Author: | COMTESSE DE SEGUR | ISBN: | 1230000212248 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | January 23, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | COMTESSE DE SEGUR |
ISBN: | 1230000212248 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | January 23, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
HÉLÈNE.
Voilà ton paquet presque fini, mon petit Jean, il ne reste plus à y mettre que tes livres.
JEAN.
Et ce ne sera pas lourd, maman ; les voici. »
La mère prend les livres que lui présente Jean et lit : Manuel du Chrétien ; Conseils pratiques aux enfants.
HÉLÈNE.
Il n’y en a guère, il est vrai, mon ami ; mais ils sont bons.
JEAN.
Maman, quand je serai à Paris, je tâcherai de voir le bon prêtre qui a fait ces livres.
HÉLÈNE.
Et tu feras bien, mon ami ; il doit être bon, cela se voit dans ses livres. Et il aime les enfants, cela se voit bien aussi.
JEAN.
Une fois arrivé à Paris et chez Simon, je n’aurai plus peur.
HÉLÈNE.
Il ne faut pas avoir peur non plus sur la route, mon ami. Qu’est-ce qui te ferait du mal ? Et pourquoi te causerait-on du chagrin ?
JEAN.
C’est qu’il y a des gens qui ne sont pas bons, maman ; et il y en a d’autres qui sont même mauvais.
HÉLÈNE.
Je ne dis pas non ; mais tu ne seras pas le premier du pays qui auras été chercher ton pain et ta fortune à Paris ; il ne leur est pas arrivé malheur ; pas vrai ? Le bon Dieu et la sainte Vierge ne sont-ils pas là pour te protéger ?
JEAN.
Aussi je ne dis pas que j’aie peur, allez ; je dis seulement qu’il y a des gens qui ne sont pas bons ; c’est-il pas une vérité, ça ?
HÉLÈNE.
Oui, oui, tout le monde la connaît, cette vérité. Mais tu ne veux pas pleurer en partant, tout de même ! Je ne veux pas que tu pleures.
JEAN.
Soyez tranquille, mère ; je m’en irai bravement comme mon frère Simon, qui est parti sans seulement tourner la tête pour nous regarder. Voilà que j’ai bientôt quatorze ans. Je sais bien ce que c’est que le courage, allez. Je ferai comme Simon.
HÉLÈNE.
C’est bien, mon enfant ; tu es un bon et brave garçon ! Et le cousin Jeannot ? Va-t-il venir ce soir ou demain matin ?
JEAN.
Je ne sais pas, maman ; je ne l’ai guère vu ces trois derniers jours.
HÉLÈNE.
Va donc voir chez sa tante s’il est prêt pour partir demain de grand matin. »
Jean partit lestement. Hélène resta à la porte et le regarda marcher : quand elle ne le vit plus, elle rentra, joignit les mains avec un geste de désespoir, tomba à genoux et s’écria d’une voix entrecoupée par ses larmes :
« Mon enfant, mon petit Jean chéri ? Lui aussi doit partir, me quitter ! Lui aussi va courir mille dangers dans ce long voyage ! mon enfant, mon cher enfant !… Et je dois lui cacher mon chagrin et mes larmes pour ranimer son courage. Je dois paraître insensible à son absence, quand mon cœur frémit d’inquiétude et de douleur ! Pauvre, pauvre enfant ! La misère m’oblige à l’envoyer à son frère. Dieu de bonté, protégez-le ! Marie, mère de miséricorde, ne l’abandonnez pas, veillez sur lui ! »
La pauvre femme pleura quelque temps encore ; puis elle se releva, lava ses yeux rougis par les larmes, et s’efforça de paraître calme et tranquille pour le retour de Jean.
Jean avait marché lestement jusqu’au détour du chemin et tant que sa mère pouvait l’apercevoir. Mais quand il se sentit hors de vue, il s’arrêta, jeta un regard douloureux sur la route qu’il venait de parcourir, sur tous les objets environnants, et il pensa que, le lendemain de grand matin, il passerait par les mêmes endroits, mais pour ne plus les revoir ; et lui aussi pleura.
« Pauvre mère ! se dit-il. Elle croit que je la quitte sans regret ; elle n’a ni inquiétude ni chagrin. Ma tranquillité la rassure et soutient son courage. Ce serait mal et cruel à moi de lui laisser voir combien je suis malheureux de la quitter ! et pour si longtemps ! Mon bon Dieu, donnez-moi du courage jusqu’à la fin ! Ma bonne sainte Vierge, je me mets sous votre protection. Vous veillerez sur moi et vous me ferez revenir près de maman ! »
Jean essuya ses yeux, chercha à se distraire par la pensée de son frère qu’il aimait tendrement, et arriva assez gaiement à la demeure de sa tante Marine. Au moment d’entrer, il s’arrêta effrayé et surpris. Il entendait des cris étouffés, des gémissements, des sanglots. Il poussa vivement la porte ; sa tante était seule et paraissait mécontente, mais ce n’était certainement pas elle qui avait poussé les cris et les gémissements qu’il venait d’entendre.
« Te voilà, petit Jean ? dit-elle ; que veux-tu ?
HÉLÈNE.
Voilà ton paquet presque fini, mon petit Jean, il ne reste plus à y mettre que tes livres.
JEAN.
Et ce ne sera pas lourd, maman ; les voici. »
La mère prend les livres que lui présente Jean et lit : Manuel du Chrétien ; Conseils pratiques aux enfants.
HÉLÈNE.
Il n’y en a guère, il est vrai, mon ami ; mais ils sont bons.
JEAN.
Maman, quand je serai à Paris, je tâcherai de voir le bon prêtre qui a fait ces livres.
HÉLÈNE.
Et tu feras bien, mon ami ; il doit être bon, cela se voit dans ses livres. Et il aime les enfants, cela se voit bien aussi.
JEAN.
Une fois arrivé à Paris et chez Simon, je n’aurai plus peur.
HÉLÈNE.
Il ne faut pas avoir peur non plus sur la route, mon ami. Qu’est-ce qui te ferait du mal ? Et pourquoi te causerait-on du chagrin ?
JEAN.
C’est qu’il y a des gens qui ne sont pas bons, maman ; et il y en a d’autres qui sont même mauvais.
HÉLÈNE.
Je ne dis pas non ; mais tu ne seras pas le premier du pays qui auras été chercher ton pain et ta fortune à Paris ; il ne leur est pas arrivé malheur ; pas vrai ? Le bon Dieu et la sainte Vierge ne sont-ils pas là pour te protéger ?
JEAN.
Aussi je ne dis pas que j’aie peur, allez ; je dis seulement qu’il y a des gens qui ne sont pas bons ; c’est-il pas une vérité, ça ?
HÉLÈNE.
Oui, oui, tout le monde la connaît, cette vérité. Mais tu ne veux pas pleurer en partant, tout de même ! Je ne veux pas que tu pleures.
JEAN.
Soyez tranquille, mère ; je m’en irai bravement comme mon frère Simon, qui est parti sans seulement tourner la tête pour nous regarder. Voilà que j’ai bientôt quatorze ans. Je sais bien ce que c’est que le courage, allez. Je ferai comme Simon.
HÉLÈNE.
C’est bien, mon enfant ; tu es un bon et brave garçon ! Et le cousin Jeannot ? Va-t-il venir ce soir ou demain matin ?
JEAN.
Je ne sais pas, maman ; je ne l’ai guère vu ces trois derniers jours.
HÉLÈNE.
Va donc voir chez sa tante s’il est prêt pour partir demain de grand matin. »
Jean partit lestement. Hélène resta à la porte et le regarda marcher : quand elle ne le vit plus, elle rentra, joignit les mains avec un geste de désespoir, tomba à genoux et s’écria d’une voix entrecoupée par ses larmes :
« Mon enfant, mon petit Jean chéri ? Lui aussi doit partir, me quitter ! Lui aussi va courir mille dangers dans ce long voyage ! mon enfant, mon cher enfant !… Et je dois lui cacher mon chagrin et mes larmes pour ranimer son courage. Je dois paraître insensible à son absence, quand mon cœur frémit d’inquiétude et de douleur ! Pauvre, pauvre enfant ! La misère m’oblige à l’envoyer à son frère. Dieu de bonté, protégez-le ! Marie, mère de miséricorde, ne l’abandonnez pas, veillez sur lui ! »
La pauvre femme pleura quelque temps encore ; puis elle se releva, lava ses yeux rougis par les larmes, et s’efforça de paraître calme et tranquille pour le retour de Jean.
Jean avait marché lestement jusqu’au détour du chemin et tant que sa mère pouvait l’apercevoir. Mais quand il se sentit hors de vue, il s’arrêta, jeta un regard douloureux sur la route qu’il venait de parcourir, sur tous les objets environnants, et il pensa que, le lendemain de grand matin, il passerait par les mêmes endroits, mais pour ne plus les revoir ; et lui aussi pleura.
« Pauvre mère ! se dit-il. Elle croit que je la quitte sans regret ; elle n’a ni inquiétude ni chagrin. Ma tranquillité la rassure et soutient son courage. Ce serait mal et cruel à moi de lui laisser voir combien je suis malheureux de la quitter ! et pour si longtemps ! Mon bon Dieu, donnez-moi du courage jusqu’à la fin ! Ma bonne sainte Vierge, je me mets sous votre protection. Vous veillerez sur moi et vous me ferez revenir près de maman ! »
Jean essuya ses yeux, chercha à se distraire par la pensée de son frère qu’il aimait tendrement, et arriva assez gaiement à la demeure de sa tante Marine. Au moment d’entrer, il s’arrêta effrayé et surpris. Il entendait des cris étouffés, des gémissements, des sanglots. Il poussa vivement la porte ; sa tante était seule et paraissait mécontente, mais ce n’était certainement pas elle qui avait poussé les cris et les gémissements qu’il venait d’entendre.
« Te voilà, petit Jean ? dit-elle ; que veux-tu ?