Author: | Alphonse Daudet | ISBN: | 1230000628891 |
Publisher: | pb | Publication: | August 25, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alphonse Daudet |
ISBN: | 1230000628891 |
Publisher: | pb |
Publication: | August 25, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
C’est une vérité, je fus la mauvaise étoile de mes parents. Du jour de
ma naissance, d’incroyables malheurs les assaillirent par vingt endroits.
D’abord nous eûmes donc le client de Marseille, puis deux fois le feu dans
la même année, puis la grève des ourdisseuses, puis notre brouille avec
l’oncle Baptiste, puis un procès très coûteux avec nos marchands de couleurs,
puis, enfin, la Révolution de 18…, qui nous donna le coup de grâce.
À partir de ce moment, la fabrique ne ba?it plus que d’une aile ; petit
à petit, les ateliers se vidèrent : chaque semaine un métier à bas, chaque
mois une table d’impression de moins. C’était pitié de voir la vie s’en aller
de notre maison comme d’un corps malade, lentement, tous les jours un
peu. Une fois, on n’entra plus dans les salles du second. Une autre fois, la
cour du fond fut condamnée. Cela dura ainsi pendant deux ans ; pendant
deux ans, la fabrique agonisa. Enfin, un jour, les ouvriers ne vinrent plus,
la cloche des ateliers ne sonna pas, le puits à roue cessa de grincer, l’eau
des grands bassins, dans lesquels on lavait les tissus, demeura immobile,
et bientôt, dans toute la fabrique, il ne resta plus que M. et M?? Eysse?e,
la vieille Annou, mon frère Jacques et moi ; puis, là-bas, dans le fond, pour
garder les ateliers, le concierge Colombe et son fils le petit Rouget.
C’était fini, nous étions ruinés...
C’est une vérité, je fus la mauvaise étoile de mes parents. Du jour de
ma naissance, d’incroyables malheurs les assaillirent par vingt endroits.
D’abord nous eûmes donc le client de Marseille, puis deux fois le feu dans
la même année, puis la grève des ourdisseuses, puis notre brouille avec
l’oncle Baptiste, puis un procès très coûteux avec nos marchands de couleurs,
puis, enfin, la Révolution de 18…, qui nous donna le coup de grâce.
À partir de ce moment, la fabrique ne ba?it plus que d’une aile ; petit
à petit, les ateliers se vidèrent : chaque semaine un métier à bas, chaque
mois une table d’impression de moins. C’était pitié de voir la vie s’en aller
de notre maison comme d’un corps malade, lentement, tous les jours un
peu. Une fois, on n’entra plus dans les salles du second. Une autre fois, la
cour du fond fut condamnée. Cela dura ainsi pendant deux ans ; pendant
deux ans, la fabrique agonisa. Enfin, un jour, les ouvriers ne vinrent plus,
la cloche des ateliers ne sonna pas, le puits à roue cessa de grincer, l’eau
des grands bassins, dans lesquels on lavait les tissus, demeura immobile,
et bientôt, dans toute la fabrique, il ne resta plus que M. et M?? Eysse?e,
la vieille Annou, mon frère Jacques et moi ; puis, là-bas, dans le fond, pour
garder les ateliers, le concierge Colombe et son fils le petit Rouget.
C’était fini, nous étions ruinés...