Les Aventures de Nigel

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Les Aventures de Nigel by Walter Scott, GILBERT TEROL
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Author: Walter Scott ISBN: 1230002801391
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 6, 2018
Imprint: Language: French
Author: Walter Scott
ISBN: 1230002801391
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 6, 2018
Imprint:
Language: French

On aurait pu croire que la visite de John Christie aurait entièrement détourné l’attention de Nigel de son jeune compagnon ; et effectivement, tel fut l’effet que produisirent d’abord les réflexions que cette circonstance amena : cependant, quelques moments après le départ de Christie, lord Glenvarloch commença à trouver extraordinaire que l’enfant eût dormi d’un sommeil si profond pendant qu’on parlait si haut à ses oreilles ; pourtant il ne paraissait pas s’être réveillé. Était-il malade ? ou feignait-il de dormir ? Il s’approcha de lui pour s’en assurer, et remarqua qu’il avait pleuré, et pleurait encore, quoiqu’il eût les yeux fermés. Il le toucha doucement sur l’épaule : l’enfant tressaillit, mais ne s’éveilla pas ; il le secoua plus fort, et lui demanda s’il dormait.

« Est-ce l’usage de votre pays d’éveiller les gens pour s’assurer s’ils dorment ou non ? » demanda l’enfant d’un ton impatient.

« Non, mon petit ami, répondit Nigel ; mais quand ils pleurent en dormant, comme vous le faites, on les réveille pour leur demander ce qu’ils ont. — Ce que j’ai n’importe guère à personne, reprit l’enfant. — Cela se peut, dit lord Glenvarloch ; mais avant de vous endormir vous saviez le peu de moyens que j’avais de vous être utile, et néanmoins vous paraissiez disposé à mettre quelque confiance en moi. — S’il en était ainsi, j’ai changé d’avis. — Et qui peut avoir occasionné ce changement d’avis ? Il y a des gens qui ont la faculté de parler en dormant ; peut-être avez-vous celle d’entendre ? — Non ; mais le patriarche Joseph ne fit jamais de rêves plus vrais que les miens. — Vraiment ! et dites-moi, je vous prie, quel rêve vous avez pu faire qui m’ait enlevé la bonne opinion que vous aviez de moi ? car voilà, je pense, quelle en est la conclusion. — Vous en jugerez vous-même, répondit l’enfant… Je rêvais que j’étais dans une forêt sauvage qui retentissait de l’aboiement des chiens et des sons du cor, tout comme ce que j’ai entendu ce matin. — Cela vient d’avoir été ce matin dans le parc, enfant que vous êtes. — Attendez, milord : mon rêve continuait de la sorte, quand, à l’entrée d’une large allée de verdure, je vis un noble cerf tombé dans le piège, je pensai que c’était ce même cerf que l’on poursuivait, et que, si la chasse arrivait, les chiens le mettraient en pièces, et les chasseurs lui couperaient la gorge… J’eus pitié du pauvre cerf ; et quoique je fusse d’une autre espèce que lui, et qu’il m’inspirât même quelque frayeur, je résolus de risquer quelque chose pour sauver un si majestueux animal… Je tirai donc mon couteau ; et comme je commençais à couper les mailles du filet, l’animal s’élança sur moi sous la forme d’un tigre plus grand et plus féroce qu’aucun de ceux que vous avez pu voir à la ménagerie des bêtes sauvages, et il était sur le point de me déchirer les membres quand vous m’avez éveillé. — Il me semble que je méritais d’autres remercîments pour vous avoir délivré d’un tel danger en vous éveillant ; mais, mon cher enfant, je ne vois pas dans toute cette histoire d’un tigre et d’un cerf un grand rapport avec votre changement d’humeur à mon égard. — Je ne sais si elle en a ou non ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne vous dirai pas qui je suis. — Eh bien donc, gardez votre secret, jeune obstiné que vous êtes, « dit Nigel en le laissant, et recommençant à se promener dans la chambre ; puis s’arrêtant tout à coup, il ajouta : » Et cependant vous ne m’échapperez pas sans savoir que j’ai pénétré votre secret. — Mon secret, » dit le jeune homme avec un mélange de crainte et d’irritation ; « que voulez-vous dire, milord ? — Seulement que je puis expliquer votre rêve sans l’aide d’un interprète chaldéen ; et voici comment je le fais… c’est que mon gentil compagnon ne porte pas les habits de son sexe. — Et quand il en serait ainsi, milord ? » s’écria l’inconnu en se levant à la hâte, et s’enveloppant des plis de son manteau : l’habit que je porte, tel qu’il est, couvre une personne qui ne le déshonorera pas. — Il y a des gens qui appelleraient cela un véritable défi, » dit lord Glenvarloch en la regardant fixement ; « mais les femmes n’empruntent pas les habits des hommes dans le dessein de se servir de leurs armes. — Ce n’est pas mon dessein, » répliqua le jeune homme supposé ; « j’ai d’autres moyens de protection, mais je désire savoir d’abord quelles sont vos intentions. — Elles sont honorables, et vous pouvez compter sur mon respect, répondit lord Glenvarloch. Quels que soient votre nom et le motif qui vous a placée dans une situation équivoque, je suis convaincu, et il n’y a pas une de vos paroles, un de vos gestes, qui ne le fasse sentir davantage que vous n’êtes pas faite pour être l’objet d’importunités offensantes, encore bien moins pour justifier un manque d’égards. J’ignore quelles sont les circonstances qui ont pu vous entraîner dans cette position délicate ; mais je suis convaincu qu’il ne peut y avoir de votre part des torts assez graves pour mériter de froides insultes… Vous n’avez rien à craindre de moi. — Je n’en attendais pas moins de votre honneur, milord, reprit la jeune femme. L’aventure qui m’a conduite ici tient, je l’avoue, à une entreprise bien folle et bien désespérée, quoique je ne sois pas aussi dénuée de protection, et que ma situation puisse s’expliquer d’une manière moins choquante que ma présence ici, sous cet étrange déguisement, ne peut le faire supposer. J’ai assez et trop souffert de la seule honte d’être vue sous cet humiliant costume, et des conjectures que vous devez nécessairement avoir formées sur ma conduite ; mais je remercie Dieu du moins de m’avoir accordé une protection telle que je n’aurais pu être insultée sans en obtenir vengeance. »

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On aurait pu croire que la visite de John Christie aurait entièrement détourné l’attention de Nigel de son jeune compagnon ; et effectivement, tel fut l’effet que produisirent d’abord les réflexions que cette circonstance amena : cependant, quelques moments après le départ de Christie, lord Glenvarloch commença à trouver extraordinaire que l’enfant eût dormi d’un sommeil si profond pendant qu’on parlait si haut à ses oreilles ; pourtant il ne paraissait pas s’être réveillé. Était-il malade ? ou feignait-il de dormir ? Il s’approcha de lui pour s’en assurer, et remarqua qu’il avait pleuré, et pleurait encore, quoiqu’il eût les yeux fermés. Il le toucha doucement sur l’épaule : l’enfant tressaillit, mais ne s’éveilla pas ; il le secoua plus fort, et lui demanda s’il dormait.

« Est-ce l’usage de votre pays d’éveiller les gens pour s’assurer s’ils dorment ou non ? » demanda l’enfant d’un ton impatient.

« Non, mon petit ami, répondit Nigel ; mais quand ils pleurent en dormant, comme vous le faites, on les réveille pour leur demander ce qu’ils ont. — Ce que j’ai n’importe guère à personne, reprit l’enfant. — Cela se peut, dit lord Glenvarloch ; mais avant de vous endormir vous saviez le peu de moyens que j’avais de vous être utile, et néanmoins vous paraissiez disposé à mettre quelque confiance en moi. — S’il en était ainsi, j’ai changé d’avis. — Et qui peut avoir occasionné ce changement d’avis ? Il y a des gens qui ont la faculté de parler en dormant ; peut-être avez-vous celle d’entendre ? — Non ; mais le patriarche Joseph ne fit jamais de rêves plus vrais que les miens. — Vraiment ! et dites-moi, je vous prie, quel rêve vous avez pu faire qui m’ait enlevé la bonne opinion que vous aviez de moi ? car voilà, je pense, quelle en est la conclusion. — Vous en jugerez vous-même, répondit l’enfant… Je rêvais que j’étais dans une forêt sauvage qui retentissait de l’aboiement des chiens et des sons du cor, tout comme ce que j’ai entendu ce matin. — Cela vient d’avoir été ce matin dans le parc, enfant que vous êtes. — Attendez, milord : mon rêve continuait de la sorte, quand, à l’entrée d’une large allée de verdure, je vis un noble cerf tombé dans le piège, je pensai que c’était ce même cerf que l’on poursuivait, et que, si la chasse arrivait, les chiens le mettraient en pièces, et les chasseurs lui couperaient la gorge… J’eus pitié du pauvre cerf ; et quoique je fusse d’une autre espèce que lui, et qu’il m’inspirât même quelque frayeur, je résolus de risquer quelque chose pour sauver un si majestueux animal… Je tirai donc mon couteau ; et comme je commençais à couper les mailles du filet, l’animal s’élança sur moi sous la forme d’un tigre plus grand et plus féroce qu’aucun de ceux que vous avez pu voir à la ménagerie des bêtes sauvages, et il était sur le point de me déchirer les membres quand vous m’avez éveillé. — Il me semble que je méritais d’autres remercîments pour vous avoir délivré d’un tel danger en vous éveillant ; mais, mon cher enfant, je ne vois pas dans toute cette histoire d’un tigre et d’un cerf un grand rapport avec votre changement d’humeur à mon égard. — Je ne sais si elle en a ou non ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne vous dirai pas qui je suis. — Eh bien donc, gardez votre secret, jeune obstiné que vous êtes, « dit Nigel en le laissant, et recommençant à se promener dans la chambre ; puis s’arrêtant tout à coup, il ajouta : » Et cependant vous ne m’échapperez pas sans savoir que j’ai pénétré votre secret. — Mon secret, » dit le jeune homme avec un mélange de crainte et d’irritation ; « que voulez-vous dire, milord ? — Seulement que je puis expliquer votre rêve sans l’aide d’un interprète chaldéen ; et voici comment je le fais… c’est que mon gentil compagnon ne porte pas les habits de son sexe. — Et quand il en serait ainsi, milord ? » s’écria l’inconnu en se levant à la hâte, et s’enveloppant des plis de son manteau : l’habit que je porte, tel qu’il est, couvre une personne qui ne le déshonorera pas. — Il y a des gens qui appelleraient cela un véritable défi, » dit lord Glenvarloch en la regardant fixement ; « mais les femmes n’empruntent pas les habits des hommes dans le dessein de se servir de leurs armes. — Ce n’est pas mon dessein, » répliqua le jeune homme supposé ; « j’ai d’autres moyens de protection, mais je désire savoir d’abord quelles sont vos intentions. — Elles sont honorables, et vous pouvez compter sur mon respect, répondit lord Glenvarloch. Quels que soient votre nom et le motif qui vous a placée dans une situation équivoque, je suis convaincu, et il n’y a pas une de vos paroles, un de vos gestes, qui ne le fasse sentir davantage que vous n’êtes pas faite pour être l’objet d’importunités offensantes, encore bien moins pour justifier un manque d’égards. J’ignore quelles sont les circonstances qui ont pu vous entraîner dans cette position délicate ; mais je suis convaincu qu’il ne peut y avoir de votre part des torts assez graves pour mériter de froides insultes… Vous n’avez rien à craindre de moi. — Je n’en attendais pas moins de votre honneur, milord, reprit la jeune femme. L’aventure qui m’a conduite ici tient, je l’avoue, à une entreprise bien folle et bien désespérée, quoique je ne sois pas aussi dénuée de protection, et que ma situation puisse s’expliquer d’une manière moins choquante que ma présence ici, sous cet étrange déguisement, ne peut le faire supposer. J’ai assez et trop souffert de la seule honte d’être vue sous cet humiliant costume, et des conjectures que vous devez nécessairement avoir formées sur ma conduite ; mais je remercie Dieu du moins de m’avoir accordé une protection telle que je n’aurais pu être insultée sans en obtenir vengeance. »

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