Author: | Léon Gozlan | ISBN: | 1230001206142 |
Publisher: | E H | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Léon Gozlan |
ISBN: | 1230001206142 |
Publisher: | E H |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Les Allemands ont un mot composé qui rend mieux que le mot Mémoires, tout français mais un peu trop didactique et collet-monté, le caractère décousu des indiscrétions permises à l’égard d’un homme célèbre ; ce mot allemand esttischreden, littéralement : propos de table, c’est-à-dire conversations, le coude sur la nappe ; rires, la bouche pleine ; saillies accompagnant le bouchon de liège au plafond ; tendresses charmantes du vin, abandon adorable du cœur à la suite de l’estomac ; poésie de la digestion, discussions à couteaux émoussés ; et aussi, car l’expression tudesque est très-élastique, conversation sur touteschoses, depuis la chanson jusqu’au poëme, depuis le ciron jusqu’à Dieu :tischreden veut dire tout cela. Il mériterait d’être réuni à la langue française par quelque grande épée littéraire, par un de ces conquérants de la phrase, que je mets plus haut que les conquérants de royaumes.
Je disais dans l’avant-propos placé en tête de Balzac en pantoufles : « Sollicité par des amitiés communes à Balzac et à moi, pressé par une curiosité publique toute dévouée au grand peintre de mœurs, j’ai risqué ces premières pages sur quelques actes et sur quelques moments de sa vie, prêt à les faire suivre d’autres confidences, si j’ai su répondre à tant de désirs et justifier tant d’empressement. »
Plusieurs éditions de l’ouvrage où je me posais ces conditions s’étant écoulées, je me suis vu dans l’obligation de remplir mes engagements envers mes lecteurs et envers moi-même. Mais si, d’un côté, j’ai dû être fier de cette sommation silencieuse du public, demandant qu’on lui parle encore et toujours d'un écrivain qu’il aime, qu’il admire entre tous d’un autre côté, je me suis trouvé bien soucieux quand il m'a fallu passer de la promesse à l'exécution, et m’appuyer sur l’encouragement reçu pour m’élancer et plonger de nouveau au fond du passé. J’ai hésité. Que de fois un accueil bruyant de la part du public n’est chez lui qu’une manière honnête de se débarrasser de vous, de même qu’une trop fastueuse façon de recevoir les gens est souvent destinée à leur faire comprendre qu’ils ne doivent plus revenir.
Quoi qu’il en soit, ces révélations familières sont les dernières que nous publierons sur Balzac. Réunies plus tard aux précédentes, elles formeront un volume appelé peut-être, un jour, à accompagner ses œuvres, et notre travail aura alors un caractère d’utilité que l’avenir sera chargé de préciser dans la mesure plus ou moins indulgente de son estime...
Les Allemands ont un mot composé qui rend mieux que le mot Mémoires, tout français mais un peu trop didactique et collet-monté, le caractère décousu des indiscrétions permises à l’égard d’un homme célèbre ; ce mot allemand esttischreden, littéralement : propos de table, c’est-à-dire conversations, le coude sur la nappe ; rires, la bouche pleine ; saillies accompagnant le bouchon de liège au plafond ; tendresses charmantes du vin, abandon adorable du cœur à la suite de l’estomac ; poésie de la digestion, discussions à couteaux émoussés ; et aussi, car l’expression tudesque est très-élastique, conversation sur touteschoses, depuis la chanson jusqu’au poëme, depuis le ciron jusqu’à Dieu :tischreden veut dire tout cela. Il mériterait d’être réuni à la langue française par quelque grande épée littéraire, par un de ces conquérants de la phrase, que je mets plus haut que les conquérants de royaumes.
Je disais dans l’avant-propos placé en tête de Balzac en pantoufles : « Sollicité par des amitiés communes à Balzac et à moi, pressé par une curiosité publique toute dévouée au grand peintre de mœurs, j’ai risqué ces premières pages sur quelques actes et sur quelques moments de sa vie, prêt à les faire suivre d’autres confidences, si j’ai su répondre à tant de désirs et justifier tant d’empressement. »
Plusieurs éditions de l’ouvrage où je me posais ces conditions s’étant écoulées, je me suis vu dans l’obligation de remplir mes engagements envers mes lecteurs et envers moi-même. Mais si, d’un côté, j’ai dû être fier de cette sommation silencieuse du public, demandant qu’on lui parle encore et toujours d'un écrivain qu’il aime, qu’il admire entre tous d’un autre côté, je me suis trouvé bien soucieux quand il m'a fallu passer de la promesse à l'exécution, et m’appuyer sur l’encouragement reçu pour m’élancer et plonger de nouveau au fond du passé. J’ai hésité. Que de fois un accueil bruyant de la part du public n’est chez lui qu’une manière honnête de se débarrasser de vous, de même qu’une trop fastueuse façon de recevoir les gens est souvent destinée à leur faire comprendre qu’ils ne doivent plus revenir.
Quoi qu’il en soit, ces révélations familières sont les dernières que nous publierons sur Balzac. Réunies plus tard aux précédentes, elles formeront un volume appelé peut-être, un jour, à accompagner ses œuvres, et notre travail aura alors un caractère d’utilité que l’avenir sera chargé de préciser dans la mesure plus ou moins indulgente de son estime...