Mensonge romantique et vérité romanesque

Fiction & Literature, Anthologies
Cover of the book Mensonge romantique et vérité romanesque by René Girard, Grasset
View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart
Author: René Girard ISBN: 9782246040798
Publisher: Grasset Publication: April 1, 2014
Imprint: Grasset Language: French
Author: René Girard
ISBN: 9782246040798
Publisher: Grasset
Publication: April 1, 2014
Imprint: Grasset
Language: French

Don Quichotte ne désire pas spontanément ; il imite Amadis de Gaule, le médiateur de ses désirs. Dans le monde moderne, le médiateur n'est plus légendaire mais réel ; le disciple désire le même objet que son modèle, il se voit donc perpétuellement contrecarré par celui-ci et, loin de le vénérer comme Don Quichotte vénérait Amadis, il dénonce en lui un rival injuste ou même un persécuteur diabolique. L'homme moderne prise l'autonomie mais c'est toujours auprès d'un médiateur qu'il cherche à se la procurer, par une contradiction dont il n'a presque jamais conscience.
La littérature romantique répudie toute imitation et fait un dogme de l'originalité ; le médiateur reste dissimulé. La présence de ce médiateur, par contre, est inlassablement dénoncée dans les chefs-d'oeuvre romanesques. C'est de la médiation que relèvent ce que Stendhal appelle vanité et ce que Jules de Gaultier, chez Flaubert, appelle bovarysme. C'est la médiation qui régit le mécanisme de la haine chez Dostoïevski, de la jalousie et du snobisme chez Proust, c'est elle, enfin, qui permet d'interpréter le masochisme et le sadisme. Les conséquences de la médiation s'aggravent à mesure que le médiateur se rapproche du sujet désirant et ce rapprochement engendre une dialectique qui éclaire aussi bien les analogies et les différences entre les grandes oeuvres romanesques que l'évolution historique vers les formes totalitaires de la sensibilité individuelle et collective.
La réflexion de l'auteur s'élargit donc en une méditation sur les problèmes de notre temps. C'est dans l'univers de la médiation que triomphent l'angoisse, la concurrence frénétique et les valeurs de prestige. Percevoir l'universelle médiation, c'est dépasser les psychanalyses et l'idée marxiste d'aliénation vers la vision dostoïevskienne qui situe la véritable liberté dans l'alternative entre médiateur divin et médiateur humain. C'est lire l'échec de la révolte prométhéenne non seulement dans les oeuvres littéraires mais dans un monde qui se laisse définir non pas par le " matérialisme " ou par " l'éloignement des dieux " mais par un sacré corrompu et " souterrain " qui empoisonne les sources de la vie.
Telle est la vérité à laquelle le romancier lui-même ne parvient qu'à travers l'enfer de la médiation. Il lui faut unir l'introspection et l'observation pour créer un Don Quichotte, un Raskolnikov ou un Charlus ; il lui faut donc reconnaître un prochain et un semblable dans le médiateur fascinant ; c'est dire qu'il lui faut mourir à l'orgueil romantique. L'écrivain meurt dans son oeuvre pour renaître romancier de même que le héros voit se dissiper ses illusions au moment de la mort. Marcel Proust, dans Le Temps retrouvé, dégage une signification éthique et esthétique commune à toutes les grandes conclusions romanesques.

View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart

Don Quichotte ne désire pas spontanément ; il imite Amadis de Gaule, le médiateur de ses désirs. Dans le monde moderne, le médiateur n'est plus légendaire mais réel ; le disciple désire le même objet que son modèle, il se voit donc perpétuellement contrecarré par celui-ci et, loin de le vénérer comme Don Quichotte vénérait Amadis, il dénonce en lui un rival injuste ou même un persécuteur diabolique. L'homme moderne prise l'autonomie mais c'est toujours auprès d'un médiateur qu'il cherche à se la procurer, par une contradiction dont il n'a presque jamais conscience.
La littérature romantique répudie toute imitation et fait un dogme de l'originalité ; le médiateur reste dissimulé. La présence de ce médiateur, par contre, est inlassablement dénoncée dans les chefs-d'oeuvre romanesques. C'est de la médiation que relèvent ce que Stendhal appelle vanité et ce que Jules de Gaultier, chez Flaubert, appelle bovarysme. C'est la médiation qui régit le mécanisme de la haine chez Dostoïevski, de la jalousie et du snobisme chez Proust, c'est elle, enfin, qui permet d'interpréter le masochisme et le sadisme. Les conséquences de la médiation s'aggravent à mesure que le médiateur se rapproche du sujet désirant et ce rapprochement engendre une dialectique qui éclaire aussi bien les analogies et les différences entre les grandes oeuvres romanesques que l'évolution historique vers les formes totalitaires de la sensibilité individuelle et collective.
La réflexion de l'auteur s'élargit donc en une méditation sur les problèmes de notre temps. C'est dans l'univers de la médiation que triomphent l'angoisse, la concurrence frénétique et les valeurs de prestige. Percevoir l'universelle médiation, c'est dépasser les psychanalyses et l'idée marxiste d'aliénation vers la vision dostoïevskienne qui situe la véritable liberté dans l'alternative entre médiateur divin et médiateur humain. C'est lire l'échec de la révolte prométhéenne non seulement dans les oeuvres littéraires mais dans un monde qui se laisse définir non pas par le " matérialisme " ou par " l'éloignement des dieux " mais par un sacré corrompu et " souterrain " qui empoisonne les sources de la vie.
Telle est la vérité à laquelle le romancier lui-même ne parvient qu'à travers l'enfer de la médiation. Il lui faut unir l'introspection et l'observation pour créer un Don Quichotte, un Raskolnikov ou un Charlus ; il lui faut donc reconnaître un prochain et un semblable dans le médiateur fascinant ; c'est dire qu'il lui faut mourir à l'orgueil romantique. L'écrivain meurt dans son oeuvre pour renaître romancier de même que le héros voit se dissiper ses illusions au moment de la mort. Marcel Proust, dans Le Temps retrouvé, dégage une signification éthique et esthétique commune à toutes les grandes conclusions romanesques.

More books from Grasset

Cover of the book Humeurs by René Girard
Cover of the book Air indien by René Girard
Cover of the book Quand vivait mon père by René Girard
Cover of the book La tentation obscurantiste by René Girard
Cover of the book Ni ange ni bête by René Girard
Cover of the book Conversations d'un enfant du siècle by René Girard
Cover of the book L'effervescence du vide by René Girard
Cover of the book L'amour dure trois ans by René Girard
Cover of the book Fragments d'une femme perdue by René Girard
Cover of the book Eloge de l'esquive by René Girard
Cover of the book L'homme qui ne voulait pas être roi by René Girard
Cover of the book Pour ce qu'il me plaist by René Girard
Cover of the book Un chagrin d'amour et d'ailleurs by René Girard
Cover of the book La maison des anges by René Girard
Cover of the book Art et beauté dans l'esthétique médiévale by René Girard
We use our own "cookies" and third party cookies to improve services and to see statistical information. By using this website, you agree to our Privacy Policy