Sans dessus dessous

Fiction & Literature, Action Suspense, Classics, Science Fiction & Fantasy
Cover of the book Sans dessus dessous by Jules Verne, Consumer Oriented Ebooks Publisher
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Author: Jules Verne ISBN: 1230000910651
Publisher: Consumer Oriented Ebooks Publisher Publication: January 27, 2016
Imprint: Language: French
Author: Jules Verne
ISBN: 1230000910651
Publisher: Consumer Oriented Ebooks Publisher
Publication: January 27, 2016
Imprint:
Language: French

À mon extrême regret, j’y suis obligé, mistress Scorbitt, répondit J.-T.
Maston. Qu’il y ait eu ou qu’il y ait quelques remarquables mathématiciennes,
et particulièrement en Russie, j’en conviens très volontiers. Mais, étant
donnée sa conformation cérébrale, il n’est pas de femme qui puisse devenir une
Archimède et encore moins une Newton.

— Oh! monsieur Maston, permettez-moi de protester au nom de notre sexe…

— Sexe d’autant plus charmant, mistress Scorbitt, qu’il n’est point fait pour
s’adonner aux études transcendantes.

— Ainsi, selon vous, monsieur Maston, en voyant tomber une pomme, aucune femme
n’eût pu découvrir les lois de la gravitation universelle, ainsi que l’a fait
l’illustre savant anglais à la fin du XVIIème siècle?

— En voyant tomber une pomme, mistress Scorbitt, une femme n’aurait eu d’autre
idée… que de la manger… à l’exemple de notre mère Ève!

— Allons, je vois bien que vous nous déniez toute aptitude pour les hautes
spéculations…

— Toute aptitude?… Non, mistress Scorbitt. Et, cependant, je vous ferai
observer que, depuis qu’il y a des habitants sur la Terre et des femmes par
conséquent, il ne s’est pas encore trouvé un cerveau féminin auquel on doive
quelque découverte analogue à celles d’Aristote, d’Euclide, de Képler, de
Laplace, dans le domaine scientifique.

— Est-ce donc une raison, et le passé engage-t-il irrévocablement l’avenir?

— Hum! ce qui ne s’est point fait depuis des milliers d’années ne se fera
jamais… sans doute.

— Alors je vois qu’il faut en prendre notre parti, monsieur Maston, et nous ne
sommes vraiment bonnes…

— Qu’à être bonnes! » répondit J.-T. Maston.

Et cela, il le dit avec cette aimable galanterie dont peut disposer un savant
bourré d’x. Mrs Evangélina Scorbitt était toute portée à s’en contenter,
d’ailleurs.

« Eh bien! monsieur Maston, reprit-elle, à chacun son lot en ce monde. Restez
l’extraordinaire calculateur que vous êtes. Donnez-vous tout entier aux
problèmes de cette oeuvre immense à laquelle, vos amis et vous, allez vouer
votre existence. Moi, je serai la « bonne femme » que je dois être, en lui
apportant mon concours pécuniaire…

— Ce dont nous vous aurons une éternelle reconnaissance, » répondit J.-T.
Maston.

Mrs Evangélina Scorbitt rougit délicieusement, car elle éprouvait ­ sinon pour
les savants en général ­ du moins pour J.-T. Maston, une sympathie vraiment
singulière. Le coeur de la femme n’est-il pas un insondable abîme?

Oeuvre immense, en vérité, à laquelle cette riche veuve américaine avait résolu
de consacrer d’importants capitaux.

Voici quelle était cette oeuvre, quel était le but que ses promoteurs
prétendaient atteindre.

Les terres arctiques proprement dites comprennent, d’après Maltebrun, Reclus,
Saint-Martin et les plus autorisés des géographes :

1° Le Devon septentrional, c’est-à-dire les îles couvertes de glaces de la mer
de Baffin et du détroit de Lancastre;

2° La Géorgie septentrionale, formée de la terre de Banks et de nombreuses
îles, telles que les îles Sabine, Byam-Martin, Griffith, Cornwallis et Bathurst;

3° L’archipel de Baffin-Parry, comprenant diverses parties du continent
circumpolaire, appelées Cumberland, Southampton, James-Sommerset,
Boothia-Felix, Melville et autres à peu près inconnues.

En cet ensemble, périmétré par le soixante-dix-huitième parallèle, les terres
s’étendent sur quatorze cent mille milles et les mers sur sept cent mille
milles carrés.

Intérieurement à ce parallèle, d’intrépides découvreurs modernes sont parvenus
à s’avancer jusqu’aux abords du quatre vingt-quatrième degré de latitude,
relevant quelques côtes perdues derrière la haute chaîne des banquises, donnant
des noms aux caps, aux promontoires, aux golfes, aux baies de ces vastes
contrées, qui pourraient être appelées les Highlands arctiques. Mais, au delà
de ce vingt-quatrième parallèle, c’est le mystère, c’est l’irréalisable
desideratum des cartographes, et nul ne sait encore si ce sont des terres ou
des mers que cache, sur un espace de six degrés, l’infranchissable
amoncellement des glaces du Pôle boréal.

Or, en cette année 189–, le gouvernement de États-Unis eut l’idée fort
inattendue de proposer la mise en adjudication des régions circumpolaires non
encore découvertes — régions dont une société américaine, qui venait de se
former en vue d’acquérir la calotte arctique, sollicitait la concession.

Depuis quelques années, il est vrai, la conférence de Berlin avait formulé un
code spécial, à l’usage des grandes Puissances, qui désirent s’approprier le
bien d’autrui sous prétexte de colonisation ou d’ouverture de débouchés
commerciaux. Toutefois, il ne semblait pas que ce code fût applicable en cette
circonstance, le domaine polaire n’étant point habité. Néanmoins, comme ce qui
n’est à personne appartient également à tout le monde, la nouvelle Société ne
prétendait pas « prendre » mais « acquérir », afin d’éviter les réclamations
futures.

Aux États-Unis, il n’est de projet si audacieux ­ ou même à peu près
irréalisable ­ qui ne trouve des gens pour en dégager les côtés pratiques et
des capitaux pour les mettre en oeuvre. On l’avait bien vu, quelques années
auparavant, lorsque le Gun-Club de Baltimore s’était donné la tâche d’envoyer
un projectile jusqu’à la Lune, dans l’espoir d’obtenir une communication
directe avec notre satellite. Or n’étaient-ce pas ces entreprenants Yankees,
qui avaient fourni les plus grosses sommes nécessitées par cette intéressante
tentative? Et, si elle fut réalisée, n’est-ce pas grâce à deux des membres
dudit club, qui osèrent affronter les risques de cette surhumaine expérience?

Qu’un Lesseps propose quelque jour de creuser un canal à grande section à
travers l’Europe et l’Asie, depuis les rives de l’Atlantique jusqu’aux mers de
la Chine, ­ qu’un puisatier de génie offre de forer la terre pour atteindre les
couches de silicates qui s’y trouvent à l’état fluide, au-dessus de la fonte en
fusion, afin de puiser au foyer même du feu central, ­ qu’un entreprenant
électricien veuille réunir les courants disséminés à la surface du globe, pour
en former une inépuisable source de chaleur et de lumière, ­ qu’un hardi
ingénieur ait l’idée d’emmagasiner dans de vastes récepteurs l’excès des
températures estivales pour le restituer pendant l’hiver aux zones éprouvées
par le froid, ­ qu’un hydraulicien hors ligne essaie d’utiliser la force vive
des marées pour produire à volonté de la chaleur ou du travail ­ que des
sociétés anonymes ou en commandite se fondent pour mener à bonne fin cent
projets de cette sorte! ­ ce sont les Américains que l’on trouvera en tête des
souscripteurs, et des rivières de dollars se précipiteront dans les caisses
sociales, comme les grands fleuves du Nord-Amérique vont s’absorber au sein des
océans.

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À mon extrême regret, j’y suis obligé, mistress Scorbitt, répondit J.-T.
Maston. Qu’il y ait eu ou qu’il y ait quelques remarquables mathématiciennes,
et particulièrement en Russie, j’en conviens très volontiers. Mais, étant
donnée sa conformation cérébrale, il n’est pas de femme qui puisse devenir une
Archimède et encore moins une Newton.

— Oh! monsieur Maston, permettez-moi de protester au nom de notre sexe…

— Sexe d’autant plus charmant, mistress Scorbitt, qu’il n’est point fait pour
s’adonner aux études transcendantes.

— Ainsi, selon vous, monsieur Maston, en voyant tomber une pomme, aucune femme
n’eût pu découvrir les lois de la gravitation universelle, ainsi que l’a fait
l’illustre savant anglais à la fin du XVIIème siècle?

— En voyant tomber une pomme, mistress Scorbitt, une femme n’aurait eu d’autre
idée… que de la manger… à l’exemple de notre mère Ève!

— Allons, je vois bien que vous nous déniez toute aptitude pour les hautes
spéculations…

— Toute aptitude?… Non, mistress Scorbitt. Et, cependant, je vous ferai
observer que, depuis qu’il y a des habitants sur la Terre et des femmes par
conséquent, il ne s’est pas encore trouvé un cerveau féminin auquel on doive
quelque découverte analogue à celles d’Aristote, d’Euclide, de Képler, de
Laplace, dans le domaine scientifique.

— Est-ce donc une raison, et le passé engage-t-il irrévocablement l’avenir?

— Hum! ce qui ne s’est point fait depuis des milliers d’années ne se fera
jamais… sans doute.

— Alors je vois qu’il faut en prendre notre parti, monsieur Maston, et nous ne
sommes vraiment bonnes…

— Qu’à être bonnes! » répondit J.-T. Maston.

Et cela, il le dit avec cette aimable galanterie dont peut disposer un savant
bourré d’x. Mrs Evangélina Scorbitt était toute portée à s’en contenter,
d’ailleurs.

« Eh bien! monsieur Maston, reprit-elle, à chacun son lot en ce monde. Restez
l’extraordinaire calculateur que vous êtes. Donnez-vous tout entier aux
problèmes de cette oeuvre immense à laquelle, vos amis et vous, allez vouer
votre existence. Moi, je serai la « bonne femme » que je dois être, en lui
apportant mon concours pécuniaire…

— Ce dont nous vous aurons une éternelle reconnaissance, » répondit J.-T.
Maston.

Mrs Evangélina Scorbitt rougit délicieusement, car elle éprouvait ­ sinon pour
les savants en général ­ du moins pour J.-T. Maston, une sympathie vraiment
singulière. Le coeur de la femme n’est-il pas un insondable abîme?

Oeuvre immense, en vérité, à laquelle cette riche veuve américaine avait résolu
de consacrer d’importants capitaux.

Voici quelle était cette oeuvre, quel était le but que ses promoteurs
prétendaient atteindre.

Les terres arctiques proprement dites comprennent, d’après Maltebrun, Reclus,
Saint-Martin et les plus autorisés des géographes :

1° Le Devon septentrional, c’est-à-dire les îles couvertes de glaces de la mer
de Baffin et du détroit de Lancastre;

2° La Géorgie septentrionale, formée de la terre de Banks et de nombreuses
îles, telles que les îles Sabine, Byam-Martin, Griffith, Cornwallis et Bathurst;

3° L’archipel de Baffin-Parry, comprenant diverses parties du continent
circumpolaire, appelées Cumberland, Southampton, James-Sommerset,
Boothia-Felix, Melville et autres à peu près inconnues.

En cet ensemble, périmétré par le soixante-dix-huitième parallèle, les terres
s’étendent sur quatorze cent mille milles et les mers sur sept cent mille
milles carrés.

Intérieurement à ce parallèle, d’intrépides découvreurs modernes sont parvenus
à s’avancer jusqu’aux abords du quatre vingt-quatrième degré de latitude,
relevant quelques côtes perdues derrière la haute chaîne des banquises, donnant
des noms aux caps, aux promontoires, aux golfes, aux baies de ces vastes
contrées, qui pourraient être appelées les Highlands arctiques. Mais, au delà
de ce vingt-quatrième parallèle, c’est le mystère, c’est l’irréalisable
desideratum des cartographes, et nul ne sait encore si ce sont des terres ou
des mers que cache, sur un espace de six degrés, l’infranchissable
amoncellement des glaces du Pôle boréal.

Or, en cette année 189–, le gouvernement de États-Unis eut l’idée fort
inattendue de proposer la mise en adjudication des régions circumpolaires non
encore découvertes — régions dont une société américaine, qui venait de se
former en vue d’acquérir la calotte arctique, sollicitait la concession.

Depuis quelques années, il est vrai, la conférence de Berlin avait formulé un
code spécial, à l’usage des grandes Puissances, qui désirent s’approprier le
bien d’autrui sous prétexte de colonisation ou d’ouverture de débouchés
commerciaux. Toutefois, il ne semblait pas que ce code fût applicable en cette
circonstance, le domaine polaire n’étant point habité. Néanmoins, comme ce qui
n’est à personne appartient également à tout le monde, la nouvelle Société ne
prétendait pas « prendre » mais « acquérir », afin d’éviter les réclamations
futures.

Aux États-Unis, il n’est de projet si audacieux ­ ou même à peu près
irréalisable ­ qui ne trouve des gens pour en dégager les côtés pratiques et
des capitaux pour les mettre en oeuvre. On l’avait bien vu, quelques années
auparavant, lorsque le Gun-Club de Baltimore s’était donné la tâche d’envoyer
un projectile jusqu’à la Lune, dans l’espoir d’obtenir une communication
directe avec notre satellite. Or n’étaient-ce pas ces entreprenants Yankees,
qui avaient fourni les plus grosses sommes nécessitées par cette intéressante
tentative? Et, si elle fut réalisée, n’est-ce pas grâce à deux des membres
dudit club, qui osèrent affronter les risques de cette surhumaine expérience?

Qu’un Lesseps propose quelque jour de creuser un canal à grande section à
travers l’Europe et l’Asie, depuis les rives de l’Atlantique jusqu’aux mers de
la Chine, ­ qu’un puisatier de génie offre de forer la terre pour atteindre les
couches de silicates qui s’y trouvent à l’état fluide, au-dessus de la fonte en
fusion, afin de puiser au foyer même du feu central, ­ qu’un entreprenant
électricien veuille réunir les courants disséminés à la surface du globe, pour
en former une inépuisable source de chaleur et de lumière, ­ qu’un hardi
ingénieur ait l’idée d’emmagasiner dans de vastes récepteurs l’excès des
températures estivales pour le restituer pendant l’hiver aux zones éprouvées
par le froid, ­ qu’un hydraulicien hors ligne essaie d’utiliser la force vive
des marées pour produire à volonté de la chaleur ou du travail ­ que des
sociétés anonymes ou en commandite se fondent pour mener à bonne fin cent
projets de cette sorte! ­ ce sont les Américains que l’on trouvera en tête des
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