Les Mystères du peuple Tome VIII

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Les Mystères du peuple Tome VIII by EUGÈNE SUE, GILBERT TEROL
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Author: EUGÈNE SUE ISBN: 1230001382679
Publisher: GILBERT TEROL Publication: October 12, 2016
Imprint: Language: French
Author: EUGÈNE SUE
ISBN: 1230001382679
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: October 12, 2016
Imprint:
Language: French

Avant de poursuivre ce récit, fils de Joel, quelques mots sur une institution, oppressive aux temps abhorrés de la conquête franque et de la féodalité ; mais qui, grâce au réveil de la Gaule et aux soulèvements populaires dont l’insurrection des communes a donné le signal, est devenue un instrument d’affranchissement. Vous l’avez vu, fils de Joel, la conquête franque, il y a près de dix siècles, fonda la première dynastie de ces rois étrangers à la Gaule, sous le pouvoir desquels nous vivons encore aujourd’hui. Clovis et ses descendants convoquèrent presque annuellement, à des réunions qu’ils appelaient champs de mai, leurs principaux leudes, ou chefs de bandes ; dans ces assemblées, d’où les Gaulois vaincus étaient exclus, les guerriers franks délibéraient avec le roi, et dans leur langage germanique, sur de nouvelles entreprises guerrières ou sur de nouvelles exactions à imposer au peuple asservi. Ce fut à ces champs de mai que, sous la domination envahissante des maires du palais, les rois fainéants, ces derniers rejetons de Clovis, abrutis et énervés, paraissaient une fois l’an, avec des barbes postiches, comme de grotesques et vains simulacres de la royauté. Ces assemblées se tinrent aussi sous les règnes de Charlemagne et des rois karolingiens. Dès la première race, les évêques, complices des Franks conquérants, firent partie de ces réunions, où siégeaient seuls la noblesse et le clergé. Hugues Capet et ses descendants tinrent aussi de temps à autre dans leurs domaines des cours ou parlements composés de seigneurs et de prélats, mais d’où les bourgeois, les artisans et les serfs, descendants des Gaulois conquis, restèrent exclus, ainsi que par le passé, ces assemblées représentant uniquement les égoïstes intérêts des descendants ou des complices de la conquête. Cependant, vers la fin du siècle dernier, en 1290, les légistes ou gens de loi, d’origine plébéienne, commencèrent d’entrer dans ces parlements. Le pouvoir royal, établi sur les ruines de la féodalité, devenait de plus en plus oppressif et absolu ; les parlements se bornaient à enregistrer et à promulguer servilement les ordonnances royales, au lieu de rester, comme par le passé, de libres assemblées où rois, seigneurs et prélats délibéraient en pairs, en égaux, sur les affaires de l’État ( qui n’étaient point celles du populaire, tant s’en faut). Mais bientôt il advint ceci : les parlements enregistraient lois sur lois, ordonnances sur ordonnances ; et ni lois ni ordonnances n’étaient exécutées. Pourquoi ? Ah ! c’est que l’esprit de liberté, soufflant enfin sur la vieille Gaule, avait non-seulement amené l’insurrection des communes, mais une sorte d’insurrection générale contre la royauté, qui tendait de plus en plus à tout absorber, à tout dévorer ; aussi les bourgeois, retranchés dans leurs cités, les seigneurs dans leurs châteaux, les évêques dans leurs diocèses, refusaient de payer les impôts, fixés selon le bon plaisir du roi. Témoin Philippe-le-Bel, qui, au commencement de ce siècle-ci, eut beau décréter et redécréter cette taxe écrasante montant au cinquième du revenu de chacun ; Philippe-le-Bel en fut pour ses décrets, et ses officiers emboursèrent à Paris, à Orléans et ailleurs, force coups d’épées, de pierres et de bâtons, mais de florins peu ou point du tout ! En cette occurrence, Enguerrand de Marigny, ministre habile, qui fut pendu plus tard, dit ceci au roi Philippe-le-Bel : « — Beau sire, vous n’êtes pas le plus fort ; donc, croyez-moi, au lieu d’ordonner, demandez, priez, suppliez, s’il le faut, et, pour ce faire, convoquez des assemblées nationales, ou états-généraux, composées de prélats, de seigneurs et de bourgeois, députés des communes ; car de nos jours, beau sire, il faut absolument compter avec la bourgeoisie, qui a fini par s’émanciper. À cette assemblée nationale, exposez gentiment, doucement, honnêtement, vos besoins, et vous avez grand’chance de voir remplir vos coffres. » L’avis était sage ; Philippe-le Bel le suivit. De sorte que, pour la première fois depuis neuf siècles, et grâce aux héroïques insurrections communales, les bourgeois, ces plébéiens représentant le peuple vaincu, la race gauloise asservie, prirent place à l’assemblée nationale à côté des seigneurs, représentant la conquête, et des évêques, leurs éternels complices. Ces États-généraux assemblés, le roi, se faisant humble, petit, pauvret et bon prince, obtint d’eux les levées d’hommes et des subsides dont il avait besoin. Depuis lors, ses descendants, tous cupides, prodigues ou besogneux s’il en fut, convoquaient l’assemblée nationale lorsqu’ils voulaient établir de nouvelles taxes ou faire des levées d’hommes ; à ces assemblées, les bourgeois députés des communes se rendaient toujours avec défiance ; car la royauté ne les convoquait jamais que pour exiger d’eux l’or et le sang de la Gaule. Exiger, c’est le mot ; car en vain les députés bourgeois refusaient les levées d’hommes et l’argent qui leur paraissaient injustement demandés, ces refus étaient nuls : voici pourquoi. Les États-généraux se composaient de trois états : la noblesse, — le clergé, — la bourgeoisie, chaque ordre étant représenté par un nombre égal de députés. Or, la bourgeoisie se trouvait seule de son avis contre la noblesse et le clergé, toujours fort empressés de satisfaire aux désirs de la royauté à l’endroit des impôts. La raison en était simple : les prélats et les seigneurs, exemptés de taxes en vertu des priviléges de leur noblesse ou de leur prêtrise, recevant, grâce aux prodigalités royales, une grosse part des impôts, ils les consentaient à cœur-joie, puisqu’ils en profitaient et que le poids écrasant de ces taxes retombait tout entier sur la bourgeoisie et sur le populaire. Ceci était très-fâcheux ; mais enfin, progrès immense, dû aux premières insurrections communales, ces bourgeois, quoiqu’en minorité, ces bourgeois, représentants des Gaulois vaincus et asservis depuis des siècles, avaient voix et place à l’assemblée nationale à côté des seigneurs et des évêques, représentant la conquête !

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Avant de poursuivre ce récit, fils de Joel, quelques mots sur une institution, oppressive aux temps abhorrés de la conquête franque et de la féodalité ; mais qui, grâce au réveil de la Gaule et aux soulèvements populaires dont l’insurrection des communes a donné le signal, est devenue un instrument d’affranchissement. Vous l’avez vu, fils de Joel, la conquête franque, il y a près de dix siècles, fonda la première dynastie de ces rois étrangers à la Gaule, sous le pouvoir desquels nous vivons encore aujourd’hui. Clovis et ses descendants convoquèrent presque annuellement, à des réunions qu’ils appelaient champs de mai, leurs principaux leudes, ou chefs de bandes ; dans ces assemblées, d’où les Gaulois vaincus étaient exclus, les guerriers franks délibéraient avec le roi, et dans leur langage germanique, sur de nouvelles entreprises guerrières ou sur de nouvelles exactions à imposer au peuple asservi. Ce fut à ces champs de mai que, sous la domination envahissante des maires du palais, les rois fainéants, ces derniers rejetons de Clovis, abrutis et énervés, paraissaient une fois l’an, avec des barbes postiches, comme de grotesques et vains simulacres de la royauté. Ces assemblées se tinrent aussi sous les règnes de Charlemagne et des rois karolingiens. Dès la première race, les évêques, complices des Franks conquérants, firent partie de ces réunions, où siégeaient seuls la noblesse et le clergé. Hugues Capet et ses descendants tinrent aussi de temps à autre dans leurs domaines des cours ou parlements composés de seigneurs et de prélats, mais d’où les bourgeois, les artisans et les serfs, descendants des Gaulois conquis, restèrent exclus, ainsi que par le passé, ces assemblées représentant uniquement les égoïstes intérêts des descendants ou des complices de la conquête. Cependant, vers la fin du siècle dernier, en 1290, les légistes ou gens de loi, d’origine plébéienne, commencèrent d’entrer dans ces parlements. Le pouvoir royal, établi sur les ruines de la féodalité, devenait de plus en plus oppressif et absolu ; les parlements se bornaient à enregistrer et à promulguer servilement les ordonnances royales, au lieu de rester, comme par le passé, de libres assemblées où rois, seigneurs et prélats délibéraient en pairs, en égaux, sur les affaires de l’État ( qui n’étaient point celles du populaire, tant s’en faut). Mais bientôt il advint ceci : les parlements enregistraient lois sur lois, ordonnances sur ordonnances ; et ni lois ni ordonnances n’étaient exécutées. Pourquoi ? Ah ! c’est que l’esprit de liberté, soufflant enfin sur la vieille Gaule, avait non-seulement amené l’insurrection des communes, mais une sorte d’insurrection générale contre la royauté, qui tendait de plus en plus à tout absorber, à tout dévorer ; aussi les bourgeois, retranchés dans leurs cités, les seigneurs dans leurs châteaux, les évêques dans leurs diocèses, refusaient de payer les impôts, fixés selon le bon plaisir du roi. Témoin Philippe-le-Bel, qui, au commencement de ce siècle-ci, eut beau décréter et redécréter cette taxe écrasante montant au cinquième du revenu de chacun ; Philippe-le-Bel en fut pour ses décrets, et ses officiers emboursèrent à Paris, à Orléans et ailleurs, force coups d’épées, de pierres et de bâtons, mais de florins peu ou point du tout ! En cette occurrence, Enguerrand de Marigny, ministre habile, qui fut pendu plus tard, dit ceci au roi Philippe-le-Bel : « — Beau sire, vous n’êtes pas le plus fort ; donc, croyez-moi, au lieu d’ordonner, demandez, priez, suppliez, s’il le faut, et, pour ce faire, convoquez des assemblées nationales, ou états-généraux, composées de prélats, de seigneurs et de bourgeois, députés des communes ; car de nos jours, beau sire, il faut absolument compter avec la bourgeoisie, qui a fini par s’émanciper. À cette assemblée nationale, exposez gentiment, doucement, honnêtement, vos besoins, et vous avez grand’chance de voir remplir vos coffres. » L’avis était sage ; Philippe-le Bel le suivit. De sorte que, pour la première fois depuis neuf siècles, et grâce aux héroïques insurrections communales, les bourgeois, ces plébéiens représentant le peuple vaincu, la race gauloise asservie, prirent place à l’assemblée nationale à côté des seigneurs, représentant la conquête, et des évêques, leurs éternels complices. Ces États-généraux assemblés, le roi, se faisant humble, petit, pauvret et bon prince, obtint d’eux les levées d’hommes et des subsides dont il avait besoin. Depuis lors, ses descendants, tous cupides, prodigues ou besogneux s’il en fut, convoquaient l’assemblée nationale lorsqu’ils voulaient établir de nouvelles taxes ou faire des levées d’hommes ; à ces assemblées, les bourgeois députés des communes se rendaient toujours avec défiance ; car la royauté ne les convoquait jamais que pour exiger d’eux l’or et le sang de la Gaule. Exiger, c’est le mot ; car en vain les députés bourgeois refusaient les levées d’hommes et l’argent qui leur paraissaient injustement demandés, ces refus étaient nuls : voici pourquoi. Les États-généraux se composaient de trois états : la noblesse, — le clergé, — la bourgeoisie, chaque ordre étant représenté par un nombre égal de députés. Or, la bourgeoisie se trouvait seule de son avis contre la noblesse et le clergé, toujours fort empressés de satisfaire aux désirs de la royauté à l’endroit des impôts. La raison en était simple : les prélats et les seigneurs, exemptés de taxes en vertu des priviléges de leur noblesse ou de leur prêtrise, recevant, grâce aux prodigalités royales, une grosse part des impôts, ils les consentaient à cœur-joie, puisqu’ils en profitaient et que le poids écrasant de ces taxes retombait tout entier sur la bourgeoisie et sur le populaire. Ceci était très-fâcheux ; mais enfin, progrès immense, dû aux premières insurrections communales, ces bourgeois, quoiqu’en minorité, ces bourgeois, représentants des Gaulois vaincus et asservis depuis des siècles, avaient voix et place à l’assemblée nationale à côté des seigneurs et des évêques, représentant la conquête !

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