Cicéron et ses amis

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book Cicéron et ses amis by GASTON BOISSIER, GILBERT TEROL
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Author: GASTON BOISSIER ISBN: 1230001718201
Publisher: GILBERT TEROL Publication: June 13, 2017
Imprint: Language: French
Author: GASTON BOISSIER
ISBN: 1230001718201
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: June 13, 2017
Imprint:
Language: French

Présentation de l'éditeur ;

Ce livre comporte une table des matières dynamique, à été relu et corrigé.

Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.

Extrait :

Il n’y a pas d’histoire qu’on étudie plus volontiers, aujourd’hui que celle des dernières années de la république romaine. De savants ouvrages ont été publiés récemment sur ce sujet en France, en Angleterre, en Allemagne, et le public les a lus avec avidité. L’importance des questions qui se débattaient alors, la vivacité dramatique des événements, la grandeur des personnages justifient cet intérêt ; mais ce qui explique encore mieux l’attrait que nous éprouvons pour cette curieuse époque, c’est qu’elle nous a été racontée par les lettres de Cicéron. Un contemporain disait de ces lettres que celui qui les lirait ne serait pas tenté de chercher ailleurs l’histoire de ce temps, et en effet, nous la retrouvons-là bien plus vivante et bien plus vraie que dans des ouvrages suivis et composés tout exprès pour nous l’enseigner. Que nous apprendraient de plus Asinius Pollion, Tite-Live ou Cremutius Cordus, si nous les avions conservés ? Ils nous donneraient leur opinion personnelle ; mais cette opinion est, la plupart du temps, suspecte : elle vient de gens qui n’ont pas pu dire toute la vérité, qui écrivaient à la cour des empereurs, comme Tite-Live, ou qui, comme Pollion, espéraient se faire pardonner leur trahison en disant le plus de mal qu’ils pouvaient de ceux qu’ils avaient trahis. Il vaut donc mieux, au lieu de recevoir une opinion toute faite, se la faire soi-même, et c’est ce que nous rend possible la lecture des lettres de Cicéron. Elle nous jette au milieu des événements et nous les fait suivre jour par jour. Malgré les dix-huit siècles qui nous en séparent, il nous semble que nous les voyons se passer sous nos yeux, et nous nous trouvons placés dans cette position unique d’être assez près des faits pour en voir la couleur véritable, et assez éloignés d’eux pour les juger sans passion.

L’importance de ces lettres s’explique facilement. Les hommes politiques de ce temps avaient bien plus besoin de s’écrire que ceux d’aujourd’hui. Le proconsul qui partait de Rome pour aller gouverner quelque province lointaine sentait bien qu’il s’éloignait tout à fait de la vie politique. Pour des gens accoutumés aux mouvements des affaires, aux agitations des partis, ou, comme ils disaient, au grand jour du forum, c’était un grand ennui d’aller passer plusieurs années dans ces contrées perdues, où les bruits de la place publique de Rome ne parvenaient pas. À la vérité ils recevaient une sorte de gazette officielle, acta diurna, vénérable ancêtre de notre Moniteur. Mais il semble que tout journal officiel soit condamné par sa nature à être quelque peu insignifiant. Celui de Rome contenait un procès-verbal assez terne des assemblées du peuple, le résumé succinct des causes célèbres plaidées au forum, et aussi le récit des cérémonies publiques avec la mention exacte des phénomènes atmosphériques ou des prodiges survenus dans la ville et ses environs. Ce n’étaient pas tout à fait des nouvelles de ce genre qu’un préteur ou un proconsul désirait savoir. Aussi, pour combler les lacunes du journal officiel, avait-il recours à des correspondants payés qui faisaient des gazettes à la main à l’usage des curieux de la province, comme c’était la mode chez nous au siècle dernier ; mais tandis qu’au dix-huitième siècle on chargeait de ce soin des hommes de lettres en renom, familiers des grands seigneurs et bien reçus des ministres, les correspondants romains n’étaient que des compilateurs obscurs, des manœuvres, comme les appelle quelque part Cælius, choisis d’ordinaire parmi ces Grecs affamés que la misère rendait bons à tous les métiers. Ils n’avaient pas accès dans les grandes maisons ; ils n’approchaient pas des politiques. Leur rôle consistait uniquement à courir la ville et à recueillir par les rues ce qu’ils entendaient dire ou ce qu’ils voyaient. Ils enregistraient soigneusement les histoires de théâtres, s’informaient des acteurs sifflés, des gladiateurs vaincus, décrivaient le détail des beaux enterrements, notaient les bruits et les malins propos, et surtout les récits scandaleux qu’ils pouvaient attraper. Tout ce babil amusait un moment, mais ne satisfaisait pas ces personnages politiques, qui voulaient, avant tout, être tenus au courant des affaires. Pour les bien connaître, ils s’adressaient naturellement à quelqu’un qui pût les savoir. Ils faisaient choix de quelques amis sûrs, importants, bien informés ; par eux, ils connaissaient la raison et le caractère véritable des faits que les journaux rapportaient sèchement et sans commentaire ; et, tandis que leurs correspondants payés les laissaient d’ordinaire dans la rue, les autres les introduisaient dans les cabinets des grands politiques, et leur faisaient écouter leurs entretiens les plus secrets.

Ce besoin d’être régulièrement informé de tout, et, pour ainsi dire, de vivre encore au milieu de Rome après qu’on l’avait quittée, personne ne l’éprouva plus que Cicéron ; personne n’aima davantage ces agitations de la vie publique, dont les hommes d’État se plaignent quand ils en jouissent, et qu’ils ne cessent de regretter lorsqu’ils les ont perdues. Il ne faut pas trop le croire quand il vient nous dire qu’il est fatigué des discussions orageuses du sénat ; qu’il cherche un pays où l’on n’ait pas entendu parler de Vatinius ni de César, et où l’on ne s’occupe pas des lois agraires ; qu’il meurt d’envie d’aller oublier Rome sous les beaux ombrages d’Arpinum, ou au milieu du site enchanté de Formies. Aussitôt qu’il est installé à Formies, à Arpinum, ou dans quelque autre de ces belles villas qu’il appelait avec fierté les ornements de l’Italie, ocellos Italiœ, sa pensée retourne naturellement à Rome, et des courriers partent à chaque moment, pour aller savoir ce qu’on y pense et ce qu’on y fait. Jamais, quoi qu’il dise, il ne put détacher les yeux du forum. De près ou de loin, il lui fallait ce que Saint-Simon appelle ce petit fumet d’affaires dont les politiques ne se peuvent passer. À toute force, il voulait connaître la situation des partis, leurs accords secrets, leurs discordes intimes, enfin tous ces manèges cachés qui préparent les événements et les expliquent.

C’est là ce qu’il réclamait sans relâche d’Atticus, de Curion, de Cœlius et de tant d’autres grands esprits, mêlés à toutes ces intrigues comme acteurs ou comme curieux ; c’est ce qu’il racontait lui-même de la façon la plus piquante à ses amis absents ; et voilà comment les lettres qu’il a reçues ou envoyées contiennent, sans qu’il l’ait voulu faire, toute l’histoire de son temps.

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Ce livre comporte une table des matières dynamique, à été relu et corrigé.

Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.

Extrait :

Il n’y a pas d’histoire qu’on étudie plus volontiers, aujourd’hui que celle des dernières années de la république romaine. De savants ouvrages ont été publiés récemment sur ce sujet en France, en Angleterre, en Allemagne, et le public les a lus avec avidité. L’importance des questions qui se débattaient alors, la vivacité dramatique des événements, la grandeur des personnages justifient cet intérêt ; mais ce qui explique encore mieux l’attrait que nous éprouvons pour cette curieuse époque, c’est qu’elle nous a été racontée par les lettres de Cicéron. Un contemporain disait de ces lettres que celui qui les lirait ne serait pas tenté de chercher ailleurs l’histoire de ce temps, et en effet, nous la retrouvons-là bien plus vivante et bien plus vraie que dans des ouvrages suivis et composés tout exprès pour nous l’enseigner. Que nous apprendraient de plus Asinius Pollion, Tite-Live ou Cremutius Cordus, si nous les avions conservés ? Ils nous donneraient leur opinion personnelle ; mais cette opinion est, la plupart du temps, suspecte : elle vient de gens qui n’ont pas pu dire toute la vérité, qui écrivaient à la cour des empereurs, comme Tite-Live, ou qui, comme Pollion, espéraient se faire pardonner leur trahison en disant le plus de mal qu’ils pouvaient de ceux qu’ils avaient trahis. Il vaut donc mieux, au lieu de recevoir une opinion toute faite, se la faire soi-même, et c’est ce que nous rend possible la lecture des lettres de Cicéron. Elle nous jette au milieu des événements et nous les fait suivre jour par jour. Malgré les dix-huit siècles qui nous en séparent, il nous semble que nous les voyons se passer sous nos yeux, et nous nous trouvons placés dans cette position unique d’être assez près des faits pour en voir la couleur véritable, et assez éloignés d’eux pour les juger sans passion.

L’importance de ces lettres s’explique facilement. Les hommes politiques de ce temps avaient bien plus besoin de s’écrire que ceux d’aujourd’hui. Le proconsul qui partait de Rome pour aller gouverner quelque province lointaine sentait bien qu’il s’éloignait tout à fait de la vie politique. Pour des gens accoutumés aux mouvements des affaires, aux agitations des partis, ou, comme ils disaient, au grand jour du forum, c’était un grand ennui d’aller passer plusieurs années dans ces contrées perdues, où les bruits de la place publique de Rome ne parvenaient pas. À la vérité ils recevaient une sorte de gazette officielle, acta diurna, vénérable ancêtre de notre Moniteur. Mais il semble que tout journal officiel soit condamné par sa nature à être quelque peu insignifiant. Celui de Rome contenait un procès-verbal assez terne des assemblées du peuple, le résumé succinct des causes célèbres plaidées au forum, et aussi le récit des cérémonies publiques avec la mention exacte des phénomènes atmosphériques ou des prodiges survenus dans la ville et ses environs. Ce n’étaient pas tout à fait des nouvelles de ce genre qu’un préteur ou un proconsul désirait savoir. Aussi, pour combler les lacunes du journal officiel, avait-il recours à des correspondants payés qui faisaient des gazettes à la main à l’usage des curieux de la province, comme c’était la mode chez nous au siècle dernier ; mais tandis qu’au dix-huitième siècle on chargeait de ce soin des hommes de lettres en renom, familiers des grands seigneurs et bien reçus des ministres, les correspondants romains n’étaient que des compilateurs obscurs, des manœuvres, comme les appelle quelque part Cælius, choisis d’ordinaire parmi ces Grecs affamés que la misère rendait bons à tous les métiers. Ils n’avaient pas accès dans les grandes maisons ; ils n’approchaient pas des politiques. Leur rôle consistait uniquement à courir la ville et à recueillir par les rues ce qu’ils entendaient dire ou ce qu’ils voyaient. Ils enregistraient soigneusement les histoires de théâtres, s’informaient des acteurs sifflés, des gladiateurs vaincus, décrivaient le détail des beaux enterrements, notaient les bruits et les malins propos, et surtout les récits scandaleux qu’ils pouvaient attraper. Tout ce babil amusait un moment, mais ne satisfaisait pas ces personnages politiques, qui voulaient, avant tout, être tenus au courant des affaires. Pour les bien connaître, ils s’adressaient naturellement à quelqu’un qui pût les savoir. Ils faisaient choix de quelques amis sûrs, importants, bien informés ; par eux, ils connaissaient la raison et le caractère véritable des faits que les journaux rapportaient sèchement et sans commentaire ; et, tandis que leurs correspondants payés les laissaient d’ordinaire dans la rue, les autres les introduisaient dans les cabinets des grands politiques, et leur faisaient écouter leurs entretiens les plus secrets.

Ce besoin d’être régulièrement informé de tout, et, pour ainsi dire, de vivre encore au milieu de Rome après qu’on l’avait quittée, personne ne l’éprouva plus que Cicéron ; personne n’aima davantage ces agitations de la vie publique, dont les hommes d’État se plaignent quand ils en jouissent, et qu’ils ne cessent de regretter lorsqu’ils les ont perdues. Il ne faut pas trop le croire quand il vient nous dire qu’il est fatigué des discussions orageuses du sénat ; qu’il cherche un pays où l’on n’ait pas entendu parler de Vatinius ni de César, et où l’on ne s’occupe pas des lois agraires ; qu’il meurt d’envie d’aller oublier Rome sous les beaux ombrages d’Arpinum, ou au milieu du site enchanté de Formies. Aussitôt qu’il est installé à Formies, à Arpinum, ou dans quelque autre de ces belles villas qu’il appelait avec fierté les ornements de l’Italie, ocellos Italiœ, sa pensée retourne naturellement à Rome, et des courriers partent à chaque moment, pour aller savoir ce qu’on y pense et ce qu’on y fait. Jamais, quoi qu’il dise, il ne put détacher les yeux du forum. De près ou de loin, il lui fallait ce que Saint-Simon appelle ce petit fumet d’affaires dont les politiques ne se peuvent passer. À toute force, il voulait connaître la situation des partis, leurs accords secrets, leurs discordes intimes, enfin tous ces manèges cachés qui préparent les événements et les expliquent.

C’est là ce qu’il réclamait sans relâche d’Atticus, de Curion, de Cœlius et de tant d’autres grands esprits, mêlés à toutes ces intrigues comme acteurs ou comme curieux ; c’est ce qu’il racontait lui-même de la façon la plus piquante à ses amis absents ; et voilà comment les lettres qu’il a reçues ou envoyées contiennent, sans qu’il l’ait voulu faire, toute l’histoire de son temps.

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