Belle-Rose

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Belle-Rose by Achard Amédée, YADE
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Author: Achard Amédée ISBN: 1230001623109
Publisher: YADE Publication: April 4, 2017
Imprint: Language: French
Author: Achard Amédée
ISBN: 1230001623109
Publisher: YADE
Publication: April 4, 2017
Imprint:
Language: French

Il y avait, vers l’an 1663, à quelques centaines de pas de Saint-Omer, une maisonnette assez bien bâtie, dont la porte s’ouvrait sur le grand chemin de Paris. Une haie vive d’aubépine et de sureau entourait un jardin où l’on voyait pêle-mêle des fleurs, des chèvres et des enfants. Une demi-douzaine de poules avec leurs poussins caquetaient dans un coin entre les choux et les fraisiers ; deux ou trois ruches, groupées sous des pêchers, tournaient vers le soleil leurs cônes odorants, tout bourdonnants d’abeilles, et çà et là, sur les branches de gros poiriers chargés de fruits, roucoulait quelque beau ramier qui battait de l’aile autour de sa compagne.

La maisonnette avait un aspect frais et souriant qui réjouissait le cœur ; la vigne vierge et le houblon tapissaient ses murs ; sept ou huit fenêtres percées irrégulièrement, et toutes grandes ouvertes au midi, semblaient regarder la campagne avec bonhomie ; un mince filet de fumée tremblait au bout de la cheminée, où pendaient les tiges flexibles des pariétaires, et à quelque heure du jour que l’on passât devant la maisonnette, on y entendait des cris joyeux d’enfants mêlés au chant du coq. Parmi ces enfants qui venaient là de tous les coins du faubourg, il y en avait trois qui appartenaient à Guillaume Grinedal, le maître du logis : Jacques, Claudine et Pierre.

Guillaume Grinedal, ou le père Guillaume, comme on l’appelait familièrement, était bien le meilleur fauconnier qu’il y eût dans tout l’Artois ; mais depuis longtemps déjà il n’avait guère eu l’occasion d’exercer son savoir. Durant la régence de la reine Anne d’Autriche, le seigneur d’Assonville, son maître, ruiné par les guerres, avait été contraint de vendre ses terres ; mais, avant de quitter le pays, voulant récompenser la fidélité de son vieux serviteur, il lui avait fait présent de la maisonnette et du jardin. Le vieux Grinedal, se refusant à servir de nouveaux maîtres, s’était retiré dans cette habitation, où il vivait du produit de quelques travaux et de ses épargnes. Devenu veuf, le père Guillaume ne pensait plus qu’à ses enfants, qu’il élevait aussi bien que ses moyens le lui permettaient et le plus honnêtement du monde. Tant qu’ils furent petits, les enfants vécurent aussi libres que des papillons, se roulant sur l’herbe en été, patinant sur la glace en hiver, et courant tête nue au soleil, par la pluie ou par le vent. Puis arriva le temps des études, qui consistaient à lire dans un grand livre sur les genoux du bonhomme Grinedal, et à écrire sur une ardoise, ce qui n’empêchait pas qu’on trouvât encore le loisir de ramasser les fraises dans les bois et les écrevisses dans les ruisseaux.

Jacques, l’aîné de la famille, était, à dix-sept ou dix-huit ans, un grand garçon qui paraissait en avoir plus de vingt. Il n’était pas beau parleur, mais il agissait avec une hardiesse et une résolution extrêmes aussitôt qu’il croyait être dans son droit. Sa force le faisait redouter de tous les écoliers du faubourg et de la banlieue, comme sa droiture l’en faisait aimer. On le prenait volontiers pour juge dans toutes les querelles d’enfants ; Jacques rendait son arrêt, l’appuyait au besoin de quelques bons coups de poing, et tout le monde s’en retournait content. Quand il y avait une dispute et des batailles pour des cerises ou quelque toupie d’Allemagne, aussitôt qu’on voyait arriver Jacques, les plus tapageurs se taisaient et les plus faibles se redressaient ; Jacques écartait les combattants, se faisait rendre compte des causes du débat, distribuait un conseil aux uns, une taloche aux autres, adjugeait l’objet en litige et mettait chacun d’accord par une partie de quilles.

Il lui arrivait parfois de s’adresser à plus grand et plus fort que lui ; mais la crainte d’être battu ne l’arrêtait pas. Dix fois terrassé, il se relevait dix fois ; vaincu la veille, il recommençait le lendemain, et tel était l’empire de son courage appuyé sur le sentiment de la justice inné en lui, qu’il finissait toujours par l’emporter. Mais ce petit garçon déterminé, qui n’aurait pas reculé devant dix gendarmes du roi, se troublait et balbutiait devant une petite fille qui pouvait bien avoir quatre ans de moins que lui. Il suffisait de la présence de Mlle Suzanne de Malzonvilliers pour l’arrêter au beau milieu de ses exercices les plus violents. Aussitôt qu’il l’apercevait, il dégringolait du haut des peupliers où il dénichait les pies, lâchait le bras du méchant drôle qu’il était en train de corriger, ou laissait aller le taureau contre lequel il luttait. Il ne fallait à la demoiselle qu’un signe imperceptible de son doigt, rien qu’un regard, pour faire accourir à son côté Jacques, tout rouge et tout confus.

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Il y avait, vers l’an 1663, à quelques centaines de pas de Saint-Omer, une maisonnette assez bien bâtie, dont la porte s’ouvrait sur le grand chemin de Paris. Une haie vive d’aubépine et de sureau entourait un jardin où l’on voyait pêle-mêle des fleurs, des chèvres et des enfants. Une demi-douzaine de poules avec leurs poussins caquetaient dans un coin entre les choux et les fraisiers ; deux ou trois ruches, groupées sous des pêchers, tournaient vers le soleil leurs cônes odorants, tout bourdonnants d’abeilles, et çà et là, sur les branches de gros poiriers chargés de fruits, roucoulait quelque beau ramier qui battait de l’aile autour de sa compagne.

La maisonnette avait un aspect frais et souriant qui réjouissait le cœur ; la vigne vierge et le houblon tapissaient ses murs ; sept ou huit fenêtres percées irrégulièrement, et toutes grandes ouvertes au midi, semblaient regarder la campagne avec bonhomie ; un mince filet de fumée tremblait au bout de la cheminée, où pendaient les tiges flexibles des pariétaires, et à quelque heure du jour que l’on passât devant la maisonnette, on y entendait des cris joyeux d’enfants mêlés au chant du coq. Parmi ces enfants qui venaient là de tous les coins du faubourg, il y en avait trois qui appartenaient à Guillaume Grinedal, le maître du logis : Jacques, Claudine et Pierre.

Guillaume Grinedal, ou le père Guillaume, comme on l’appelait familièrement, était bien le meilleur fauconnier qu’il y eût dans tout l’Artois ; mais depuis longtemps déjà il n’avait guère eu l’occasion d’exercer son savoir. Durant la régence de la reine Anne d’Autriche, le seigneur d’Assonville, son maître, ruiné par les guerres, avait été contraint de vendre ses terres ; mais, avant de quitter le pays, voulant récompenser la fidélité de son vieux serviteur, il lui avait fait présent de la maisonnette et du jardin. Le vieux Grinedal, se refusant à servir de nouveaux maîtres, s’était retiré dans cette habitation, où il vivait du produit de quelques travaux et de ses épargnes. Devenu veuf, le père Guillaume ne pensait plus qu’à ses enfants, qu’il élevait aussi bien que ses moyens le lui permettaient et le plus honnêtement du monde. Tant qu’ils furent petits, les enfants vécurent aussi libres que des papillons, se roulant sur l’herbe en été, patinant sur la glace en hiver, et courant tête nue au soleil, par la pluie ou par le vent. Puis arriva le temps des études, qui consistaient à lire dans un grand livre sur les genoux du bonhomme Grinedal, et à écrire sur une ardoise, ce qui n’empêchait pas qu’on trouvât encore le loisir de ramasser les fraises dans les bois et les écrevisses dans les ruisseaux.

Jacques, l’aîné de la famille, était, à dix-sept ou dix-huit ans, un grand garçon qui paraissait en avoir plus de vingt. Il n’était pas beau parleur, mais il agissait avec une hardiesse et une résolution extrêmes aussitôt qu’il croyait être dans son droit. Sa force le faisait redouter de tous les écoliers du faubourg et de la banlieue, comme sa droiture l’en faisait aimer. On le prenait volontiers pour juge dans toutes les querelles d’enfants ; Jacques rendait son arrêt, l’appuyait au besoin de quelques bons coups de poing, et tout le monde s’en retournait content. Quand il y avait une dispute et des batailles pour des cerises ou quelque toupie d’Allemagne, aussitôt qu’on voyait arriver Jacques, les plus tapageurs se taisaient et les plus faibles se redressaient ; Jacques écartait les combattants, se faisait rendre compte des causes du débat, distribuait un conseil aux uns, une taloche aux autres, adjugeait l’objet en litige et mettait chacun d’accord par une partie de quilles.

Il lui arrivait parfois de s’adresser à plus grand et plus fort que lui ; mais la crainte d’être battu ne l’arrêtait pas. Dix fois terrassé, il se relevait dix fois ; vaincu la veille, il recommençait le lendemain, et tel était l’empire de son courage appuyé sur le sentiment de la justice inné en lui, qu’il finissait toujours par l’emporter. Mais ce petit garçon déterminé, qui n’aurait pas reculé devant dix gendarmes du roi, se troublait et balbutiait devant une petite fille qui pouvait bien avoir quatre ans de moins que lui. Il suffisait de la présence de Mlle Suzanne de Malzonvilliers pour l’arrêter au beau milieu de ses exercices les plus violents. Aussitôt qu’il l’apercevait, il dégringolait du haut des peupliers où il dénichait les pies, lâchait le bras du méchant drôle qu’il était en train de corriger, ou laissait aller le taureau contre lequel il luttait. Il ne fallait à la demoiselle qu’un signe imperceptible de son doigt, rien qu’un regard, pour faire accourir à son côté Jacques, tout rouge et tout confus.

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