Author: | Alphonse Daudet | ISBN: | 1230000256803 |
Publisher: | Largau | Publication: | August 1, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alphonse Daudet |
ISBN: | 1230000256803 |
Publisher: | Largau |
Publication: | August 1, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait du livre :
C’était septembre, et c’était la Provence, à une rentrée de vendange, il y a cinq ou six ans.
Du grand break attelé de deux camarguais qui nous emportait à toute bride, le poète Mistral, l’aîné de mes fils et moi, vers la gare de Tarascon et le train rapide du P.-L.-M., elle nous semblait divine cette fin de jour d’une pâleur ardente, un jour mat, épuisé, fiévreux, passionné comme un beau visage de femme de là-bas.
Pas un souffle d’air malgré le train de notre course. Les roseaux d’Espagne à longues feuilles rubanées, droits et rigides au bord du chemin ; et par toutes ces routes de campagne, d’un blanc de neige, d’un blanc de rêve, où la poussière craquait immobile sous les roues, un lent défilé de charrettes chargées de raisins noirs, rien que des noirs, – garçons et filles venant derrière, muets et graves, tous grands, bien découplés, la jambe longue et les yeux noirs.
Grappes d’yeux noirs, et de raisins noirs, on ne voyait que cela dans les cuves, sous le feutre à bords rabattus des vendangeurs, sous le fichu de tête dont les femmes gardaient les pointes entre les dentes serrées.
Quelquefois, à l’angle d’un champ, une croix se dressait dans le blanc du ciel, ayant à chacun de ses bras une lourde grappe noire, pendue en ex-voto.
« Vé !… (vois !) » me jetait Mistral avec un geste attendri, un sourire de fierté presque maternelle devant les manifestations ingénument païennes de sont peuple de Provence, puis il reprenait son récit, quelque beau conte parfumé et doré des bords du Rhône, comme le Gœthe provençal en sème à la volée, de ses deux mains toujours ouvertes, dont l’une est poésie et l’autre réalité.
Extrait du livre :
C’était septembre, et c’était la Provence, à une rentrée de vendange, il y a cinq ou six ans.
Du grand break attelé de deux camarguais qui nous emportait à toute bride, le poète Mistral, l’aîné de mes fils et moi, vers la gare de Tarascon et le train rapide du P.-L.-M., elle nous semblait divine cette fin de jour d’une pâleur ardente, un jour mat, épuisé, fiévreux, passionné comme un beau visage de femme de là-bas.
Pas un souffle d’air malgré le train de notre course. Les roseaux d’Espagne à longues feuilles rubanées, droits et rigides au bord du chemin ; et par toutes ces routes de campagne, d’un blanc de neige, d’un blanc de rêve, où la poussière craquait immobile sous les roues, un lent défilé de charrettes chargées de raisins noirs, rien que des noirs, – garçons et filles venant derrière, muets et graves, tous grands, bien découplés, la jambe longue et les yeux noirs.
Grappes d’yeux noirs, et de raisins noirs, on ne voyait que cela dans les cuves, sous le feutre à bords rabattus des vendangeurs, sous le fichu de tête dont les femmes gardaient les pointes entre les dentes serrées.
Quelquefois, à l’angle d’un champ, une croix se dressait dans le blanc du ciel, ayant à chacun de ses bras une lourde grappe noire, pendue en ex-voto.
« Vé !… (vois !) » me jetait Mistral avec un geste attendri, un sourire de fierté presque maternelle devant les manifestations ingénument païennes de sont peuple de Provence, puis il reprenait son récit, quelque beau conte parfumé et doré des bords du Rhône, comme le Gœthe provençal en sème à la volée, de ses deux mains toujours ouvertes, dont l’une est poésie et l’autre réalité.