La Porteuse de pain

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book La Porteuse de pain by Xavier de Montépin, GILBERT TEROL
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Author: Xavier de Montépin ISBN: 1230002798363
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 5, 2018
Imprint: Language: French
Author: Xavier de Montépin
ISBN: 1230002798363
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 5, 2018
Imprint:
Language: French

Garaud était un homme de trente ans environ ; ce qu’on appelle dans le langage populaire un beau gars : un solide gaillard bien bâti. Son regard exprimait l’intelligence, mais non la franchise. Sa lèvre inférieure épaisse dénotait un tempérament sensuel et des passions violentes.

C’était un ouvrier mécanicien de premier ordre, et de plus, très exact, très consciencieux dans son travail. M. Labroue avait voulu se l’attacher sérieusement. Depuis six ans il appartenait à l’usine en qualité de contremaître.

Jacques connaissait ses dispositions naturelles, ses aptitudes et souvent, pour les développer plus encore, il consacrait une partie de ses nuits à l’étude de livres spéciaux. Des rêves d’ambition fiévreuse le hantaient.

Il avait un tempérament de jouisseur, une nature avide de satisfactions matérielles. Il voulait être riche à tout prix…

Nous soulignons à dessein ces trois mots.

En disant à Jeanne qu’il l’aimait, qu’il voulait la prendre pour femme, il ne mentait point ; il éprouvait très réellement à l’endroit de la veuve de Pierre Fortier une passion sincère et violente. Les dernières paroles de Jeanne avaient fait naître dans son âme une sensation de joie inouïe.

Elle s’apprivoise ! murmurait-il. Au lieu de répondre « Non » comme toujours, elle a répondu « peut-être ? » Suis-je assez bête d’aimer ça ! C’est la première fois que ça m’arrive. Elle me rend fou ! Il faut qu’elle soit à moi. Je ne peux pas vivre sans elle. Mais je sens que pour l’obtenir il faut être riche. Je n’ai produit d’impression sur elle qu’en lui parlant de fortune pour ses enfants. Comment m’enrichir vite ? Ah ! si j’avais dans la tête une bonne invention de mécanique, et dans ma poche des billets de mille pour l’exécuter, ce serait vite fait !

Tout en monologuant ainsi, Jacques se dirigeait vers le cabinet du propriétaire de l’usine, M. Jules Labroue. Ce cabinet se trouvait dans un pavillon voisin des bureaux de la comptabilité et de la caisse, et touchait aux ateliers des modèles. Le pavillon lui-même s’accolait aux ateliers de fabrication.

Le patron était extrêmement rigoureux pour tout ce qui concernait le bon ordre de sa maison. On ne discutait point à l’usine ; l’obéissance passive s’imposait ; il fallait céder ou partir.

Le patron avait son logement à l’usine même, au premier étage du pavillon. La porte du cabinet était placée juste en face du guichet de la caisse dont un simple couloir la séparait. Au fond de ce couloir un escalier conduisait à l’appartement de M. Labroue. Jacques frappa discrètement à la porte. Le caissier, entendant du bruit, leva la plaque de cuivre mobile qui fermait le guichet.

« Inutile de frapper, dit-il, le patron est sorti.

– Voudrez-vous, monsieur Ricoux, le prévenir que je suis de retour.

– Suffit, Jacques. La commission sera faite. »

Le contremaître se rendit aux ateliers où il inspecta le travail, et donna divers ordres. Dans la salle des ajusteurs il alla droit à l’étau d’un ouvrier âgé de cinquante et un ans.

« Vincent, lui dit-il, j’ai rencontré votre fils, et…

– Est-ce qu’il vous a dit que ma femme est plus malade ? interrompit l’ajusteur, devenu blanc comme un linge.

– Non, mais il recommande que vous ne vous attardiez point en sortant de l’atelier…

– Monsieur Jacques, reprit l’ouvrier tremblant de tout son corps, pour que le garçon vous ait arrêté, pour qu’il me recommande de ne pas m’attarder, moi qui ne m’attarde jamais, il faut que sa mère soit très mal… Monsieur Jacques, donnez-moi la permission d’aller jusqu’à la maison, ça me tranquillisera.

– Vous savez, mon pauvre Vincent, qu’il m’est impossible de prendre cela sur moi, répliqua le contremaître. Vous connaissez le règlement. Dès qu’on est entré dans l’usine, on ne peut plus en sortir qu’au coup de cloche.

– Une fois n’est pas coutume, et en demandant au patron…

– M. Labroue est absent.

– Ah ! pas de chance ! » fit l’ouvrier d’un ton désolé.

Jacques sortit de la salle des ajusteurs. Quand le contremaître eut disparu, l’ouvrier dépouilla vivement son tablier de travail, et, se dissimulant derrière les établis, quitta l’atelier sans qu’on fît attention à lui. Il traversa la grande cour en longeant les murailles et il arriva près de la porte de l’usine. Là, il donna deux petits coups dans le vitrage de la loge.

« M’ame Fortier, tirez-moi le cordon, s’il vous plaît, dit-il.

– Vous avez la permission de sortir ? demanda Jeanne.

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Garaud était un homme de trente ans environ ; ce qu’on appelle dans le langage populaire un beau gars : un solide gaillard bien bâti. Son regard exprimait l’intelligence, mais non la franchise. Sa lèvre inférieure épaisse dénotait un tempérament sensuel et des passions violentes.

C’était un ouvrier mécanicien de premier ordre, et de plus, très exact, très consciencieux dans son travail. M. Labroue avait voulu se l’attacher sérieusement. Depuis six ans il appartenait à l’usine en qualité de contremaître.

Jacques connaissait ses dispositions naturelles, ses aptitudes et souvent, pour les développer plus encore, il consacrait une partie de ses nuits à l’étude de livres spéciaux. Des rêves d’ambition fiévreuse le hantaient.

Il avait un tempérament de jouisseur, une nature avide de satisfactions matérielles. Il voulait être riche à tout prix…

Nous soulignons à dessein ces trois mots.

En disant à Jeanne qu’il l’aimait, qu’il voulait la prendre pour femme, il ne mentait point ; il éprouvait très réellement à l’endroit de la veuve de Pierre Fortier une passion sincère et violente. Les dernières paroles de Jeanne avaient fait naître dans son âme une sensation de joie inouïe.

Elle s’apprivoise ! murmurait-il. Au lieu de répondre « Non » comme toujours, elle a répondu « peut-être ? » Suis-je assez bête d’aimer ça ! C’est la première fois que ça m’arrive. Elle me rend fou ! Il faut qu’elle soit à moi. Je ne peux pas vivre sans elle. Mais je sens que pour l’obtenir il faut être riche. Je n’ai produit d’impression sur elle qu’en lui parlant de fortune pour ses enfants. Comment m’enrichir vite ? Ah ! si j’avais dans la tête une bonne invention de mécanique, et dans ma poche des billets de mille pour l’exécuter, ce serait vite fait !

Tout en monologuant ainsi, Jacques se dirigeait vers le cabinet du propriétaire de l’usine, M. Jules Labroue. Ce cabinet se trouvait dans un pavillon voisin des bureaux de la comptabilité et de la caisse, et touchait aux ateliers des modèles. Le pavillon lui-même s’accolait aux ateliers de fabrication.

Le patron était extrêmement rigoureux pour tout ce qui concernait le bon ordre de sa maison. On ne discutait point à l’usine ; l’obéissance passive s’imposait ; il fallait céder ou partir.

Le patron avait son logement à l’usine même, au premier étage du pavillon. La porte du cabinet était placée juste en face du guichet de la caisse dont un simple couloir la séparait. Au fond de ce couloir un escalier conduisait à l’appartement de M. Labroue. Jacques frappa discrètement à la porte. Le caissier, entendant du bruit, leva la plaque de cuivre mobile qui fermait le guichet.

« Inutile de frapper, dit-il, le patron est sorti.

– Voudrez-vous, monsieur Ricoux, le prévenir que je suis de retour.

– Suffit, Jacques. La commission sera faite. »

Le contremaître se rendit aux ateliers où il inspecta le travail, et donna divers ordres. Dans la salle des ajusteurs il alla droit à l’étau d’un ouvrier âgé de cinquante et un ans.

« Vincent, lui dit-il, j’ai rencontré votre fils, et…

– Est-ce qu’il vous a dit que ma femme est plus malade ? interrompit l’ajusteur, devenu blanc comme un linge.

– Non, mais il recommande que vous ne vous attardiez point en sortant de l’atelier…

– Monsieur Jacques, reprit l’ouvrier tremblant de tout son corps, pour que le garçon vous ait arrêté, pour qu’il me recommande de ne pas m’attarder, moi qui ne m’attarde jamais, il faut que sa mère soit très mal… Monsieur Jacques, donnez-moi la permission d’aller jusqu’à la maison, ça me tranquillisera.

– Vous savez, mon pauvre Vincent, qu’il m’est impossible de prendre cela sur moi, répliqua le contremaître. Vous connaissez le règlement. Dès qu’on est entré dans l’usine, on ne peut plus en sortir qu’au coup de cloche.

– Une fois n’est pas coutume, et en demandant au patron…

– M. Labroue est absent.

– Ah ! pas de chance ! » fit l’ouvrier d’un ton désolé.

Jacques sortit de la salle des ajusteurs. Quand le contremaître eut disparu, l’ouvrier dépouilla vivement son tablier de travail, et, se dissimulant derrière les établis, quitta l’atelier sans qu’on fît attention à lui. Il traversa la grande cour en longeant les murailles et il arriva près de la porte de l’usine. Là, il donna deux petits coups dans le vitrage de la loge.

« M’ame Fortier, tirez-moi le cordon, s’il vous plaît, dit-il.

– Vous avez la permission de sortir ? demanda Jeanne.

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