Histoire socialiste de la France contemporaine Tome XI

Nonfiction, History, France
Cover of the book Histoire socialiste de la France contemporaine Tome XI by JEAN JAURÈS, GILBERT TEROL
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Author: JEAN JAURÈS ISBN: 1230002767444
Publisher: GILBERT TEROL Publication: October 31, 2018
Imprint: Language: French
Author: JEAN JAURÈS
ISBN: 1230002767444
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: October 31, 2018
Imprint:
Language: French

Dans le cadre étroit dont je dispose je ne puis essayer de donner le détail qui serait infini du grand drame de la guerre : j’aime mieux, après en avoir marqué en quelques traits sommaires les faits essentiels, discuter quelques-uns des problèmes qu’elle soulève et dégager autant qu’il est en moi quelques vues des leçons qu’elle contient.

Depuis quelques années les relations de la France et de la Prusse étaient incertaines et troubles. La Prusse, ayant vaincu l’Autriche à Sadowa, aspirait visiblement à grouper sous sa direction tous les États de l’Allemagne, et le gouvernement impérial, affaibli, anxieux, voyait avec inquiétude et jalousie cette croissance de la Prusse.

Au commencement de juillet 1870, l’Europe apprit que le général Prim, voulant mettre fin par un établissement monarchique aux agitations politiques de l’Espagne, offrait le trône espagnol à un prince prussien de la famille des Hohenzollern. Le gouvernement de l’Empereur s’effraya de cette candidature qui lui paraissait reconstituer au profit de la Prusse une sorte de monarchie de Charles-Quint. Il en demanda le retrait. Le prince de Hohenzollern, après quelques jours de négociations, consentit à retirer sa candidature. Le roi de Prusse autorisa notre ambassadeur Benedetti, qui avait été envoyé en hâte auprès de lui à Ems, à déclarer qu’il approuvait ce retrait : mais le duc de Gramont, ministre des affaires étrangères de l’empereur Napoléon III, insista pour que le roi de Prusse prit en outre l’engagement d’interdire à l’avenir cette candidature ; le roi de Prusse s’y refusa.

Déjà une grande partie de l’opinion allemande s’irritait des demandes de la diplomatie impériale. M. de Bismarck estima qu’il pouvait profiter de ce mouvement de l’opinion pour résoudre enfin, par une guerre nationale, le sourd conflit entre la France et la Prusse.

L’étourderie criminelle et la folie provocatrice de l’Empire français lui fournirent le prétexte attendu. Le roi de Prusse lui ayant télégraphié d’Ems qu’il n’avait pas cru pouvoir déférer à la dernière demande du gouvernement français et qu’il avait déclaré à M. Benedetti que toute conversation ultérieure sur ce sujet lui semblait inutile, M. de Bismarck transmit à ses principaux représentants à l’étranger un résumé de cette dépêche, il en avait, par quelques éliminations, aggravé le ton.

Le gouvernement impérial, averti par ses agents à l’étranger, vit dans l’envoi de cette dépêche une insulte à la France, et il proposa au Corps législatif, une demande de crédits pour la mobilisation de nos forces. C’était la guerre. Elle fut déclarée le 15 juillet 1870, malgré l’opposition clairvoyante et patriotique du petit groupe républicain et de M. Thiers.

La deuxième quinzaine de juillet fut employée des deux parts à la mobilisation et à la concentration des armées.

Toute l’Allemagne s’unit à la Prusse et aux contingents de l’Allemagne du nord, prussiens, hanovriens, hessois, se joignirent ceux de l’Allemagne du sud, de la Bavière, de Wurtemberg et de Bade.

Les troupes de première ligne, divisées en trois armées, s’élevaient à environ 450.000 hommes ; ces trois armées, ayant franchi le Rhin, se trouvaient au commencement d’août dans le Palatinat bavarois et la Prusse rhénane, le long de notre frontière alsacienne et lorraine du nord-est. La première armée, à droite, était entre la Sarre et la Moselle, sous les ordres du général Sieinmetz. La deuxième armée, la plus considérable, sous les ordres du prince Frédéric-Charles, était en face de Saarbrück, sur la rive droite de la Sarre. La troisième armée, commandée par le prince royal, était à la hauteur de Wissembourg, tout près de la rive gauche du Rhin. Ces trois armées, voisines l’une de l’autre, pouvaient aisément se soutenir, compléter réciproquement leurs informations, combiner, s’il était nécessaire, leurs mouvements. C’était comme les trois branches d’un trident qu’une même volonté pouvait mettre en mouvement. Le roi de Prusse commandait en chef, assisté par M. de Moltke, chef de l’État-major général.

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Dans le cadre étroit dont je dispose je ne puis essayer de donner le détail qui serait infini du grand drame de la guerre : j’aime mieux, après en avoir marqué en quelques traits sommaires les faits essentiels, discuter quelques-uns des problèmes qu’elle soulève et dégager autant qu’il est en moi quelques vues des leçons qu’elle contient.

Depuis quelques années les relations de la France et de la Prusse étaient incertaines et troubles. La Prusse, ayant vaincu l’Autriche à Sadowa, aspirait visiblement à grouper sous sa direction tous les États de l’Allemagne, et le gouvernement impérial, affaibli, anxieux, voyait avec inquiétude et jalousie cette croissance de la Prusse.

Au commencement de juillet 1870, l’Europe apprit que le général Prim, voulant mettre fin par un établissement monarchique aux agitations politiques de l’Espagne, offrait le trône espagnol à un prince prussien de la famille des Hohenzollern. Le gouvernement de l’Empereur s’effraya de cette candidature qui lui paraissait reconstituer au profit de la Prusse une sorte de monarchie de Charles-Quint. Il en demanda le retrait. Le prince de Hohenzollern, après quelques jours de négociations, consentit à retirer sa candidature. Le roi de Prusse autorisa notre ambassadeur Benedetti, qui avait été envoyé en hâte auprès de lui à Ems, à déclarer qu’il approuvait ce retrait : mais le duc de Gramont, ministre des affaires étrangères de l’empereur Napoléon III, insista pour que le roi de Prusse prit en outre l’engagement d’interdire à l’avenir cette candidature ; le roi de Prusse s’y refusa.

Déjà une grande partie de l’opinion allemande s’irritait des demandes de la diplomatie impériale. M. de Bismarck estima qu’il pouvait profiter de ce mouvement de l’opinion pour résoudre enfin, par une guerre nationale, le sourd conflit entre la France et la Prusse.

L’étourderie criminelle et la folie provocatrice de l’Empire français lui fournirent le prétexte attendu. Le roi de Prusse lui ayant télégraphié d’Ems qu’il n’avait pas cru pouvoir déférer à la dernière demande du gouvernement français et qu’il avait déclaré à M. Benedetti que toute conversation ultérieure sur ce sujet lui semblait inutile, M. de Bismarck transmit à ses principaux représentants à l’étranger un résumé de cette dépêche, il en avait, par quelques éliminations, aggravé le ton.

Le gouvernement impérial, averti par ses agents à l’étranger, vit dans l’envoi de cette dépêche une insulte à la France, et il proposa au Corps législatif, une demande de crédits pour la mobilisation de nos forces. C’était la guerre. Elle fut déclarée le 15 juillet 1870, malgré l’opposition clairvoyante et patriotique du petit groupe républicain et de M. Thiers.

La deuxième quinzaine de juillet fut employée des deux parts à la mobilisation et à la concentration des armées.

Toute l’Allemagne s’unit à la Prusse et aux contingents de l’Allemagne du nord, prussiens, hanovriens, hessois, se joignirent ceux de l’Allemagne du sud, de la Bavière, de Wurtemberg et de Bade.

Les troupes de première ligne, divisées en trois armées, s’élevaient à environ 450.000 hommes ; ces trois armées, ayant franchi le Rhin, se trouvaient au commencement d’août dans le Palatinat bavarois et la Prusse rhénane, le long de notre frontière alsacienne et lorraine du nord-est. La première armée, à droite, était entre la Sarre et la Moselle, sous les ordres du général Sieinmetz. La deuxième armée, la plus considérable, sous les ordres du prince Frédéric-Charles, était en face de Saarbrück, sur la rive droite de la Sarre. La troisième armée, commandée par le prince royal, était à la hauteur de Wissembourg, tout près de la rive gauche du Rhin. Ces trois armées, voisines l’une de l’autre, pouvaient aisément se soutenir, compléter réciproquement leurs informations, combiner, s’il était nécessaire, leurs mouvements. C’était comme les trois branches d’un trident qu’une même volonté pouvait mettre en mouvement. Le roi de Prusse commandait en chef, assisté par M. de Moltke, chef de l’État-major général.

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