Author: | LOUIS BLANC | ISBN: | 1230001717518 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | June 13, 2017 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | LOUIS BLANC |
ISBN: | 1230001717518 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | June 13, 2017 |
Imprint: | |
Language: | French |
Présentation de l’éditeur :
Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relue et corrigé.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.
Extrait :
Le 30 janvier 1836, les portes du palais du Luxembourg s’ouvrirent pour un procès nouveau. La Cour des pairs allait juger l’assassin du 28 juillet et ses complices. Dans l’enceinte, et en avant du bureau du greffier, on voyait étalés, entre autres pièces à conviction, une machine supportant des fusils inclinés, un tison, un poignard, un martinet à lanières garnies de balles de plomb, un gantelet de fer, une corde ensanglantée. La foule se pressait dans les tribunes, partagée entre une sorte de curiosité sauvage et un profond sentiment d’horreur.
Les accusés furent introduits. Ils étaient au nombre de cinq ; mais il y en eut trois qui fixèrent plus particulièrement l’attention des spectateurs.
Le premier était un homme petit, impétueux dans ses mouvements. Son visage, défiguré par de récentes blessures, exprimait tout à la fois l’astuce et l’audace. Il avait le front étroit, les cheveux courts, le coin de la bouche relevé à gauche par une cicatrice, le sourire provocateur et faux, la lèvre impudente. Il s’agitait beaucoup pour qu’on ne remarquât que lui seul, insultant d’un geste familier ceux qu’il connaissait, et jouissant avec affectation de son odieuse importance.
Le second était un vieillard malade et blême. Toutefois, à l’austérité de sa physionomie, à son œil plein d’une flamme sombre, au calme implacable de sa face romaine, on devinait son cœur. Il s’avança lentement, s’assit à la place désignée sans donner le moindre signe d’émotion et, la tête penchée sur sa main amaigrie, il demeura immobile, le regard fixe, indifférent à ce qui l’entourait, et comme plongé dans la contemplation du monde intérieur.
Le troisième ne se détachait de ses compagnons que par l’excès de son abattement.
On procéda aux interrogatoires. Mais, avant d’aller plus loin, il faut reprendre l’affaire au point où nous avions dû la laisser dans le volume qui précède.
Le lecteur connaît les détails de l’horrible catastrophe qui, le 28 juillet 1835, avait épouvanté Paris. Quelques instants après l’explosion, une jeune fille venant de l’hospice de la Salpêtrière traversait le boulevard, à la hauteur du jardin Turc. Une pâleur mortelle couvrait ses joues, et son regard effaré semblait interroger les passants avec angoisse. Arrivée au n° 50, et apprenant que c’était de là qu’était partie l’explosion, elle revint sur ses pas précipitamment, regagna la Salpêtrière et ne s’y arrêta que le temps nécessaire pour changer de vêtements. Elle pleurait, elle tremblait, et ne cessait de répéter d’une voix étouffée « Je suis perdue !» a C’était la maîtresse de l’assassin : Nina Lassave.
Dans sa frayeur, elle courut se réfugier chez un vieux bourrelier nommé Morey, avec lequel son amant avait eu des relations fréquentes. Celui-ci la reçut affectueusement, la rassura, la conduisit dans un asile qu’il croyait sûr, et ne la quitta qu’après lui avoir promis de revenir le lendemain. Il revint en effet suivi d’un commissionnaire qui portait une malle mystérieuse ; et ce fut par-là que tout se découvrit. Cette malle avait appartenu à l’assassin et avait été portée, quelques heures avant l’attentat, chez un ouvrier marbrier, avec ordre de ne la remettre qu’à Morey. On n’eut pas de peine à connaître l’itinéraire de la malle, par les commissionnaires auxquels elle avait été successivement confiée ; et, le 3 août (1835), l’asile de Nina Lassave était envahi par les agents de la force publique. A leur aspect, elle essaya de se tuer, mais on enchaîna son désespoir. Alors elle tira de son corset une lettre qui contenait ces mots « Vous êtes prié de ne plus aller « voir Nina elle n’existera plus dès ce soir. Elle « laisse dans la chambre la chose dont elle était dépositaire. Voilà ce que c’est que de l’avoir abandonnée. Adieu. » Interrogée, Nina Lassave refusa quelque temps de s’expliquer. Enfin elle avoua que c’était Morey qui avait fait porter la malle chez elle, et que c’était à lui qu’était destiné le billet.
Morey nourrissait contre les rois une haine contenue. Ame violente et profonde dans un corps usé par l’âge, il parlait peu, et possédait cette sinistre puissance que donnent une passion unique et le mépris de la mort. On l’arrêta, et il fut traîné devant le juge d’instruction. Mais là il se montra si impassible, si complétement maître de sa pensée, il répondit avec tant de sang-froid aux questions dont on le pressa, que la justice le rendit à la liberté. Elle se ravisa bientôt ; et, quand elle se présenta pour la seconde fois, il lui ouvrit tranquillement sa porte et se livra de nouveau à elle avec une inconcevable sérénité.
L’arrestation la plus importante après celle de Morey fut celle d’un marchand d’épiceries nommé Pépin, homme excessivement timide et faible, mais qui avait été compromis dans les troubles de juin et qu’un solennel verdict d’acquittement n’avait pu protéger, depuis, contre les soupçons de la police. Une fouille opérée dans sa maison et en sa présence par trois agents seulement, lui ayant fourni l’occasion de s’évader, il en profita. Où se cachait-il ? On l’ignora long-temps ; et une fausse nouvelle, rapidement propagée par les journaux, le faisait déjà supposer hors du royaume, lorsque tout-à-coup M. Gisquet reçut avis qu’on était sur la trace du fugitif ; que sa retraite était située entre Meaux et Coulommiers, dans l’épaisseur de la forêt de Crécy. Il ne tarda pas effectivement à être arrêté à Magny, où il fut trouvé en chemise, caché dans une fausse armoire, au fond d’une alcôve, et troublé à un point qui touchait au délire.
Présentation de l’éditeur :
Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relue et corrigé.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.
Extrait :
Le 30 janvier 1836, les portes du palais du Luxembourg s’ouvrirent pour un procès nouveau. La Cour des pairs allait juger l’assassin du 28 juillet et ses complices. Dans l’enceinte, et en avant du bureau du greffier, on voyait étalés, entre autres pièces à conviction, une machine supportant des fusils inclinés, un tison, un poignard, un martinet à lanières garnies de balles de plomb, un gantelet de fer, une corde ensanglantée. La foule se pressait dans les tribunes, partagée entre une sorte de curiosité sauvage et un profond sentiment d’horreur.
Les accusés furent introduits. Ils étaient au nombre de cinq ; mais il y en eut trois qui fixèrent plus particulièrement l’attention des spectateurs.
Le premier était un homme petit, impétueux dans ses mouvements. Son visage, défiguré par de récentes blessures, exprimait tout à la fois l’astuce et l’audace. Il avait le front étroit, les cheveux courts, le coin de la bouche relevé à gauche par une cicatrice, le sourire provocateur et faux, la lèvre impudente. Il s’agitait beaucoup pour qu’on ne remarquât que lui seul, insultant d’un geste familier ceux qu’il connaissait, et jouissant avec affectation de son odieuse importance.
Le second était un vieillard malade et blême. Toutefois, à l’austérité de sa physionomie, à son œil plein d’une flamme sombre, au calme implacable de sa face romaine, on devinait son cœur. Il s’avança lentement, s’assit à la place désignée sans donner le moindre signe d’émotion et, la tête penchée sur sa main amaigrie, il demeura immobile, le regard fixe, indifférent à ce qui l’entourait, et comme plongé dans la contemplation du monde intérieur.
Le troisième ne se détachait de ses compagnons que par l’excès de son abattement.
On procéda aux interrogatoires. Mais, avant d’aller plus loin, il faut reprendre l’affaire au point où nous avions dû la laisser dans le volume qui précède.
Le lecteur connaît les détails de l’horrible catastrophe qui, le 28 juillet 1835, avait épouvanté Paris. Quelques instants après l’explosion, une jeune fille venant de l’hospice de la Salpêtrière traversait le boulevard, à la hauteur du jardin Turc. Une pâleur mortelle couvrait ses joues, et son regard effaré semblait interroger les passants avec angoisse. Arrivée au n° 50, et apprenant que c’était de là qu’était partie l’explosion, elle revint sur ses pas précipitamment, regagna la Salpêtrière et ne s’y arrêta que le temps nécessaire pour changer de vêtements. Elle pleurait, elle tremblait, et ne cessait de répéter d’une voix étouffée « Je suis perdue !» a C’était la maîtresse de l’assassin : Nina Lassave.
Dans sa frayeur, elle courut se réfugier chez un vieux bourrelier nommé Morey, avec lequel son amant avait eu des relations fréquentes. Celui-ci la reçut affectueusement, la rassura, la conduisit dans un asile qu’il croyait sûr, et ne la quitta qu’après lui avoir promis de revenir le lendemain. Il revint en effet suivi d’un commissionnaire qui portait une malle mystérieuse ; et ce fut par-là que tout se découvrit. Cette malle avait appartenu à l’assassin et avait été portée, quelques heures avant l’attentat, chez un ouvrier marbrier, avec ordre de ne la remettre qu’à Morey. On n’eut pas de peine à connaître l’itinéraire de la malle, par les commissionnaires auxquels elle avait été successivement confiée ; et, le 3 août (1835), l’asile de Nina Lassave était envahi par les agents de la force publique. A leur aspect, elle essaya de se tuer, mais on enchaîna son désespoir. Alors elle tira de son corset une lettre qui contenait ces mots « Vous êtes prié de ne plus aller « voir Nina elle n’existera plus dès ce soir. Elle « laisse dans la chambre la chose dont elle était dépositaire. Voilà ce que c’est que de l’avoir abandonnée. Adieu. » Interrogée, Nina Lassave refusa quelque temps de s’expliquer. Enfin elle avoua que c’était Morey qui avait fait porter la malle chez elle, et que c’était à lui qu’était destiné le billet.
Morey nourrissait contre les rois une haine contenue. Ame violente et profonde dans un corps usé par l’âge, il parlait peu, et possédait cette sinistre puissance que donnent une passion unique et le mépris de la mort. On l’arrêta, et il fut traîné devant le juge d’instruction. Mais là il se montra si impassible, si complétement maître de sa pensée, il répondit avec tant de sang-froid aux questions dont on le pressa, que la justice le rendit à la liberté. Elle se ravisa bientôt ; et, quand elle se présenta pour la seconde fois, il lui ouvrit tranquillement sa porte et se livra de nouveau à elle avec une inconcevable sérénité.
L’arrestation la plus importante après celle de Morey fut celle d’un marchand d’épiceries nommé Pépin, homme excessivement timide et faible, mais qui avait été compromis dans les troubles de juin et qu’un solennel verdict d’acquittement n’avait pu protéger, depuis, contre les soupçons de la police. Une fouille opérée dans sa maison et en sa présence par trois agents seulement, lui ayant fourni l’occasion de s’évader, il en profita. Où se cachait-il ? On l’ignora long-temps ; et une fausse nouvelle, rapidement propagée par les journaux, le faisait déjà supposer hors du royaume, lorsque tout-à-coup M. Gisquet reçut avis qu’on était sur la trace du fugitif ; que sa retraite était située entre Meaux et Coulommiers, dans l’épaisseur de la forêt de Crécy. Il ne tarda pas effectivement à être arrêté à Magny, où il fut trouvé en chemise, caché dans une fausse armoire, au fond d’une alcôve, et troublé à un point qui touchait au délire.