Solution du problème social

Nonfiction, Social & Cultural Studies, Social Science
Cover of the book Solution du problème social by Pierre-Joseph Proudhon, GILBERT TEROL
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Author: Pierre-Joseph Proudhon ISBN: 1230002973012
Publisher: GILBERT TEROL Publication: December 4, 2018
Imprint: Language: French
Author: Pierre-Joseph Proudhon
ISBN: 1230002973012
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: December 4, 2018
Imprint:
Language: French

Un grand acte vient de s’accomplir, irrésistible, irrévocable.

Que chacun, suivant son inclination, en fasse son deuil ou s’en félicite ; mais que tous se préparent à l’imprévu : car, je vous le jure, la face du monde vient d’être changée.

Royauté, monarchie constitutionnelle, système représentatif, classe travailleuse et classe bourgeoise, et bien d’autres choses que je ne suis nullement pressé de dire, tout cela est désormais aussi loin de nous que la loi Gombette et les Capitulaires de Charlemagne. L’assemblée nationale qui va se réunir, si révolutionnaire qu’elle nous vienne, ne sera, aussi bien que la constitution qu’elle doit donner, que du provisoire. Ce n’est point avec des lambeaux de la constitution de l’an VIII, de celle de l’an III ou de l’an II, flanquées du Contrat social et de toutes les déclarations de Droits de Lafayette, de Condorcet et de Robespierre, que l’on traduira la pensée du Peuple. Notre illusion en ce moment est de croire à la possibilité d’une république dans le sens vulgaire du mot ; et c’est chose risible que de voir nos tribuns arranger leurs fauteuils pour l’éternité. La dernière révolution contient autre chose : sans cela il faudrait dire qu’elle s’est accomplie par hasard, qu’elle est un accident sans cause et sans racines, en un mot, qu’elle est absurde.

Telle est aussi l’idée, tel est le doute qui, dans le secret des consciences, tourmente la nation, ceux qui occupent le pouvoir, aussi bien que ceux qui viennent de le perdre.

Tous les hommes qui, hier, s’attachaient à l’une des formes politiques maintenant disparues, conservateurs, dynastiques, légitimistes, et plus d’un même parmi les radicaux, également déroutés, regardent avec inquiétude cette République qui renaît, sous un étendard nouveau, un demi-siècle après ses funérailles. Depuis quand, se disent-ils, est-ce que les morts ressuscitent ? L’histoire rétrograde-t-elle ? tourne-t-elle ? se recommence-t-elle ? La société a-t-elle ses époques palingénésiques, et le progrès ne serait-il qu’une série de restaurations ?…

Puis, passant rapidement du doute au désespoir : Voyez, ajoutent-ils, cette révolution faite sans idée ! ce drame renouvelé moitié de 89, moitié de 93, appris dans des romans, répété dans des tabagies, puis joué sur la place publique par des hommes qui ne savent seulement pas que ce qu’ils viennent de détruire a été la fin de ce qu’ils commencent ! D’où vient-elle, cette révolution ? elle n’en sait rien. Où va-t-elle ? elle l’ignore. Qui est-elle ? elle hésite sur son propre nom, tant elle-même se connaît peu, tant son apparition est factice, tant ce mot de République semble un solécisme dans notre langue.

Le premier jour, c’est le renversement du ministère.

Le second jour, c’est la chute de l’opposition.

Le troisième jour, c’est l’abdication de Louis-Philippe.

Le quatrième jour, c’est le suffrage universel.

Le cinquième jour, c’est l’organisation du travail.

Le sixième, le septième jour, ce sera la communauté et le phalanstère !...

Oh ! le Gouvernement l’avait prédit : nous étions tous aveugles, nous sommes tous dupes. La République, dont personne ne voulait, a surgi de nos querelles, traînant à sa suite des saturnales inconnues. Entendez-vous les cris des Icariens, les cantiques de Châtel, et ce bruit confus, horrible, de toutes les sectes ? Avez-vous vu ces hommes à visages sinistres, pleins du vin de la liste civile, faire des rondes à minuit, avec des chiffonnières nues, dans la demeure royale ? Avez-vous compté les cadavres de ces cent trente héros, asphyxiés par l’alcool et la fumée, dans l’orgie de leur triomphe ?… Où s’arrêtera ce carnaval sanglant ? Quel dénoûment à cette fable, où l’on voit une nation entière, menée par une douzaine de mystagogues, figurer comme une troupe de comédiens ?…

Et voilà, reprennent-ils, voilà l’œuvre de cette Opposition qui se prétendait clairvoyante, qui niait les passions hostiles, qui se flattait de dompter l’émeute ; qui, maîtresse un instant du pouvoir, ayant quarante mille hommes de troupes, et quatre-vingt mille gardes nationaux pour faire respecter son mandat, n’a eu rien de plus pressé que de faire battre la retraite, et de laisser le champ libre à la République !

Voilà, répliquent les autres, le fruit de cette pensée immuable, qui, souillant tout, corrompant tout, ramenant tout à son égoïsme, faisant de toute vérité un mensonge, se jouant également de Dieu et des hommes, après dix-sept ans de perfidies, prétendit jusqu’à la dernière heure faire des conditions au pays, et dire à la liberté : Tu n’iras pas plus loin !

Voilà comme finissent les usurpateurs ; voilà comme sont emportés les hypocrites et les impies. La révolution de février ne peut se comparer qu’à un vomissement. Le peuple de Paris expulsant Louis-Philippe, était comme un malade qui rejette un ver par la bouche !…

Et cependant le Peuple est plus pauvre que jamais : le bourgeois se ruine, l’ouvrier meurt de faim, l’État court à la banqueroute. Oh ! qu’allons-nous devenir ?…

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Un grand acte vient de s’accomplir, irrésistible, irrévocable.

Que chacun, suivant son inclination, en fasse son deuil ou s’en félicite ; mais que tous se préparent à l’imprévu : car, je vous le jure, la face du monde vient d’être changée.

Royauté, monarchie constitutionnelle, système représentatif, classe travailleuse et classe bourgeoise, et bien d’autres choses que je ne suis nullement pressé de dire, tout cela est désormais aussi loin de nous que la loi Gombette et les Capitulaires de Charlemagne. L’assemblée nationale qui va se réunir, si révolutionnaire qu’elle nous vienne, ne sera, aussi bien que la constitution qu’elle doit donner, que du provisoire. Ce n’est point avec des lambeaux de la constitution de l’an VIII, de celle de l’an III ou de l’an II, flanquées du Contrat social et de toutes les déclarations de Droits de Lafayette, de Condorcet et de Robespierre, que l’on traduira la pensée du Peuple. Notre illusion en ce moment est de croire à la possibilité d’une république dans le sens vulgaire du mot ; et c’est chose risible que de voir nos tribuns arranger leurs fauteuils pour l’éternité. La dernière révolution contient autre chose : sans cela il faudrait dire qu’elle s’est accomplie par hasard, qu’elle est un accident sans cause et sans racines, en un mot, qu’elle est absurde.

Telle est aussi l’idée, tel est le doute qui, dans le secret des consciences, tourmente la nation, ceux qui occupent le pouvoir, aussi bien que ceux qui viennent de le perdre.

Tous les hommes qui, hier, s’attachaient à l’une des formes politiques maintenant disparues, conservateurs, dynastiques, légitimistes, et plus d’un même parmi les radicaux, également déroutés, regardent avec inquiétude cette République qui renaît, sous un étendard nouveau, un demi-siècle après ses funérailles. Depuis quand, se disent-ils, est-ce que les morts ressuscitent ? L’histoire rétrograde-t-elle ? tourne-t-elle ? se recommence-t-elle ? La société a-t-elle ses époques palingénésiques, et le progrès ne serait-il qu’une série de restaurations ?…

Puis, passant rapidement du doute au désespoir : Voyez, ajoutent-ils, cette révolution faite sans idée ! ce drame renouvelé moitié de 89, moitié de 93, appris dans des romans, répété dans des tabagies, puis joué sur la place publique par des hommes qui ne savent seulement pas que ce qu’ils viennent de détruire a été la fin de ce qu’ils commencent ! D’où vient-elle, cette révolution ? elle n’en sait rien. Où va-t-elle ? elle l’ignore. Qui est-elle ? elle hésite sur son propre nom, tant elle-même se connaît peu, tant son apparition est factice, tant ce mot de République semble un solécisme dans notre langue.

Le premier jour, c’est le renversement du ministère.

Le second jour, c’est la chute de l’opposition.

Le troisième jour, c’est l’abdication de Louis-Philippe.

Le quatrième jour, c’est le suffrage universel.

Le cinquième jour, c’est l’organisation du travail.

Le sixième, le septième jour, ce sera la communauté et le phalanstère !...

Oh ! le Gouvernement l’avait prédit : nous étions tous aveugles, nous sommes tous dupes. La République, dont personne ne voulait, a surgi de nos querelles, traînant à sa suite des saturnales inconnues. Entendez-vous les cris des Icariens, les cantiques de Châtel, et ce bruit confus, horrible, de toutes les sectes ? Avez-vous vu ces hommes à visages sinistres, pleins du vin de la liste civile, faire des rondes à minuit, avec des chiffonnières nues, dans la demeure royale ? Avez-vous compté les cadavres de ces cent trente héros, asphyxiés par l’alcool et la fumée, dans l’orgie de leur triomphe ?… Où s’arrêtera ce carnaval sanglant ? Quel dénoûment à cette fable, où l’on voit une nation entière, menée par une douzaine de mystagogues, figurer comme une troupe de comédiens ?…

Et voilà, reprennent-ils, voilà l’œuvre de cette Opposition qui se prétendait clairvoyante, qui niait les passions hostiles, qui se flattait de dompter l’émeute ; qui, maîtresse un instant du pouvoir, ayant quarante mille hommes de troupes, et quatre-vingt mille gardes nationaux pour faire respecter son mandat, n’a eu rien de plus pressé que de faire battre la retraite, et de laisser le champ libre à la République !

Voilà, répliquent les autres, le fruit de cette pensée immuable, qui, souillant tout, corrompant tout, ramenant tout à son égoïsme, faisant de toute vérité un mensonge, se jouant également de Dieu et des hommes, après dix-sept ans de perfidies, prétendit jusqu’à la dernière heure faire des conditions au pays, et dire à la liberté : Tu n’iras pas plus loin !

Voilà comme finissent les usurpateurs ; voilà comme sont emportés les hypocrites et les impies. La révolution de février ne peut se comparer qu’à un vomissement. Le peuple de Paris expulsant Louis-Philippe, était comme un malade qui rejette un ver par la bouche !…

Et cependant le Peuple est plus pauvre que jamais : le bourgeois se ruine, l’ouvrier meurt de faim, l’État court à la banqueroute. Oh ! qu’allons-nous devenir ?…

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