Au moulin de la mort

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Au moulin de la mort by Pierre César, GILBERT TEROL
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Author: Pierre César ISBN: 1230000212189
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 23, 2014
Imprint: Language: French
Author: Pierre César
ISBN: 1230000212189
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 23, 2014
Imprint:
Language: French

Jean Gaudat écoutait avec la plus grande attention les paroles du vieux serviteur. À mesure que celui-ci avançait dans ses explications, tout un plan germait insensiblement dans la tête de l’aubergiste. Ce comte, qui allait arriver chez lui, serait à coup sûr porteur d’une assez forte somme d’argent ; de plus, il voyagerait seul, sans compagnon de route. S’il disparaissait d’une manière ou d’une autre, on ne le saurait certainement jamais. Il ne fallait que s’y prendre adroitement. Qui soupçonnerait Jean Gaudat ? S’il ne jouissait pas d’une très bonne réputation, on ne l’avait cependant pas mis au ban des honnêtes gens. Et puis, comme la vallée du Doubs, et, en particulier, sa maison bâtie sur la rivière, se prêtaient à une « opération » de ce genre ! Un trou au fond de la cave, et tout serait dit. L’eau rongerait le squelette plus facilement qu’elle ne rongeait les cailloux du bord…

— Mais oui ! répondit-il à la question de Pierre. Vous pouvez compter sur moi. J’attendrai M. le comte de Laroche au sommet des Echelles. El je n’aurai garde de manquer à ma promesse, puisque, en faisant ce que vous me demandez, j’y trouve aussi mon petit bénéfice.

— Bien ! Nous sommes d’accord.

Et, à peu près rassuré de ce côté, le fidèle domestique, ayant repris l’enfant dans ses bras, annonça à ses deux compagnes qu’il était temps de se remettre en route. Madame la comtesse glissa une pièce d’or dans la main tendue de Jean Gaudat, remercia la cabaretière et sortit, précédée de Pierre et de Françoise. Ensuite, les fugitifs s’engagèrent dans le sentier qui, du moulin, s’élève en quatorze zigzags, entre deux parois de rochers, jusque sur les premières terrasses que forme la côte suisse en cet endroit…

Le lendemain soir, au moment où l’aubergiste allait partir pour les Echelles, il dit à sa femme :

— Femme, écoute ! Nous avons l’occasion de nous enrichir d’un seul coup, et cette occasion ne se présentera plus de sitôt.

— Comment cela ? interrogea Catherine d’un air indifférent.

— N’as-tu pas entendu notre conversation d’hier ? Le mari de la jeune dame, un comte de Laroche, doit passer ici cette nuit. Il aura sans doute sur lui une forte somme, car il a dû réaliser une partie de sa fortune avant de quitter le pays. Si un accident se produisait, un faux pas, que sais-je ? Tu comprends ?

— Un crime ! s’écria-t-elle.

— Mais non ! Il peut tomber en descendant les Echelles.

— Et puis, après ? Il faudrait bien le faire enterrer. L’argent qu’il doit porter sur lui, s’il en a, ne serait alors pas pour toi. Vois-tu, laisse-moi et ne suis pas ton idée : nous l’expierions un jour, tôt ou tard.

— Toi, grommela-t-il, tu ne sais pas ce que tu chantes.

Et, là-dessus, Jean Gaudat sortit.

— Mais elle a raison, se dit-il une fois dehors ; mon plan ne vaut rien. Pour que je puisse garder le magot, il faut que le corps disparaisse. Mon premier projet était le meilleur. L’homme sera fatigué, je lui offrirai une chambre et…

Il n’acheva pas.

Cependant, il avait mis sa barque à flot, et, s’emparant d’une rame, il fila rapidement vers l’autre bord.

L’embarcation amarrée, il prit le sentier des Echelles, au sommet desquelles il arriva bientôt, déployant, à grimper sur ces échelons, une agilité de bête sauvage. Puis il s’assit sur une arête du rocher et laissa son regard errer aux alentours.

La lune montait lentement dans l’azur tout piqué d’étoiles d’un ciel sans nuage. Un air frais, qui souffle presque continuellement dans la vallée, balançait la cime des arbres. Sur la rive opposée, bien haut dans les champs cultivés, on distinguait quelques rares lumières : c’étaient les demeures d’êtres humains qui vivaient misérablement au flanc du coteau. Et au fond, à gauche, entre ses deux parois de pierre, le Doubs roulait ses eaux avec le même bourdonnement que répercutaient les échos des environs. Les choses de la nature avaient de vagues contours, baignées tour à tour de rayons lunaires ou d’ombres noires. Et Jean Gaudat, à la vue de ce monde qui l’entourait, l’enveloppait de sa grande solitude, sûr de son impunité au milieu de la nuit, s’imaginait entendre déjà, mêlé au bruit de la rivière, un tintement de pièces d’or dont le son lui donnait la fièvre.

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Jean Gaudat écoutait avec la plus grande attention les paroles du vieux serviteur. À mesure que celui-ci avançait dans ses explications, tout un plan germait insensiblement dans la tête de l’aubergiste. Ce comte, qui allait arriver chez lui, serait à coup sûr porteur d’une assez forte somme d’argent ; de plus, il voyagerait seul, sans compagnon de route. S’il disparaissait d’une manière ou d’une autre, on ne le saurait certainement jamais. Il ne fallait que s’y prendre adroitement. Qui soupçonnerait Jean Gaudat ? S’il ne jouissait pas d’une très bonne réputation, on ne l’avait cependant pas mis au ban des honnêtes gens. Et puis, comme la vallée du Doubs, et, en particulier, sa maison bâtie sur la rivière, se prêtaient à une « opération » de ce genre ! Un trou au fond de la cave, et tout serait dit. L’eau rongerait le squelette plus facilement qu’elle ne rongeait les cailloux du bord…

— Mais oui ! répondit-il à la question de Pierre. Vous pouvez compter sur moi. J’attendrai M. le comte de Laroche au sommet des Echelles. El je n’aurai garde de manquer à ma promesse, puisque, en faisant ce que vous me demandez, j’y trouve aussi mon petit bénéfice.

— Bien ! Nous sommes d’accord.

Et, à peu près rassuré de ce côté, le fidèle domestique, ayant repris l’enfant dans ses bras, annonça à ses deux compagnes qu’il était temps de se remettre en route. Madame la comtesse glissa une pièce d’or dans la main tendue de Jean Gaudat, remercia la cabaretière et sortit, précédée de Pierre et de Françoise. Ensuite, les fugitifs s’engagèrent dans le sentier qui, du moulin, s’élève en quatorze zigzags, entre deux parois de rochers, jusque sur les premières terrasses que forme la côte suisse en cet endroit…

Le lendemain soir, au moment où l’aubergiste allait partir pour les Echelles, il dit à sa femme :

— Femme, écoute ! Nous avons l’occasion de nous enrichir d’un seul coup, et cette occasion ne se présentera plus de sitôt.

— Comment cela ? interrogea Catherine d’un air indifférent.

— N’as-tu pas entendu notre conversation d’hier ? Le mari de la jeune dame, un comte de Laroche, doit passer ici cette nuit. Il aura sans doute sur lui une forte somme, car il a dû réaliser une partie de sa fortune avant de quitter le pays. Si un accident se produisait, un faux pas, que sais-je ? Tu comprends ?

— Un crime ! s’écria-t-elle.

— Mais non ! Il peut tomber en descendant les Echelles.

— Et puis, après ? Il faudrait bien le faire enterrer. L’argent qu’il doit porter sur lui, s’il en a, ne serait alors pas pour toi. Vois-tu, laisse-moi et ne suis pas ton idée : nous l’expierions un jour, tôt ou tard.

— Toi, grommela-t-il, tu ne sais pas ce que tu chantes.

Et, là-dessus, Jean Gaudat sortit.

— Mais elle a raison, se dit-il une fois dehors ; mon plan ne vaut rien. Pour que je puisse garder le magot, il faut que le corps disparaisse. Mon premier projet était le meilleur. L’homme sera fatigué, je lui offrirai une chambre et…

Il n’acheva pas.

Cependant, il avait mis sa barque à flot, et, s’emparant d’une rame, il fila rapidement vers l’autre bord.

L’embarcation amarrée, il prit le sentier des Echelles, au sommet desquelles il arriva bientôt, déployant, à grimper sur ces échelons, une agilité de bête sauvage. Puis il s’assit sur une arête du rocher et laissa son regard errer aux alentours.

La lune montait lentement dans l’azur tout piqué d’étoiles d’un ciel sans nuage. Un air frais, qui souffle presque continuellement dans la vallée, balançait la cime des arbres. Sur la rive opposée, bien haut dans les champs cultivés, on distinguait quelques rares lumières : c’étaient les demeures d’êtres humains qui vivaient misérablement au flanc du coteau. Et au fond, à gauche, entre ses deux parois de pierre, le Doubs roulait ses eaux avec le même bourdonnement que répercutaient les échos des environs. Les choses de la nature avaient de vagues contours, baignées tour à tour de rayons lunaires ou d’ombres noires. Et Jean Gaudat, à la vue de ce monde qui l’entourait, l’enveloppait de sa grande solitude, sûr de son impunité au milieu de la nuit, s’imaginait entendre déjà, mêlé au bruit de la rivière, un tintement de pièces d’or dont le son lui donnait la fièvre.

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