par le désir de voir sur tes couvertures jaunes mon nom à côté du tien, heureux favori des lettres, je t’écrivais des préfaces, n’offrirais-je pas une lourde queue à ton cerf-volant, qui plane si léger dans l’air, au-dessus du Rempart des Moines, à travers le son des cloches de Sainte-Catherine, qu’aimait Cappellemans, le vieux plombier ?

« Allaïe ! Allaïe ! » Vole de toi-même ! Tes ailes sont assez grandes. Elles s’étendent de la porte d’Anderlecht à la porte d’Anvers et font crisser les plumes qu’elles déploient sur tout le bas de la ville.

Si quelque « faiseur d’embarras du quartier Léopold », contempteur des rues que traversait la Senne, quelque confrère jaloux, tire sur ces plumes, méprise-le : « fais semblant de rien » et répète-toi « qu’avec çà et six cens il aura un verre de faro partout ».

D’ailleurs, mon beau chéri des muses brabançonnes, tu n’as reçu que des éloges pour ta littérature : cette uniformité doit te paraître fade : au lieu d’une préface, souhaite le petit éreintement ; le « faquin » sera injuste, mais sa « ratatouille » vinaigrée te fera, acide, l’effet relevant d’une goutte de citron dans une huître : l’huître, ce n’est pas toi, mon vieux, mais la saveur glissante des compliments qu’on fait avaler aux écrivains, et dont ils sont avides. Maintenant, je t’assure que tes livres sont charmants.

Tout d’abord ils se parent d’une couleur locale : je raffole des choses d’un pays, d’un village.

Certain de mes amis, « drrroguiste » à Tirlemont, m’avouait :

— Quand j’arrive quelque part, je prends toujours un verre de bière de la « localitaïe ».

Il ajoutait, roulant ses gros yeux et ses R :

— Ne fût-ce que pour le prrrincipe !

Il avait raison. Partout où vous passez, enquérez-vous des mœurs, de la boisson, de la cuisine, de l’art et des amours. Soulevez tous les couvercles ! Cela instruit toujours et charme souvent.

La Famille Kaekebroeck possède ce cachet spécial. Et tes livres, mon cher, me ravissent d’autant plus qu’ils me rappellent non seulement un coin de ville, mais le coin de ville que je chéris par-dessus tous. Là, quand j’étais petit et même plus tard, j’ai parlé comme Monsieur Van Poppel et Monsieur Rampelbergh, lorsqu’ils étaient enfants ; là j’ai reçu à mes premiers Noëls des couques à printjes et j’ai cru entendre dans l’escalier le pas mystérieux du grand Saint-Nicolas. Les soirs d’hiver — tu te rappelles ? — au son des bellekens, petites sonnettes qui tintinnabulent aux lattis verts des boutiques éclairées par des lampes à pétrole et où l’on vend des « boestrings », des moules à la daube, des chandelles en suif, de la morue et des boîtes d’allumettes à couvercles rouges — « on » allait rue de Flandre, rue au Beurre, voir les vitrines : elles resplendissaient :

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