Author: | Paul d'Ivoi | ISBN: | 1230002440958 |
Publisher: | Jwarlal | Publication: | July 23, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Paul d'Ivoi |
ISBN: | 1230002440958 |
Publisher: | Jwarlal |
Publication: | July 23, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
La presse, la photographie, la gravure ont popularisé les traits du chef de la mission Congo-Nil.
De taille moyenne, le visage doux, l'air timide presque, cet air de ceux que la nature a créés pour le mépris de l'argent, et qui n'aspirent qu'à un luxe, le plus coûteux de tous, car le milliard n'en permet pas l'achat, le luxe de l'honneur.
Au repos, il tient volontiers les paupières baissées, laissant à d'autres le souci de briller par d'abondantes paroles.
Mais qu'il se présente une chose utile à dire, les volets de ses yeux francs glissent, laissant passer un éclair, un potentiel intense d'énergie. Alors les bavards se taisent avec une sorte de confusion.
Ils ont reconnu le chef, comme on dit dans l'armée; le chef qui enlève ses subordonnés, par les seules forces de l'attraction et de l'exemple, vers les cimes du dévouement.
Or, le 12 décembre, le commandant, retenu depuis trente-quatre jours à Brazzaville, était assis sur un siège grossièrement façonné avec des tiges de rotang.
Ses yeux se fixaient sur le fleuve, et au delà, sur l'agglomération de Léopoldville, entourée d'immenses champs de manioc, dont la fécule est connue chez nous sous le nom de tapioca.
Il était soucieux et grave.
En face de lui se tenait le capitaine Mangin, dont le visage, exprimait également l'ennui.
—Alors capitaine, fit tout à coup Marchand après un silence prolongé, nos derniers convois ne peuvent arriver?
—Non, mon commandant.
18 —Les porteurs, engagés un jour, se dérobent le lendemain?
—Exactement. On croirait qu'une influence néfaste s'amuse à défaire tout ce que nous faisons.
Les traits du commandant se contractèrent légèrement.
—Je me doute de la nature de cette influence, murmura-t-il.
Et regardant son interlocuteur bien en face:
—Mangin, mon ami, avez-vous fait fouiller les villages des environs?
—Non, commandant.
—Eh bien, il faut charger de ce soin et sans retard quelques-unes de nos escouades.
Il se tut un moment encore, puis avec un sourire:
—C'est une bonne précaution, nous la prendrons constamment désormais.
Le capitaine parut surpris.
—Je m'explique, mon ami. Les indigènes n'attachent pas une valeur monnayée aux pièces d'or.
—En effet. Ils en usent surtout comme parure.
—Justement. Eh bien, je pense qu'autour de nous en ce moment, et plus tard le long de notre route, la grande mode pour les coquettes africaines est, ou sera, de porter en colliers, gorgerins, bracelets, pendants de nez ou d'oreilles, des disques d'or à l'effigie de Saint-Georges, du roi des Belges ou de l'Etat Indépendant.
Mangin fit un brusque mouvement.
—Vous comprenez, capitaine?
—Parfaitement, répondit le jeune officier.
—Il importe donc de constater la chose. Le nombre des parures dorées nous fera connaître l'étiage exact des inquiétudes anglaises au sujet de notre mission. Il y aura également d'autres signes: je vous les indique sommairement. Vous rencontrerez des cotonnades suspectes, des spiritueux qui nous avertiront que nos chances de réussite augmentent. Enfin, quand vous serez abordé par des chefs noirs armés d'excellents fusils; réjouissez-vous. Ils s'en serviront contre nous, naturellement; mais cela voudra dire que décidément on nous juge capables de toucher le but
La presse, la photographie, la gravure ont popularisé les traits du chef de la mission Congo-Nil.
De taille moyenne, le visage doux, l'air timide presque, cet air de ceux que la nature a créés pour le mépris de l'argent, et qui n'aspirent qu'à un luxe, le plus coûteux de tous, car le milliard n'en permet pas l'achat, le luxe de l'honneur.
Au repos, il tient volontiers les paupières baissées, laissant à d'autres le souci de briller par d'abondantes paroles.
Mais qu'il se présente une chose utile à dire, les volets de ses yeux francs glissent, laissant passer un éclair, un potentiel intense d'énergie. Alors les bavards se taisent avec une sorte de confusion.
Ils ont reconnu le chef, comme on dit dans l'armée; le chef qui enlève ses subordonnés, par les seules forces de l'attraction et de l'exemple, vers les cimes du dévouement.
Or, le 12 décembre, le commandant, retenu depuis trente-quatre jours à Brazzaville, était assis sur un siège grossièrement façonné avec des tiges de rotang.
Ses yeux se fixaient sur le fleuve, et au delà, sur l'agglomération de Léopoldville, entourée d'immenses champs de manioc, dont la fécule est connue chez nous sous le nom de tapioca.
Il était soucieux et grave.
En face de lui se tenait le capitaine Mangin, dont le visage, exprimait également l'ennui.
—Alors capitaine, fit tout à coup Marchand après un silence prolongé, nos derniers convois ne peuvent arriver?
—Non, mon commandant.
18 —Les porteurs, engagés un jour, se dérobent le lendemain?
—Exactement. On croirait qu'une influence néfaste s'amuse à défaire tout ce que nous faisons.
Les traits du commandant se contractèrent légèrement.
—Je me doute de la nature de cette influence, murmura-t-il.
Et regardant son interlocuteur bien en face:
—Mangin, mon ami, avez-vous fait fouiller les villages des environs?
—Non, commandant.
—Eh bien, il faut charger de ce soin et sans retard quelques-unes de nos escouades.
Il se tut un moment encore, puis avec un sourire:
—C'est une bonne précaution, nous la prendrons constamment désormais.
Le capitaine parut surpris.
—Je m'explique, mon ami. Les indigènes n'attachent pas une valeur monnayée aux pièces d'or.
—En effet. Ils en usent surtout comme parure.
—Justement. Eh bien, je pense qu'autour de nous en ce moment, et plus tard le long de notre route, la grande mode pour les coquettes africaines est, ou sera, de porter en colliers, gorgerins, bracelets, pendants de nez ou d'oreilles, des disques d'or à l'effigie de Saint-Georges, du roi des Belges ou de l'Etat Indépendant.
Mangin fit un brusque mouvement.
—Vous comprenez, capitaine?
—Parfaitement, répondit le jeune officier.
—Il importe donc de constater la chose. Le nombre des parures dorées nous fera connaître l'étiage exact des inquiétudes anglaises au sujet de notre mission. Il y aura également d'autres signes: je vous les indique sommairement. Vous rencontrerez des cotonnades suspectes, des spiritueux qui nous avertiront que nos chances de réussite augmentent. Enfin, quand vous serez abordé par des chefs noirs armés d'excellents fusils; réjouissez-vous. Ils s'en serviront contre nous, naturellement; mais cela voudra dire que décidément on nous juge capables de toucher le but