Nicolas Nickleby. Édition abrégée

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book Nicolas Nickleby. Édition abrégée by Charles Dickens, Eugène Ardant et Cie
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Author: Charles Dickens ISBN: 1230003184561
Publisher: Eugène Ardant et Cie Publication: April 15, 2019
Imprint: Language: French
Author: Charles Dickens
ISBN: 1230003184561
Publisher: Eugène Ardant et Cie
Publication: April 15, 2019
Imprint:
Language: French

Dans une partie écartée du Devonshire, en Angleterre, vivait un certain Godefroi Nickleby. Ce digne homme épousa une femme qu’il aimait, et qui, en acceptant sa main, ne montra pas moins de désintéressement.

Godefroi mena d’abord une existence assez précaire ; mais un de ses oncles étant venu à mourir subitement, le mit à même d’acheter une petite ferme, et d’élever ses deux fils. Il institua M. Godefroi son légataire universel.

À sa mort, arrivée quinze ans après, M. Godefroi put laisser à Ralph, son fils aîné, trois mille livres en numéraire, et à Nicolas, le plus jeune, mille livres et la métairie. Les deux frères avaient été élevés ensemble dans une pension à Exeter, et, comme ils venaient une fois par semaine à la maison, ils tenaient de la bouche de leur mère de longs détails sur les souffrances de leur père aux jours de sa pauvreté, et sur la splendeur de leur oncle défunt aux jours de sa prospérité. Ces récits produisirent sur chacun des enfants une impression toute différente. Le plus jeune, naturellement timide et ami de la retraite, en conclut simplement qu’il fallait fuir le grand monde, et s’attacher à la vie paisible et routinière des champs. Ralph, l’aîné, tira de cette histoire tant de fois répétée ces deux grandes moralités : que les richesses sont l’unique et la véritable source du bonheur, et qu’il est légitime de se les procurer par tous les moyens imaginables. Loin de se borner à la théorie, et de laisser ses facultés se rouiller dans des abstractions purement spéculatives, cet enfant de haute espérance débuta par être usurier à l’école sur une petite échelle. Il faisait valoir à gros intérêts un mince capital de crayons et de billes, et ses opérations finirent par embrasser la monnaie de cuivre de la jeune république. Il n’embarrassait pas ses emprunteurs de stériles calculs de chiffres, et ne les renvoyait point à Barême ; sa simple règle d’intérêt était comprise tout entière dans cette sentence dorée : Quatre sous pour un sou ! ce qui simplifiait extraordinairement les comptes. Cette sentence, considérée comme précepte usuel, bien plus facile à retenir qu’aucune règle connue d’arithmétique, ne saurait être trop fortement recommandée à l’attention des capitalistes, grands et petits, et notamment des prêteurs sur gages et escompteurs. Il est vrai de dire, pour rendre justice à ces messieurs, que la plupart d’entre eux ont l’habitude de la mettre en usage avec un remarquable succès.

À la mort de son père, Ralph Nickleby, qui, peu de temps auparavant, avait été placé dans une maison de commerce de Londres, poursuivit avec rage son projet favori, celui de gagner de l’argent. Ce soin l’absorba bientôt à tel point que, pendant longues années, il oublia complètement son frère pour ne songer qu’à prêter sur gages, agioter, et créer des sociétés en commandite.

Quant à Nicolas, il vécut solitaire de son revenu patrimonial, jusqu’à ce que, las de son isolement, il épousât la fille d’un propriétaire du voisinage, avec une dot de mille livres sterling. La bonne dame lui donna deux enfants, un fils et une fille, et lorsque le fils eut près de dix-neuf ans, et la fille quatorze ou environ, M. Nickleby avisa aux moyens d’augmenter son avoir, malheureusement écorné par l’accroissement de sa famille et les dépenses de l’éducation de ses enfants.

— Spéculez avec vos fonds, dit madame Nickleby. — Spéc…u…ler, ma chère ? dit M. Nickleby avec hésitation. — Pourquoi pas ? demanda madame Nickleby. — Parce que, si nous les perdions, nous ne pourrions plus vivre, ma chère. — Bah ! dit madame Nickleby. — C’est bien chanceux, ma chère, dit M. Nickleby. — Voilà Nicolas grand garçon, poursuivit la dame ; il est temps qu’il songe à se tirer d’affaire lui-même ; et Catherine aussi, la pauvre fille, sans un sou vaillant dans le monde. Songez à votre frère ; serait-il ce qu’il est s’il n’avait spéculé ? — C’est vrai, repartit M. Nickleby, oui… je spéculerai, ma chère.

Les chances furent défavorables à M. Nickleby, il y eut des bouleversements inattendus ; quatre agents de change disparurent ; quatre cents personnes furent ruinées, et entre autres M. Nickleby.

— La maison que j’habite, dit en soupirant le pauvre homme, peut m’être enlevée demain. Mon vieux mobilier sera vendu pièce à pièce à des étrangers !

Cette dernière réflexion lui causa une si vive douleur, qu’il se mit au lit, apparemment pour le garder à tout événement.

On eut lieu de croire que dès ce moment il n’était plus dans son bon sens ; car il radota longtemps au sujet de la générosité de son frère, et des heureux jours qu’ils avaient passés ensemble à l’école. Après cet accès de délire, il recommanda solennellement sa famille à celui qui n’abandonne jamais les veuves et les orphelins ; puis, souriant doucement, il détourna la tête, et dit qu’il croyait pouvoir s’endormir.

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Dans une partie écartée du Devonshire, en Angleterre, vivait un certain Godefroi Nickleby. Ce digne homme épousa une femme qu’il aimait, et qui, en acceptant sa main, ne montra pas moins de désintéressement.

Godefroi mena d’abord une existence assez précaire ; mais un de ses oncles étant venu à mourir subitement, le mit à même d’acheter une petite ferme, et d’élever ses deux fils. Il institua M. Godefroi son légataire universel.

À sa mort, arrivée quinze ans après, M. Godefroi put laisser à Ralph, son fils aîné, trois mille livres en numéraire, et à Nicolas, le plus jeune, mille livres et la métairie. Les deux frères avaient été élevés ensemble dans une pension à Exeter, et, comme ils venaient une fois par semaine à la maison, ils tenaient de la bouche de leur mère de longs détails sur les souffrances de leur père aux jours de sa pauvreté, et sur la splendeur de leur oncle défunt aux jours de sa prospérité. Ces récits produisirent sur chacun des enfants une impression toute différente. Le plus jeune, naturellement timide et ami de la retraite, en conclut simplement qu’il fallait fuir le grand monde, et s’attacher à la vie paisible et routinière des champs. Ralph, l’aîné, tira de cette histoire tant de fois répétée ces deux grandes moralités : que les richesses sont l’unique et la véritable source du bonheur, et qu’il est légitime de se les procurer par tous les moyens imaginables. Loin de se borner à la théorie, et de laisser ses facultés se rouiller dans des abstractions purement spéculatives, cet enfant de haute espérance débuta par être usurier à l’école sur une petite échelle. Il faisait valoir à gros intérêts un mince capital de crayons et de billes, et ses opérations finirent par embrasser la monnaie de cuivre de la jeune république. Il n’embarrassait pas ses emprunteurs de stériles calculs de chiffres, et ne les renvoyait point à Barême ; sa simple règle d’intérêt était comprise tout entière dans cette sentence dorée : Quatre sous pour un sou ! ce qui simplifiait extraordinairement les comptes. Cette sentence, considérée comme précepte usuel, bien plus facile à retenir qu’aucune règle connue d’arithmétique, ne saurait être trop fortement recommandée à l’attention des capitalistes, grands et petits, et notamment des prêteurs sur gages et escompteurs. Il est vrai de dire, pour rendre justice à ces messieurs, que la plupart d’entre eux ont l’habitude de la mettre en usage avec un remarquable succès.

À la mort de son père, Ralph Nickleby, qui, peu de temps auparavant, avait été placé dans une maison de commerce de Londres, poursuivit avec rage son projet favori, celui de gagner de l’argent. Ce soin l’absorba bientôt à tel point que, pendant longues années, il oublia complètement son frère pour ne songer qu’à prêter sur gages, agioter, et créer des sociétés en commandite.

Quant à Nicolas, il vécut solitaire de son revenu patrimonial, jusqu’à ce que, las de son isolement, il épousât la fille d’un propriétaire du voisinage, avec une dot de mille livres sterling. La bonne dame lui donna deux enfants, un fils et une fille, et lorsque le fils eut près de dix-neuf ans, et la fille quatorze ou environ, M. Nickleby avisa aux moyens d’augmenter son avoir, malheureusement écorné par l’accroissement de sa famille et les dépenses de l’éducation de ses enfants.

— Spéculez avec vos fonds, dit madame Nickleby. — Spéc…u…ler, ma chère ? dit M. Nickleby avec hésitation. — Pourquoi pas ? demanda madame Nickleby. — Parce que, si nous les perdions, nous ne pourrions plus vivre, ma chère. — Bah ! dit madame Nickleby. — C’est bien chanceux, ma chère, dit M. Nickleby. — Voilà Nicolas grand garçon, poursuivit la dame ; il est temps qu’il songe à se tirer d’affaire lui-même ; et Catherine aussi, la pauvre fille, sans un sou vaillant dans le monde. Songez à votre frère ; serait-il ce qu’il est s’il n’avait spéculé ? — C’est vrai, repartit M. Nickleby, oui… je spéculerai, ma chère.

Les chances furent défavorables à M. Nickleby, il y eut des bouleversements inattendus ; quatre agents de change disparurent ; quatre cents personnes furent ruinées, et entre autres M. Nickleby.

— La maison que j’habite, dit en soupirant le pauvre homme, peut m’être enlevée demain. Mon vieux mobilier sera vendu pièce à pièce à des étrangers !

Cette dernière réflexion lui causa une si vive douleur, qu’il se mit au lit, apparemment pour le garder à tout événement.

On eut lieu de croire que dès ce moment il n’était plus dans son bon sens ; car il radota longtemps au sujet de la générosité de son frère, et des heureux jours qu’ils avaient passés ensemble à l’école. Après cet accès de délire, il recommanda solennellement sa famille à celui qui n’abandonne jamais les veuves et les orphelins ; puis, souriant doucement, il détourna la tête, et dit qu’il croyait pouvoir s’endormir.

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