L’oublié

Romance, Historical, Romantic Suspense
Cover of the book L’oublié by Laure Conan, JMC
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Author: Laure Conan ISBN: 1230001135886
Publisher: JMC Publication: May 13, 2016
Imprint: Language: French
Author: Laure Conan
ISBN: 1230001135886
Publisher: JMC
Publication: May 13, 2016
Imprint:
Language: French

Ce livre comporte une table des matières dynamique, qui a été relu et corrigé.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.

Extrait:

Ce soir-là, il n’y était pas disposé et, les bras croisés, il resta debout devant la fenêtre à regarder la forêt tranquille que le soleil couchant dorait radieusement. Ses souvenirs soudainement éveillés le reportaient vers les années lointaines.
Il remontait ces sentiers du passé où, comme tous les hommes,
il avait laissé bien des illusions, bien des rêves, et la tristesse le gagnait.
« Il y avait longtemps, dit-il, reprenant sa place, que je désirais me retirer du monde, sans pourtant abandonner la
profession des armes. Aussi je fus ravi quand M. de la Dauversière me parla de cette ville qu’on voulait fonder en
l’honneur de la Mère de Dieu.
— Et vous n’avez pas hésité à tout quitter pour prendre la responsabilité et la direction de cette œuvre obscure, pleine de dangers ? dit Brigeac, regardant son chef avec admiration.
Vous êtes pourtant le seul héritier d’une famille ancienne et noble,… vous aviez devant vous un bel avenir.
Un sourire effleura la bouche ferme et sérieuse de Maisonneuve.
— L’une de mes sœurs est religieuse, dit-il. Vous ne vous étonneriez pas de me voir ici, si vous l’aviez entendue
m’exhorter à tout sacrifier, à tout mépriser pour travailler à la fondation de cette ville dont on attendait des merveilles… qui devait être comme un rempart pour la Nouvelle-France. Le
saint M. Olier avait le premier conçu ce projet hardi… On disait tout bas que l’ordre de fonder une ville à Montréal, en
l’honneur de la Vierge, lui était venu du ciel… Ce que je puis affirmer, c’est que M. Olier et M. de la Dauversière avaient de l’île de Montréal une connaissance plus exacte que je n’en ai
encore à l’heure qu’il est.
— C’est bien merveilleux, murmura M. de Brigeac.
— Oui, cela me semble naturellement inexplicable. Mais il y
eut d’autres preuves de la volonté divine. Aussi ma sœur Louise de Sainte-Marie donnait dans les étoiles à la pensée que
l’un des siens allait travailler à une telle œuvre… Elle et quelques autres enthousiastes de sa communauté voulaient absolument venir à Montréal. Pour me délivrer de leurs
instances, je fus obligé de promettre que je les emmènerais plus tard, et je dus accepter ce gage, dit M. de Maisonneuve, passant à son secrétaire une miniature de la Vierge qu’il avait
tirée de son portefeuille.
C’était l’un de ces chefs-d’œuvre de grâce et de délicatesse, comme on en voit dans les vieux missels. Autour il y avait écrit en lettres d’or :

Sainte Mère de Dieu, pure, au cœur loyal, Gardez-nous une place en votre Montréal.

— C’est sœur Louise qui a rimé cette prière, dit Maisonneuve, riant. Ah ! les femmes comme elles font fi des difficultés…
Mais, à Québec, ce fut bien différent. Sans exagération, notre arrivée fit scandale. On n’appelait pas la fondation de Ville-Marie autrement que la Folle Entreprise. On disait qu’aller se fixer dans un lieu si terriblement exposé, c’était tenter Dieu.
On nous reprochait de sacrifier inutilement beaucoup d’argent
et bien des hommes. On nous voyait tous massacrés ou — ce qui est bien autrement redoutable — prisonniers des Iroquois, ces démons incarnés. Cependant il y a treize ans que nous
sommes ici ; et, je ne crois pas du tout exagérer en disant que si nous n’y étions pas, il n’y aurait plus d’établissements français dans le Canada.
— Ce serait bien humiliant pour nous, dit le secrétaire, qui
avait écouté avec une attention extrême. Les colonies anglaises sont si prospères.
— Oui. Mais les puritains traitent les Indiens comme des bêtes fauves. Il ne faut pas que la civilisation leur apparaisse
comme une force brutale. Nous autres, nous subissons la guerre, mais nous voulons la paix… Nous voudrions ne former avec ces malheureux qu’une seule famille ; nous voudrions leur
donner la civilisation… la foi… tous les biens.
— Comme c’est bien de la France généreuse, fraternelle, dit
Claude de Brigeac avec émotion. Quoi qu’il arrive, non jamais je ne regretterai d’être venu à Montréal. Je ne sais si les autres sont comme moi, mais je m’y sens sur la plus haute cime
humaine.
— Et il fait bon de respirer un air que ne souillent, ni l’envie, ni la cupidité, ni l’hypocrisie. Seulement, dans les
grandes choses, avant l’effort qui réussit, il y a presque toujours des efforts qui passent inaperçus.
— Mais qu’importe ? qu’est-ce que le succès ? s’écria impétueusement le jeune homme. Il n’y a de réel que ce qui est grand… que ce qui est beau.
— Vous dites bien, monsieur de Brigeac. Laissez-moi ajouter : Il n’y a de vraiment grand, de vraiment beau que ce
qui est fait pour Dieu seul… Et, sous ce rapport, nous sommes dans une situation très heureuse, très favorable… Depuis treize ans, il se fait à Ville-Marie des prodiges de vaillance, mais qui le sait ?… quelle gloire nous en revient-il devant les hommes ?
… Si ce rameau de France planté au milieu de dangers si terribles venait à disparaître, est-ce que, dans le monde, cela ne ferait pas à peu près le même bruit qu’une branche qui tombe
dans un ruisseau ignoré ?
Et comme Claude de Brigeac le regardait sans rien dire, il poursuivit :
— N’allez pas croire que je le regrette ! Si vous saviez comme je vois le monde dans le lointain… Si vous saviez
comme il me semble petit… Ici, les sentiments, les intérêts misérables ne tiennent pas. Chose presque incroyable, vraiment admirable, nos hommes ont passé des années réunis dans le
fort ; et, dans ce frottement de tous les jours, de tous les instants, il ne s’est pas élevé entre eux une seule dispute.
— C’est que nous sommes à Ville-Marie pour nous dévouer, pour nous sacrifier, pour braver le danger, pour mépriser la
mort, s’écria Claude de Brigeac rayonnant d’ardeur. Et c’est si
beau quand on y songe !
— Oui, c’est beau à penser ; mais, à la longue, c’est dur à faire. Vous l’éprouverez, l’effort sans cesse renouvelé coûte à la nature humaine.

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Ce livre comporte une table des matières dynamique, qui a été relu et corrigé.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.

Extrait:

Ce soir-là, il n’y était pas disposé et, les bras croisés, il resta debout devant la fenêtre à regarder la forêt tranquille que le soleil couchant dorait radieusement. Ses souvenirs soudainement éveillés le reportaient vers les années lointaines.
Il remontait ces sentiers du passé où, comme tous les hommes,
il avait laissé bien des illusions, bien des rêves, et la tristesse le gagnait.
« Il y avait longtemps, dit-il, reprenant sa place, que je désirais me retirer du monde, sans pourtant abandonner la
profession des armes. Aussi je fus ravi quand M. de la Dauversière me parla de cette ville qu’on voulait fonder en
l’honneur de la Mère de Dieu.
— Et vous n’avez pas hésité à tout quitter pour prendre la responsabilité et la direction de cette œuvre obscure, pleine de dangers ? dit Brigeac, regardant son chef avec admiration.
Vous êtes pourtant le seul héritier d’une famille ancienne et noble,… vous aviez devant vous un bel avenir.
Un sourire effleura la bouche ferme et sérieuse de Maisonneuve.
— L’une de mes sœurs est religieuse, dit-il. Vous ne vous étonneriez pas de me voir ici, si vous l’aviez entendue
m’exhorter à tout sacrifier, à tout mépriser pour travailler à la fondation de cette ville dont on attendait des merveilles… qui devait être comme un rempart pour la Nouvelle-France. Le
saint M. Olier avait le premier conçu ce projet hardi… On disait tout bas que l’ordre de fonder une ville à Montréal, en
l’honneur de la Vierge, lui était venu du ciel… Ce que je puis affirmer, c’est que M. Olier et M. de la Dauversière avaient de l’île de Montréal une connaissance plus exacte que je n’en ai
encore à l’heure qu’il est.
— C’est bien merveilleux, murmura M. de Brigeac.
— Oui, cela me semble naturellement inexplicable. Mais il y
eut d’autres preuves de la volonté divine. Aussi ma sœur Louise de Sainte-Marie donnait dans les étoiles à la pensée que
l’un des siens allait travailler à une telle œuvre… Elle et quelques autres enthousiastes de sa communauté voulaient absolument venir à Montréal. Pour me délivrer de leurs
instances, je fus obligé de promettre que je les emmènerais plus tard, et je dus accepter ce gage, dit M. de Maisonneuve, passant à son secrétaire une miniature de la Vierge qu’il avait
tirée de son portefeuille.
C’était l’un de ces chefs-d’œuvre de grâce et de délicatesse, comme on en voit dans les vieux missels. Autour il y avait écrit en lettres d’or :

Sainte Mère de Dieu, pure, au cœur loyal, Gardez-nous une place en votre Montréal.

— C’est sœur Louise qui a rimé cette prière, dit Maisonneuve, riant. Ah ! les femmes comme elles font fi des difficultés…
Mais, à Québec, ce fut bien différent. Sans exagération, notre arrivée fit scandale. On n’appelait pas la fondation de Ville-Marie autrement que la Folle Entreprise. On disait qu’aller se fixer dans un lieu si terriblement exposé, c’était tenter Dieu.
On nous reprochait de sacrifier inutilement beaucoup d’argent
et bien des hommes. On nous voyait tous massacrés ou — ce qui est bien autrement redoutable — prisonniers des Iroquois, ces démons incarnés. Cependant il y a treize ans que nous
sommes ici ; et, je ne crois pas du tout exagérer en disant que si nous n’y étions pas, il n’y aurait plus d’établissements français dans le Canada.
— Ce serait bien humiliant pour nous, dit le secrétaire, qui
avait écouté avec une attention extrême. Les colonies anglaises sont si prospères.
— Oui. Mais les puritains traitent les Indiens comme des bêtes fauves. Il ne faut pas que la civilisation leur apparaisse
comme une force brutale. Nous autres, nous subissons la guerre, mais nous voulons la paix… Nous voudrions ne former avec ces malheureux qu’une seule famille ; nous voudrions leur
donner la civilisation… la foi… tous les biens.
— Comme c’est bien de la France généreuse, fraternelle, dit
Claude de Brigeac avec émotion. Quoi qu’il arrive, non jamais je ne regretterai d’être venu à Montréal. Je ne sais si les autres sont comme moi, mais je m’y sens sur la plus haute cime
humaine.
— Et il fait bon de respirer un air que ne souillent, ni l’envie, ni la cupidité, ni l’hypocrisie. Seulement, dans les
grandes choses, avant l’effort qui réussit, il y a presque toujours des efforts qui passent inaperçus.
— Mais qu’importe ? qu’est-ce que le succès ? s’écria impétueusement le jeune homme. Il n’y a de réel que ce qui est grand… que ce qui est beau.
— Vous dites bien, monsieur de Brigeac. Laissez-moi ajouter : Il n’y a de vraiment grand, de vraiment beau que ce
qui est fait pour Dieu seul… Et, sous ce rapport, nous sommes dans une situation très heureuse, très favorable… Depuis treize ans, il se fait à Ville-Marie des prodiges de vaillance, mais qui le sait ?… quelle gloire nous en revient-il devant les hommes ?
… Si ce rameau de France planté au milieu de dangers si terribles venait à disparaître, est-ce que, dans le monde, cela ne ferait pas à peu près le même bruit qu’une branche qui tombe
dans un ruisseau ignoré ?
Et comme Claude de Brigeac le regardait sans rien dire, il poursuivit :
— N’allez pas croire que je le regrette ! Si vous saviez comme je vois le monde dans le lointain… Si vous saviez
comme il me semble petit… Ici, les sentiments, les intérêts misérables ne tiennent pas. Chose presque incroyable, vraiment admirable, nos hommes ont passé des années réunis dans le
fort ; et, dans ce frottement de tous les jours, de tous les instants, il ne s’est pas élevé entre eux une seule dispute.
— C’est que nous sommes à Ville-Marie pour nous dévouer, pour nous sacrifier, pour braver le danger, pour mépriser la
mort, s’écria Claude de Brigeac rayonnant d’ardeur. Et c’est si
beau quand on y songe !
— Oui, c’est beau à penser ; mais, à la longue, c’est dur à faire. Vous l’éprouverez, l’effort sans cesse renouvelé coûte à la nature humaine.

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