Consuelo ( Volumes 1, 2 & 3)

Fiction & Literature, Psychological, Literary
Cover of the book Consuelo ( Volumes 1, 2 & 3) by George Sand, Eric HELAN
View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart
Author: George Sand ISBN: 1230001323894
Publisher: Eric HELAN Publication: March 12, 2016
Imprint: Language: French
Author: George Sand
ISBN: 1230001323894
Publisher: Eric HELAN
Publication: March 12, 2016
Imprint:
Language: French

« Oui, oui, Mesdemoiselles, hochez la tête tant qu’il vous plaira ; la plus sage et la meilleure d’entre vous, c’est… Mais je ne veux pas le dire ; car c’est la seule de ma classe qui ait de la modestie, et je craindrais, en la nommant, de lui faire perdre à l’instant même cette rare vertu que je vous souhaite…

— In nomine Patris, et Filii, et Spiritu Sancto, chanta la Costanza d’un air effronté.

— Amen, chantèrent en chœur toutes les autres petites filles.

— Vilain méchant ! dit la Clorinda en faisant une jolie moue, et en donnant un petit coup du manche de son éventail sur les doigts osseux et ridés que le maître de chant laissait dormir allongés sur le clavier muet de l’orgue.

— À d’autres ! dit le vieux professeur, de l’air profondément désabusé d’un homme qui, depuis quarante ans, affronte six heures par jour toutes les agaceries et toutes les mutineries de plusieurs générations d’enfants femelles. Il n’en est pas moins vrai, ajouta-t-il en mettant ses lunettes dans leur étui et sa tabatière dans sa poche, sans lever les yeux sur l’essaim railleur et courroucé, que cette sage, cette docile, cette studieuse, cette attentive, cette bonne enfant, ce n’est pas vous, signora Clorinda ; ni vous, signora Costanza ; ni vous non plus, signora Zulietta ; et la Rosina pas davantage, et Michela encore moins…

— En ce cas, c’est moi… — Non, c’est moi… — Pas du tout, c’est moi ? — Moi ! — Moi ! » s’écrièrent de leurs voix flûtées ou perçantes une cinquantaine de blondines ou de brunettes, en se précipitant comme une volée de mouettes crieuses sur un pauvre coquillage laissé à sec sur la grève par le retrait du flot.

Le coquillage, c’est-à-dire le maestro (et je soutiens qu’aucune métaphore ne pouvait être mieux appropriée à ses mouvements anguleux, à ses yeux nacrés, à ses pommettes tachetées de rouge, et surtout aux mille petites boucles blanches, raides et pointues de la perruque professorale) ; le maestro, dis-je, forcé par trois fois de retomber sur la banquette après s’être levé pour partir, mais calme et impassible comme un coquillage bercé et endurci dans les tempêtes, se fit longtemps prier pour dire laquelle de ses élèves méritait les éloges dont il était toujours si avare, et dont il venait de se montrer si prodigue. Enfin, cédant comme à regret à des prières que provoquait sa malice, il prit le bâton doctoral dont il avait coutume de marquer la mesure, et s’en servit pour séparer et resserrer sur deux files son troupeau indiscipliné. Puis avançant d’un air grave entre cette double haie de têtes légères, il alla se poser dans le fond de la tribune de l’orgue, en face d’une petite personne accroupie sur un gradin. Elle, les coudes sur ses genoux, les doigts dans ses oreilles pour n’être pas distraite par le bruit, étudiait sa leçon à demi-voix pour n’être incommode à personne, tortillée et repliée sur elle-même comme un petit singe ; lui, solennel et triomphant, le jarret et le bras tendus, semblable au berger Pâris adjugeant la pomme, non à la plus belle, mais à la plus sage...

View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart

« Oui, oui, Mesdemoiselles, hochez la tête tant qu’il vous plaira ; la plus sage et la meilleure d’entre vous, c’est… Mais je ne veux pas le dire ; car c’est la seule de ma classe qui ait de la modestie, et je craindrais, en la nommant, de lui faire perdre à l’instant même cette rare vertu que je vous souhaite…

— In nomine Patris, et Filii, et Spiritu Sancto, chanta la Costanza d’un air effronté.

— Amen, chantèrent en chœur toutes les autres petites filles.

— Vilain méchant ! dit la Clorinda en faisant une jolie moue, et en donnant un petit coup du manche de son éventail sur les doigts osseux et ridés que le maître de chant laissait dormir allongés sur le clavier muet de l’orgue.

— À d’autres ! dit le vieux professeur, de l’air profondément désabusé d’un homme qui, depuis quarante ans, affronte six heures par jour toutes les agaceries et toutes les mutineries de plusieurs générations d’enfants femelles. Il n’en est pas moins vrai, ajouta-t-il en mettant ses lunettes dans leur étui et sa tabatière dans sa poche, sans lever les yeux sur l’essaim railleur et courroucé, que cette sage, cette docile, cette studieuse, cette attentive, cette bonne enfant, ce n’est pas vous, signora Clorinda ; ni vous, signora Costanza ; ni vous non plus, signora Zulietta ; et la Rosina pas davantage, et Michela encore moins…

— En ce cas, c’est moi… — Non, c’est moi… — Pas du tout, c’est moi ? — Moi ! — Moi ! » s’écrièrent de leurs voix flûtées ou perçantes une cinquantaine de blondines ou de brunettes, en se précipitant comme une volée de mouettes crieuses sur un pauvre coquillage laissé à sec sur la grève par le retrait du flot.

Le coquillage, c’est-à-dire le maestro (et je soutiens qu’aucune métaphore ne pouvait être mieux appropriée à ses mouvements anguleux, à ses yeux nacrés, à ses pommettes tachetées de rouge, et surtout aux mille petites boucles blanches, raides et pointues de la perruque professorale) ; le maestro, dis-je, forcé par trois fois de retomber sur la banquette après s’être levé pour partir, mais calme et impassible comme un coquillage bercé et endurci dans les tempêtes, se fit longtemps prier pour dire laquelle de ses élèves méritait les éloges dont il était toujours si avare, et dont il venait de se montrer si prodigue. Enfin, cédant comme à regret à des prières que provoquait sa malice, il prit le bâton doctoral dont il avait coutume de marquer la mesure, et s’en servit pour séparer et resserrer sur deux files son troupeau indiscipliné. Puis avançant d’un air grave entre cette double haie de têtes légères, il alla se poser dans le fond de la tribune de l’orgue, en face d’une petite personne accroupie sur un gradin. Elle, les coudes sur ses genoux, les doigts dans ses oreilles pour n’être pas distraite par le bruit, étudiait sa leçon à demi-voix pour n’être incommode à personne, tortillée et repliée sur elle-même comme un petit singe ; lui, solennel et triomphant, le jarret et le bras tendus, semblable au berger Pâris adjugeant la pomme, non à la plus belle, mais à la plus sage...

More books from Eric HELAN

Cover of the book Les Merveilles de la science/L’art du Chauffage by George Sand
Cover of the book Les Merveilles de la science/L’art du Chauffage - Supplément by George Sand
Cover of the book Les Merveilles de la science/La Télégraphie sous-Marine by George Sand
Cover of the book La foi qui guérit by George Sand
Cover of the book Art de faire le beurre et les meilleurs fromages - Cinquième Mémoire by George Sand
Cover of the book Les Merveilles de la science/L’Aluminium by George Sand
Cover of the book Mémoire sur le sucre de betterave by George Sand
Cover of the book Les Merveilles de la science/Aérostats - Supplément by George Sand
Cover of the book Les Merveilles de la science/La Locomotive et les chemins de fer - Supplément by George Sand
Cover of the book Les Merveilles de la science/Poudres de guerre - Supplément by George Sand
Cover of the book Paulin Paris Les Romans de la Table Ronde by George Sand
Cover of the book Rayons perdus (réédition de 1869, augmentée et préfacée par Charles Asselineau) by George Sand
Cover of the book Humain, trop humain by George Sand
Cover of the book Melchior by George Sand
Cover of the book Nouveau Chemin de la croix by George Sand
We use our own "cookies" and third party cookies to improve services and to see statistical information. By using this website, you agree to our Privacy Policy